CHAPITRE 31 - DIEGO
03.06.28,
Aéroport International d'Orlando | ORLANDO. – 9:49 PM.
J'ai le sentiment d'être observé, comme si les gens ici savaient ce que j'ai fait. C'est comme si les dix dernières années ne s'étaient pas écoulées et que, encore, on trouvait mon visage placardé dans les journaux du jour afin d'annoncer la descente du FBI chez les AlasNegras.
Ce sentiment me tord souvent les boyaux en réalité, peu importe où que je sois, y compris à Boston. Dans les couloirs du MIT, sur le campus, au bar ou dans la rue, j'ai parfois l'horrible impression d'être jugé. C'est comme si mes tatouages, ma carrure et les traits abîmés de mon visage parlaient pour moi, comme si une étiquette « ex-taulard gangster » était collée sur mon front.
Au fond de moi je n'arrive pas à oublier. J'ai conscience d'avoir toujours été contre les AlasNegras et d'avoir fait les choses non par parce que j'y prenais un quelconque plaisir mais uniquement car j'y étais contraint. Je sais que j'ai aidé la police, que j'ai trahi les miens et que j'ai permis à Brownsville de retrouver un peu de sérénité, mais je ne peux me sortir de la tête Cliff et Milo Klayne.
C'est un poids lourd comme le monde que je porte sur mes épaules, chaque jour, à chaque seconde. C'est une horrible sensation d'étouffement et d'oppression, à chaque regard que l'on me lance. Vivre avec ça, c'est compliqué. Chaque soir, au moment où je finis par sombrer dans le sommeil, je me revois presser la détente. Que ce soient pour le meurtre commandité de Klayne ou ma simple tentative de défense face à Cliff, le poids de la culpabilité et du remords m'empêche de trouver autre chose qu'un sommeil agité.
Ici, à cet instant précis alors que je récupère ma valise sur le tapis roulant, je me sens comme un animal en cage, une bête de foire lâchée dans l'arène. Ce n'est certainement pas le cas, mais j'ai l'impression que tous les gens ici se disent que je ne suis pas digne d'être libre, ou même d'être encore en vie. Ces angoisses ne sont le fruit que de mes propres craintes et pensées, et dans le fond je le sais, mais c'est difficile à gérer.
Je le pense vraiment : je ne devrais pas être ici après ce que j'ai fait. J'ai été mêlé à des trafics de drogue et d'arme et, sans même compter ça, à deux histoires de meurtre. J'ai conscience que les circonstances atténuantes ont fait que ma peine n'a pas été maximale et, de plus, revue à la baisse mais j'en ai honte. Chaque jour, quand je me regarde dans le miroir, j'ai honte de moi. J'ai honte d'être libre, d'étudier et de vivre alors que deux hommes sont six pieds sous terre à cause de moi.
Je n'arrête pas de penser à ce qui aurait pu arriver si j'avais eu des couilles. Si j'avais eu les couilles de dire non à Skull, de refuser d'entrer dans le gang malgré les menaces, peut-être que Milo Klayne aurait eu des enfants. Peut-être que Cliff mènerait finalement une vie rangée. Peut-être que maman et Andrea ne seraient plus là. Je culpabilise chaque jour mais, au souvenir des menaces que notre famille avait eues à encaisser à l'époque, je ne parviens pas à me sentir entièrement responsable. Le monde idyllique sur lequel je fantasme est toujours vite effacé par la réalité des faits.
- Holà hermano.
Je me jette dans les bras d'Andrea qui m'attend dans le hall des arrivées. J'ignore le monde autour de moi et j'ai désormais conscience d'être dans ma bulle. Cette même bulle qui me protégerait de tout, et pour toujours. Du haut de mes trente ans, bien qu'elle ait grandi elle aussi, je la surplombe toujours par ma grandeur et ma carrure. Malgré tout, on voit clairement que c'est elle qui me réconforte et qui amène de la force à notre étreinte. Je me laisse simplement bercer dans ses bras.
- Hé... chut, tout va bien.
J'ai à peine conscience d'être en train de pleurer, à chaudes larmes, mon visage dans ses cheveux. Ces derniers sentent les agrumes et l'odeur de son parfum pour femme, délicat et floral, m'est agréable. Ses mains frottent énergiquement mais tendrement mon dos afin de me réconforter et, là, je décide de me laisser aller. Je n'ai pas envie de lutter, de lui cacher ce que je ressens. Andrea est ma sœur et, même si elle restera toujours plus jeune que moi, c'est désormais une adulte responsable à qui je peux parler de tout.
- Du calme, Diego. Ça va, je suis là.
Je ne l'avais pas revue depuis ce qui me semblait être des siècles. À ma sortie de prison, bien sûr, j'avais passé quelques semaines ici. Mais, depuis, nous ne nous parlions qu'à travers le téléphone ou l'ordinateur. Il n'y a rien de meilleur que la serrer dans mes bras, la sentir là près de moi. C'est ma sœur, mon sang, ma famille. Même si la retrouver provoque en moi un immense choc émotionnel, je sais que ce dernier est nécessaire.
- Inspire, dit-elle en prenant mon visage entre ses mains. Expire. Voilà. Recommence.
Elle me sourit, attendrie, tout en essuyant mes larmes avec ses pouces tandis que ses mains délicates sont posées sur mes joues. Je la regarde, un sourire désolé et nerveux sur les lèvres, tout en m'efforçant de calmer ma respiration. Étonnamment, je me rends compte que je me sens déjà un peu plus léger.
- Allez viens, maman nous attend.
Je suis surpris par la force avec laquelle elle passe son bras autour de ma taille. Elle me tient contre elle avec fermeté et, pour une fois, je me sens rassuré. Le contact physique avec les membres de ma famille, depuis ma sortie de prison, ne m'a jamais réellement gêné. Avec Evan, c'est déjà un peu plus compliqué et je sais que c'est en partie à cause du désir que je sens irradier partout autour de lui. Ce n'est pas de sa faute, loin de là.
- Tu as fait bon voyage, ça va ?, me demande-t-elle.
- Oui, c'était un peu long mais ça va. Le seul hic, ce sont les sièges.
- Ils ont quoi les sièges ? , dit-elle en s'installant derrière le volant de sa voiture.
- Je suis trop grand, j'ai pas assez de place pour mes jambes.
Elle pouffe de rire et tapote affectueusement mon genou tandis que je boucle ma ceinture de sécurité. Quelques secondes après seulement nous quittons le parking de l'aéroport. Dans la nuit, je redécouvre Orlando tout en me perdant dans mes pensées.
Contrairement à mon vol, pendant lequel je n'ai cessé de penser à quel point j'étais coupable de choses horribles et impardonnables, je pense désormais à Evan. Dans un premier temps je revois ses beaux yeux et son sourire, dix ans en arrière, quand on était jeunes et insouciants. Puis, ensuite, mes pensées divaguent et je le revois au parloir.
Je ne saurais jamais mettre de mots sur ce que je ressentais, à ces moments-là. Personne ne peut imaginer ce que ça fait d'être là, en taule, menotté et traité comme du bétail sous les yeux de la personne qu'on aime. Il n'y aura jamais de mots assez forts pour qualifier ce putain de sentiment que je ressentais quand il était là, de l'autre côté de le vitre crasseuse en plexiglas, les yeux baignés des larmes qu'il s'efforçait de retenir. C'est un putain de sentiment de haine, d'amour et de tristesse à la fois. Un cocktail molotov d'émotions qui vous ronge de l'intérieur.
Même si ces moments sont flous dans ma tête et s'estompent avec le temps, il y a un sentiment qui est toujours encré en moi : celui que je ressentais lorsque je le voyais enfin face à moi. Je me souviens qu'à chaque fois mon cœur se serrait si fort que j'en avais le souffle coupé et l'envie de hurler. J'attendais toujours avec impatience, comme l'arrivée du Messie, le moment où il venait s'asseoir face à moi. Il était toujours différent. Il était toujours un peu plus beau, plus attirant, plus adulte et plus mature alors que moi, pendant dix ans, je me suis senti bloqué dans un corps et un esprit d'adolescent. Je tombais un peu plus amoureux de lui à chaque visite, alors qu'il posait sur moi un regard brillant d'amour et de détresse.
Ce regard-là, même si je suis libre aujourd'hui, j'ai mal de réaliser que je le vois toujours. Malgré mes efforts ces derniers temps, j'ai conscience qu'il souffre toujours autant. Ma présence n'est pas toujours agréable, voire vivable. Je vois toujours dans ses yeux l'amour qu'il me porte, mais j'y vois aussi la déception et la tristesse, la détresse, comme si ses iris noisette me hurlaient « regarde-moi et aime-moi putain ». Il ne le voit pas, lui, mais je le fais pourtant : je le regarde, à longueur et journée, et je l'aime.
Putain, je l'aime.
X X X
Maison d'Amanda Flores | HUNTER'S CREEK. – 10:32 PM.
La voix de Jose à l'autre bout du fil me réchauffe le cœur. Tout en l'écoutant parler, je tire une taffe de ma cigarette. Je suis installé sur la terrasse, les jambes étendues sur un bain de soleil, et j'observe les étoiles. Le ciel est sombre mais dégagé, et la température est très agréable ici en Floride : l'été arrive.
- On est allés faire du shopping avec Evan, et on est sortis au cinéma tout à l'heure.
- C'était cool ? T'as acheté quoi ?
- Des jeans, des t-shirts et des chaussures. Il a pris les mêmes que moi, d'ailleurs.
- C'est bien.
Je ne sais pas quoi dire d'autre, comme toujours. Je n'ai jamais réellement été le genre de gars qui aime parler, et ça n'a pas changé avec le temps. J'inspire profondément en regardant le ciel, tandis qu'un petit sourire étire le coin de mes lèvres : imaginer Jose et Evan, ensemble, me remet du baume au cœur.
- Et toi, ça va ? , me demande-t-il.
- Oui, nickel. Evan est avec toi, là ?
- Oui. Attends, je te le passe.
J'entends du bruit à l'autre bout du fil et j'imagine qu'il est en train de quitter sa chambre. Quelques instants plus tard, je les entends discuter avant qu'il ne lui passe le téléphone. Comme par hasard, maman s'installe sur le bain de soleil à mes pieds à l'instant où Evan me salue d'une voix penaude :
- Hey.
- Hey.
- T'es bien arrivé... ?
- Mhmh.
Je fixe le ciel sans but, perdu dans mes pensées. Maman attire mes jambes sur ses cuisses et, comme quand j'étais enfant, s'affaire à masser mes pieds nus : astuce de grand-mère pour me détendre, soi-disant. Je lui souris tendrement tandis qu'elle pose sur moi un regard bienveillant.
- Super, alors.
- Oui.
Je ne sais pas quoi lui dire à lui non plus : le seul fait d'entendre sa voix me suffit. J'aimerais qu'il me parle indéfiniment, peu importe ce qu'il aurait à me dire. Il pourrait me lire la liste des courses ou ses cours de médecine, cela ne me poserait aucun problème. En fait, je suis totalement amouraché.
- Tu... passe le bonjour à ta mère de ma part, OK ? À Andrea et Abraham aussi.
- Oui, pas de problème.
Un nouveau silence s'installe entre nous. Je regarde un peu partout autour de moi, en me demandant ce que je pourrais dire de plus, mais sa voix se fait entendre à nouveau :
- Je veux que tu saches... je m'en veux terriblement, Diego. Je donnerais tout pour revenir en arrière... tout.
- Je sais.
Je baisse mes yeux sur mes cuisses. Maman est toujours là, à me masser les pieds, et je me demande un instant si elle entend ou pas sa voix à travers mon téléphone. Je m'efforce de parler à voix basse, comme si je souhaitais qu'elle n'entende pas, mais je sais que cela ne sert à rien.
- Je te laisse en famille... bonne nuit Diego.
- Bonne nuit, Evan. Embrasse Jose.
- Oui, d'accord.
Il raccroche et, quelques secondes après seulement, je verrouille mon téléphone portable. Je le pose sur mon ventre et essaie de me détendre tandis que maman, adorable, tend la main pour tapoter mes abdominaux : nous n'avons pas besoin de mots, à cet instant précis.
Le regard doux qu'elle pose sur moi me laisse entendre qu'elle est fière de moi et qu'elle m'aime, malgré tout, de tout son cœur. Elle est inquiète pour moi, car je suppose que mon regard est beaucoup trop expressif depuis que je suis arrivé, mais je suis ravi de voir qu'elle n'a pas encore essayé de me tirer les vers du nez : elle ne sait pas pourquoi je suis ici.
Quand je lui ai téléphoné, hier soir en catastrophe alors que je réservais un billet d'avion à l'arrache sur mon portable, je lui ai simplement demandé si je pouvais vivre ici quelques temps. En tant que mère, elle a accepté sans poser de questions : je suppose qu'elle se doute que quelque chose ne va pas. Je suis arrivé il y a près de trente minutes et, comme si de rien n'était, nous avons dîné à table malgré l'heure tardive. Abraham ne sera présent que demain et Andrea est rentrée chez elle dans son petit studio. Maman et moi sommes désormais seuls et, là, je sais que nous allons devoir parler.
Je pense à Evan à nouveau, sa voix faisant encore écho dans ma tête. Je l'imagine, seul, avec Jose. Je sais que nous allons devoir, tôt ou tard, nous organiser. L'arrivée de Jose a été brutale. Pour l'instant nous nous contentons de vivre au jour le jour, mais je sais qu'il va falloir parler d'organisation d'ici peu. Un rendez-vous avec les services sociaux est prévu dans quelques semaines, afin d'officialiser la chose, et je dois avouer que cela m'angoisse : suis-je digne et capable de garder Jose avec moi, aux yeux de ces personnes ? Je sais que mon passé peut être un frein à tout ça, mais le testament d'Aubrey est légal. J'espère simplement que personne n'essaiera de me mettre des bâtons dans les roues : je tiens à Jose.
- Tu crois que c'est mal de pardonner ?
Je suis moi-même surpris par ma propre voix. D'habitude si grave et légèrement cassée, je suis surpris de l'entendre partir dans les aigus. Je baisse les yeux du ciel sur maman et lui adresse un petit sourire triste. Son regard triste me laisse sans voix.
- Je ne pense pas, dit-elle tout bas. Pourquoi me demandes-tu ça ?
Elle se remet à masser mes pieds, que j'essaie de parfois retirer de ses mains car les points de pression sont parfois douloureux. J'apprécie malgré tout l'instant, au calme dans le petit jardin de sa maison de quartier, la peau frôlée par une légère brise de printemps. Les oiseaux nocturnes chantent un peu dans les arbres et les étoiles brillent, distinctes, dans le ciel. Au loin, dans la rue, j'entends des jeunes parler et rire tandis qu'une musique s'élève de ce que j'imagine être une enceinte bluetooth.
- Evan m'a trompé. Il... il a couché avec un autre, maman.
- Oh. Et... qu'as-tu fait ?
- Je lui ai dit que je lui pardonnais. Je lui pardonne... mais j'avais besoin de distance.
- Pourquoi lui pardonnes-tu ?
J'hésite un moment avant de répondre. Je cherche mes mots en regardant son visage : bien qu'elle ait elle aussi pris de l'âge, elle est toujours aussi jolie. Je suis fier qu'elle soit ma mère, car je sais qu'elle a vécu des choses difficiles : mon père et son comportement dégueulasse, la honte sur ses épaules à cause de ce qu'il avait fait, la peur de nous perdre à cause du gang. Je sais qu'elle a enduré des choses douloureuses et angoissantes à Brooklyn et, aujourd'hui, je suis heureux qu'elle vive une vie paisible ici.
- Parce que je l'aime. Je ne peux pas le quitter, sans lui je suis perdu. J'aime être avec lui, sa présence, sa voix, son sourire. Tout, maman, j'aime tout de lui. Et... même si ça me blesse, je comprends pourquoi il l'a fait.
- Et pourquoi, d'après-toi ?
- J'ai été naze avec lui. Je l'ai traité comme de la merde alors qu'il m'a attendu pendant dix ans. Dix ans, maman. Et moi... j'ai été odieux. À sa place je serais parti... je ne peux pas lui en vouloir.
- Tu ne peux pas lui en vouloir, d'accord. Mais est-ce que tu lui en veux ? Tout simplement, Diego.
Je frissonne. Sa voix est assurée, sévère, mais tendre aussi à la fois. Elle a l'air déterminée mais cela ne l'empêche pas d'être compréhensive et encourageante. Elle pose délicatement ses mains sur mes mollets et se contente de me regarder tandis que, perdu et honteux, je baisse les yeux sur mes mains. Ces dernières sont nouées sur mes cuisses.
- Oui, bien sûr. Je... j'aurais aimé qu'il ne le fasse pas. J'aurais aimé qu'il... me parle, qu'il me dise que ça n'allait pas au lieu de tomber dans les bras d'un autre. J'ai pas assuré, mais lui non plus.
- Mon bébé.
- Ça me rend dingue... je te jure, l'imaginer avec un autre ça me rend fou, maman.
Une larme roule sur ma joue sans crier gare. Je viens l'essuyer avec le dos de ma main avant de fermer les yeux : aussitôt, l'image de son corps enlacé avec celui d'un autre me traverse l'esprit, et ça fait mal.
- Tu as pris la bonne décision en venant ici : tu vas pouvoir te reposer, réfléchir, et prendre ton temps. Ne te mets pas la pression, Diego. Tu l'aimes, et je sais qu'il t'aime aussi.
- Tu ne lui en veux pas... ? Je sais que tu l'adores. , dis-je en reniflant.
- Evan je l'ai aimé dès l'instant où j'ai vu le regard qu'il posait sur toi, Diego. Il te regardait sans filtre, parce qu'il a su voir le bon en toi. Bien sûr que je suis déçue, mais j'ai confiance en vous. Ce n'est pas à moi de régler cette histoire. Je ne peux que te soutenir, peu importe ton choix.
Elle est adorable et ses mots me touchent. Je me redresse sur le bain de soleil et viens m'asseoir contre elle, épaule contre épaule. Je pose ma tête contre la sienne tandis qu'elle passe un bras protecteur dans mon dos. Avec sa main, elle vient ensuite caresser énergiquement mon biceps.
- Je suis fière de toi mon bébé.
Mon bébé. Je ne peux m'empêcher de pouffer de rire en entendant ce petit surnom : j'ai trente ans, ma carrure fait deux fois la sienne, mais ça reste mignon car c'est simplement la vérité. Je suis son fils, son bébé, et je le serai toujours. Elle dépose un baiser sur le haut de mon crâne et, comme avant, je viens en claquer un sur sa tempe.
- Merci, maman.
Nous nous contentons alors du silence. Pendant plusieurs minutes nous restons-là, à regarder les étoiles, sans rien dire de plus : nous avons assez parlé pour ce soir. J'apprécie simplement sa présence, son odeur et sa chaleur près de moi, parce qu'elle m'avait énormément manqué.
Quand elle quitte le jardin dix minutes plus tard afin d'aller se coucher, je me retrouve seul avec moi-même mais pour la première fois depuis longtemps, ça me fait du bien. Je me sens alors léger et apaisé, comme si sa présence et ses mots avaient levé le voile qui planait sur moi depuis hier. Le poids sur mes épaules, que j'ai ressenti tout le long du voyage et beaucoup plus intensément à l'aéroport, s'est aussi allégé.
Je sursaute comme un idiot lorsque mon téléphone portable tinte sur mon ventre : un SMS. Sans me précipiter, je déverrouille mon vieil iPhone afin de lire le message que vient de m'envoyer Jose.
✉ DE : JOSE ✉
11:13 PM – Maman a eu un petit-ami pendant un moment, il y a trois ans. J'avais dix ans et ce type ne m'aimait pas. Il me frappait, parce qu'il « aimait pas les gosses ». Maman le savait pas, mais elle l'aimait et elle était heureuse alors j'ai rien dit. J'ai toujours pensé que personne pourrait m'aimer, que tous les hommes qui s'occuperaient de moi seraient méchants avec moi.
J'ai le cœur serré et le souffle coupé. Je lis encore et encore ses mots, totalement perturbé, blessé et en colère à l'idée qu'un sale con ait pu lever la main sur lui. Mes doigts survolent le clavier, sans savoir quoi faire, et alors que je m'apprête à lui téléphoner, je reçois un nouveau message de sa part.
✉ DE : JOSE ✉
11:16 PM – Je sais que des hommes ont été méchants avec toi en prison. On a un peu parlé avec Evan et je suis pas bête, je sais ce qu'il s'y passe là-bas. Je comprends pourquoi tu as peur, parce que moi aussi j'avais peur. Mais c'est pas parce que des hommes t'ont blessé comme ça qu'Evan te blessera. Tu ne dois pas avoir peur, parce que moi j'ai pas peur parce que je sais que toi tu ne me feras jamais de mal.
Les larmes roulent abondamment sur mes joues et je me rends compte que je m'étouffe : il a raison. Il a tellement raison, malgré son jeune âge, que c'en est effrayant. Ses mots me touchent en plein cœur, parce que je comprends ce qu'il essaie de me dire indirectement, et ça m'émeut. Un gamin de treize ans ne devrait jamais avoir à tenir un tel discours, surtout pour réconforter un adulte dans ma situation, mais le fait est qu'il a osé et qu'il a raison.
✉ DE : JOSE ✉
11:17 PM – Merci d'être là pour moi, Diego. Je t'aime beaucoup.
Ses mots ont l'effet d'un électrochoc sur moi.
. . . #gbsBigBangFIC
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