CHAPITRE 14

05.05.28,
Appartement n°14, Immeuble 050, Quartier d'East Village | MANHATTAN – 6:49 PM.

Mon sac à dos sur l'épaule et ma valise à mes pieds, j'inspire profondément avant de frapper à la porte. C'est assez étrange quelque part de devoir frapper à la porte de l'endroit où j'ai vécu toute mon adolescence. Je devrais entrer sans frapper, comme je le faisais toujours à l'époque, mais ce n'est plus mon chez moi. C'est celui de mes parents, d'Abby, et non le mien même si je serai toujours le bienvenu ici.

- EVAN ! Mon chéri !

Je souris de toutes mes dents lorsque je vois l'air effaré sur le visage de maman. Elle se précipite sur moi, après avoir ouvert grand la porte. Je la serre fort dans mes bras tout en blottissant mon visage au creux de son cou, tout contre son épaule. Elle sent ce parfum floral que je n'ai jamais supporté, mais c'est son odeur alors ça me fait du bien. Même si j'ai 27 ans aujourd'hui, même si je suis adulte, c'est toujours un bonheur de recevoir un câlin de ma mère.

- Qu'est-ce-que tu fais ici ?!

Elle s'exclame, les yeux brillants de larmes de bonheur, mon visage entre ses mains. Elle écrase mes joues entre ses paumes et je ne peux m'empêcher de rouler des yeux. Derrière elle, je vois Abby affalée dans le canapé, morte de rire. Papa, lui, s'est levé et attend près du comptoir que je fasse mon entrée.

- Surprise ! , dis-je simplement.

- Oh mon bébé !

Je l'embrasse sur la joue après qu'elle m'ait embrassé le front, protectrice comme si j'étais encore un enfant. Elle me laisse finalement entrer dans l'appartement. Je traîne ma valise derrière moi jusqu'au salon. Abby vient se lover contre moi quelques secondes, puis me lâche finalement. Enfin, tandis que maman referme la porte d'entrée en ne cessant de s'exclamer « j'y crois pas ! », je m'approche de papa. Ce dernier, comme toujours, m'assène une accolade virile et forte. Il sent le parfum pour homme.

- Salut mon grand.

- Bonsoir papa.

Nous nous séparons, le sourire aux lèvres. Pendant le court instant qui suit, c'est le silence. Maman me regarde les yeux brillants, papa aussi, et Abby sourit comme une idiote. Moi, j'inspire à pleins poumons l'air et l'odeur de ce foyer que j'aime tant et dans lequel je me sens si bien. Je me sens chez moi ici, contrairement à mon appartement à Boston. Ici, c'est ma maison.

- Je vais ranger ma valise dans ma chambre.

Je tire cette dernière derrière moi, mon sac à dos sur mon épaule. Je traverse le couloir avant d'entrer dans ma chambre. Quand j'allume la lumière et que je referme la porte derrière moi, un sentiment terrible de manque et de nostalgie me tord le ventre : rien n'a changé. Mes posters de groupes de rock mythiques et d'affiches de films sont toujours accrochées aux murs, comme il y a dix ans. Le lit est toujours au même endroit, recouvert de cette même parure de lit à motifs ethniques. Mon bureau est bien rangé, tout comme ma bibliothèque. Je pose ma valise dans un coin de la pièce et l'ouvre à plat sur le sol, avant d'en sortir un jogging. Je l'enfile à la va-vite, impatient de me mettre à l'aise. Je branche mon téléphone portable à la prise près de mon lit avant de m'y asseoir.

Je ferme les yeux tout en inspirant profondément. Mes mains sont posées à plat sur la couette, à côté de mes cuisses. Mes pieds, désormais dépourvus de chaussures, reposent à plat sur le tapis. Tous les souvenirs me reviennent alors en mémoire à cet instant précis : les conversations tardives avec papa, les entrées clandestines de Diego dans ma chambre, les batailles d'oreiller avec Abby quand, sortie de l'hôpital, elle passait ses soirées à m'embêter avant d'aller dormir.

Le plus beau souvenir de tous, ici dans cette chambre, c'est notre première fois. Malheureusement, c'est aussi le plus douloureux. Au souvenir de sa tendresse, de ses sourires et de sa gentillesse, je réalise encore une fois à quel point tout a changé. Je réalise une fois de plus que j'ai perdu tout ce dont je rêvais, tout ce que j'aimais. Il n'y a plus de tendresse, ni de sourires, ni de compliments. Les moments où il craque ne comptent pas : en général, il est dans une sorte d'état second comme s'il était dans sa bulle. Moi, ce dont j'ai besoin, c'est que ce soit spontané : j'ai besoin qu'il me serre dans ses bras de temps en temps, ou qu'il me complimente quelques fois. J'ai besoin d'un baiser quand il rentre des cours le soir ou quand je rentre du boulot. Je n'ai en aucun cas besoin de ses regards sombres et de ses remarques désagréables.

Je sursaute un peu lorsque mon portable vibre sur la table de chevet.

DE : DIEGO ✉
7:02 PM – Je viens de voir ton mot. Tu es bien arrivé ? J'espère que tu passeras un bon week-end. Prends soin de toi, Evan.

Je n'ai pas honte de m'être barré comme un voleur. J'ai préféré laisser un mot sur le comptoir de la cuisine plutôt que lui dire en face que je partais pour le week-end : je n'aurais pas été prêt à voir son regard colère sur moi. Je sais qu'il ne supporte pas l'idée que je puisse m'éloigner, de n'importe quelle façon. C'était plus simple ainsi.

À : DIEGO ✉
7:03 PM – Je suis bien arrivé, oui. Merci. Prends soin de toi aussi.

Je ferme les yeux, le cœur serré : j'espère juste qu'il ne boira pas trop. Je sais à quel point c'est parfois compliqué pour lui d'être seul à l'appartement. Dans ces cas-là, je suppose qu'il est trop occupé à penser à ses souvenirs, à ressasser le passé.

Je quitte ma chambre le cœur lourd quand j'entends le bruit de la vaisselle dans la cuisine. Quand j'arrive dans le salon, je vois que papa et Abby son en train de mettre la table. Je me précipite sur le tiroir à couverts afin de les aider. Maman, elle, vérifie son plat de lasagnes maisons dans le four. Je souris.

- Ça sent trop bon, maman ! , dis-je.

Elle me sourit en retour avant de revenir me serrer fort contre elle. Nous rions tous les deux, presque aux éclats : elle est heureuse, et ça me rend heureux de la voir ainsi. Elle m'avait manqué.

- Alors, dis-je, comment ça s'est passé en Angleterre ? Raconte !

- C'était génial ! , s'exclame-t-elle. Et le film est vraiment incroyable !

- On pourra le voir quand ? , demande Abby, impatiente.

Je regarde maman, tandis qu'elle s'en va fouiller dans son énorme sac à main. Quelques secondes plus tard, elle agite devant nous la pochette carrée d'un CD. Le sourire aux lèvres, elle nous dit :

- Pourquoi pas ce soir ?

- Super !

Nous nous exclamons de concert avec Abby. Papa, lui, vient voler un baiser sur le front de maman : il est fier d'elle. En fait, nous le sommes tous. Je me saisis de la pochette du CD, vierge, afin de l'observer. Rien ne laisserait penser qu'il s'agit du film inspiré par un livre de maman, mais le fait de le savoir me gonfle le cœur de fierté. Je suis heureux pour elle, qui a toujours adoré écrire et qui rêvait depuis tout petite de voir l'une de ses histoires adaptées à l'écran. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un film à gros budget, international, mais d'un petit film britannique, ça fait quand même son effet.

- Comment ça se passe à Boston ? , me demande-t-elle.

- Très bien, maman.

Je m'empresse de répondre, mais je me sens mal à l'aise quand mon regard croise celui de papa. Même s'il est heureux de ma présence, je vois très bien qu'il boue à l'intérieur. Il pense certainement à Diego, à cette histoire de gifle. J'imagine qu'il n'est pas particulièrement ravi de me voir mentir, le sourire aux lèvres, à dire que tout va bien alors que c'est loin d'être le cas. De toute évidence maman n'est pas au courant des complications dans mon couple, et je préfère la préserver de tout ça : elle s'inquiète toujours beaucoup trop, au point parfois de se rendre malade.

- Tu t'y plais dans cet hôpital ? , me questionne-t-elle tout en sortant la salade du frigo.

- Oui, c'est génial ! Mon supérieur est un peu con, mais ça se passe bien.

- Comment ça con ? ,

- Le genre de Christina Yang. Tu vois ce que je veux dire ?

- Je vois tout à fait.

Elle rit, amusée par la comparaison. Mon cœur se réchauffe un peu : quand j'étais plus jeune, gamin et même ado, on regardait toujours Grey's Anatomy ensemble. En fait, c'est lorsque j'ai découvert cette série que j'ai eu envie de devenir chirurgien. Pour quelle raison ? Je ne saurais pas vraiment l'expliquer. Je suppose que je trouvais les interventions passionnantes et excitantes, tout comme la vie à l'hôpital et les amitiés qui s'y créaient. Au fil des saisons, cela n'a fait que faire grandir mon envie d'en faire mon métier.

- Comment va Diego ? , me demande-t-elle.

- Il va bien.

Je tourne les yeux vers papa. Ce dernier fait la moue, agacé, avant de s'installer nerveusement à table. Contrairement à lui, maman n'a jamais été contre ma relation avec lui. Contrairement à papa aussi, elle ne le connaissait pas avant qu'il soit emprisonné. J'ai été étonné, quelques mois après son procès, qu'elle demande à aller le voir au parloir. Je n'ai jamais su ce qu'ils s'étaient dit, car elle avait préféré y aller seule, mais je suis heureux de voir qu'elle l'a accepté. Je suppose qu'elle ne s'est basée que sur ce qu'elle voyait, et non sur ce qu'elle savait de lui, de son passé. Papa, lui, n'a jamais réussi à mettre à part les détails sombres de sa vie.

- Heu... maman, je crois que les lasagnes sont cuites, là, s'inquiète Abby.

- Merde !

Maman se précipite sur le four, ses cheveux roux attachés en pétard sur sa tête. Lorsqu'elle ouvre la porte, une fumée épaisse enfume la cuisine et nous explosons de rire tous les cinq. Elle pose précipitamment le plat sur le plan de travail. Je chambre :

- Heureusement qu'Abby est là, quelques secondes de plus et on commandait des pizzas.

Nous nous installons à table quelques secondes plus tard. Le plat de lasagnes, légèrement noirci sur le dessus, posé au centre de la table. Nous nous servons chacun une part, ainsi qu'une moyenne ration de salade.

- Je suis heureuse que tu sois là mon chéri.

- Moi aussi, maman.

Ses yeux brillent de bonheur et j'ai le cœur qui s'emballe. Malheureusement, j'ai aussi un peu mal au ventre : je suis heureux d'être ici, à ma place, mais Diego me manque.

X   X   X

Allongé sous la couette, je fixe mon plafond. La lumière dans la chambre est éteinte, mais la luminosité des lampadaires de rue éclaire un peu la pièce. Je baille, avant de sentir des larmes de fatigue perler au coin de mes yeux.

Nous avons passé la soirée en famille devant l'écran plat, sur le canapé, à regarder ce fameux film. Pour avoir lu le livre, j'ai trouvé que la mise en scène était assez fidèle à l'histoire. Bien sûr quelques détails ont sauté, mais l'essentiel y est. J'ai beaucoup aimé l'ambiance angoissante que les producteurs ont réussi à instaurer, fidèle à l'histoire, de par les décors et les couleurs. Dans l'ensemble c'est un bon film. Je suis fier que maman ait réussi à aller aussi loin dans son boulot et dans sa passion.

Je tourne la tête vers la porte lorsque j'entends que quelques petits coups discrets y sont frappés. Quelques secondes plus tard, je vois la tête de papa dans l'entrebâillement de la porte. Je lui fais signe d'entrer, ce qu'il fait avant de la refermer doucement derrière lui. Vêtu d'un jogging et d'un vieux pull de la NYPD, il s'allonge près de moi sur le lit.

J'ai beau avoir 27 ans, mon père sera toujours mon meilleur ami. Peu importe l'âge que j'ai, que j'aurai, j'aurai toujours besoin de lui et de sa présence dans les moments compliqués. Je me fiche que cela ne semble pas viril, je me fiche de peut-être donner l'impression d'y être trop attaché, comme un enfant incapable de vivre sans ses parents, mais je m'en fiche : là, je viens poser ma tête sur son épaule tandis qu'il me serre fort contre lui, en silence. Je sais, là, qu'il attend que je parle.

- Je ne vais pas bien, papa.

Je lâche ça d'une petite voix, dans l'obscurité de la pièce. Je le sens se tendre contre moi tandis qu'il semble chercher ses mots. D'une voix grave qu'il s'efforce de contrôler, il me répond :

- Je sais.

Bien sûr qu'il le sait : il me connait par cœur. Il sait, à l'aide d'un simple regard, ce que je ressens ou bien ce que je pense. Il a très bien vu que je ne suis pas heureux dès l'instant où j'ai passé la porte. Le cœur lourd, j'avoue :

- Le pire dans tout ça... c'est que tu vois, là, il est pas là. Et il me manque.

- Evan...

- J'en ai marre, tu sais. J'aimerais être capable de passer à autre chose, vraiment, mais j'y arrive pas.

Je ferme les yeux : je n'ai pas envie de pleurer. Pas comme ça et pas maintenant. Je le pense réellement : parfois, j'aimerais être capable de tirer un trait. J'aimerais être capable d'accepter que ce n'est pas ce que j'espérais, et passer à autre chose.

- Tu l'aimes ?

- Oui. Je l'aime... plus que tout, papa.

Diego est toute ma vie. Même s'il m'en fait voir de toutes les couleurs, même s'il me fait du mal, c'est le cas. Et c'est ce qui est le plus terrible dans cette histoire, il me tue à petit feu mais je l'aime encore.

- J'le supporte plus quand il est là... mais il me manque quand il est pas là. Je sais plus quoi faire, papa. Je sais pas comment gérer.

- Je ne peux pas te dire quoi faire, Evan. C'est ta vie. Mais jure-moi que tu prendras soin de toi, d'accord ? Pense à toi d'abord, pas à lui. OK ?

Je hoche simplement la tête, en silence. Je n'ai pas la force d'ajouter quelque chose. L'odeur de papa est rassurante, car il utilise le même parfum qu'il utilisait à l'époque. Je retombe dix ans en arrière quand, ado, j'avais des coups de blues parce que Diego me manquait. Je ne comptais même plus le nombre de soirées que je passais avec papa, parce qu'il fallait qu'il me serre dans ses bras pour que je puisse m'endormir. J'avais 18 ans, mais c'était comme lorsque j'étais gamin. Aujourd'hui, c'est la même chose.

- Je suis désolé, tu sais.

- Désolé pour ? , demande-t-il tout bas.

- De t'avoir déçu.

Je sais que je l'ai déçu, même s'il l'a toujours gardé pour lui. Je sais à quel point il aurait aimé que je zappe Diego, que je me trouve un petit-ami normal sans casier judiciaire. Je sais à quel point tout ça lui tenait à cœur.

- Tu ne m'as pas déçu, Evan. Je suis fier de toi. C'est Diego qui me déçoit, pas toi.

- Pourquoi il te décevrait ? T'as jamais cru en lui, de toute façon.

- Tu te trompes.

Je fronce les sourcils, surpris. Il a l'air sincère lorsqu'il me dit ça : sa voix est posée, ses muscles détendus. Je lève la tête afin de le regarder. Dans l'obscurité, je vois que ses yeux brillent.

- Quoi ? , dis-je tout bas.

- Je me suis comporté comme un connard quand on l'a arrêté. J'ai été borné. Mais ce jour-là, quand je t'ai amené à l'hôpital, j'ai compris qu'il t'aimait. Je n'ai jamais oublié ce qu'il a fait, mais j'ai accepté qu'il puisse être sincère. Et voir comment il se comporte avec toi aujourd'hui, ça me déçoit. Tu l'as attendu, je pensais qu'il aurait la décence d'agir respectueusement.

Je ferme les yeux. Je serre papa très fort contre moi. Tout bas, contre son oreille, je murmure un petit « merci ». J'ai honte de réaliser que je me suis trompé pendant toutes ces années : il croyait en Diego. J'ai toujours pensé qu'il le prenait pour un menteur et un profiteur. En réalité, il n'était pas si aveugle que ça.

- Demain, si tu veux, on ira se faire un karting, d'accord ? , me dit-il.

- Oui, OK.

Le karting, c'est le genre de truc qu'on adore tous les deux. Quand Diego était en taule, quand j'avais de gros coups de blues et que je ne voulais plus rien faire de ma vie, y compris aller à la fac, papa me traînait au karting. Il me fallait toujours deux ou trois tours de pistes avant de me mettre à sourire mais, après, c'était un pur moment de bonheur. On se gueulait des insultes gentilles pour se chambrer, on se faisait la guerre, et je sortais toujours avec le sourire et le cœur léger. C'étaient ces moments géniaux à passer avec un père, et je dois avouer que ça me manque.

- Je vais me coucher mon grand. Ça va aller ?

- Oui. Bonne nuit papa.

Il m'embrasse sur le front, tendrement, avant de se lever. Je me blottis sous la couette à l'endroit où il était allongé, mon corps blotti dans le creux formé par le matelas, ma couette autour de moi. Mon portable vibre sur ma table de chevet, mais je l'ignore. Le cœur lourd, le ventre serré, je finis par tomber de fatigue.

X   X   X

Je m'étouffe. Quand j'ouvre les yeux, rivés sur le plafond, il me faut un bon moment pour réaliser que tout ceci n'était qu'un rêve. Ma respiration est saccadée, mon bas-ventre douloureux, et je sens une érection dans mon boxer. Les battements de mon cœur sont endiablés et, quand je porte la main à mon visage, je remarque que ma peau est recouverte de sueur. Mes cheveux sont collés sur mon front, trempés, tout comme le tissu du t-shirt que je porte.

Je me redresse dans le lit et repousse la couette de mon corps. Mon érection est douloureuse et, perdu, j'y pose ma main. Je sens le sang pulser dans mes veines et tous mes muscles semblent engourdis. J'ouvre la bouche afin d'inspirer à pleins poumons, le cerveau à l'envers, le cœur en miettes.

Quand je ferme les yeux, afin d'essayer de me calmer, des bribes de ce fichu rêve érotique me reviennent en mémoire : une bouche tentante, des mains expertes et confiantes, et des fesses musclées. Je vois les détails rapides de tatouages de serpent, d'une tête de mort et d'oiseaux. Je revois un corps entre mes cuisses.

Quand je vois des yeux clairs et bleus, mon cœur loupe un battement : ce ne sont pas les yeux de Diego, mais ceux de Jayden Shaw.

.   .   . #gbsBigBangFIC 

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