Il y a tant de tristesse dans les yeux d'Adrian. Ça me serre le cœur, je voudrais pouvoir m'approcher, mais une vitre nous sépare. Je suis assis à un comptoir et il me dévisage en silence, le regard vide et désespéré, les traits tirés par la fatigue. Il semble épuisé. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre l'arrestation et la rencontre que nous avons présentement, mais la pâleur de son teint m'inquiète.

Je ne sais vraiment pas quoi dire. Notre temps est compté, mais les mots que je voudrais prononcer ne franchissent pas la barrière de mes lèvres. J'ai l'impression que peu importe ce que j' essaierais de faire, rien n'aurait le pouvoir d'apaiser le frère de Luna.

Je décide finalement de commencer par une question, en tentant de ne pas paraître trop troublé.

-Est-ce qu'ils t'ont maltraité?

Il baisse les yeux, mais je vois la douleur dans son regard tout de même. Apparemment, la réponse est oui...

-Ils... m'ont seulement interrogé. Rudement.

-Quoi? Mais... ils n'ont pas le droit de faire endurer ça à un  suspect! Il faut des preuves, tu as  droit à un procès, et...

-Paul, Luna t'a-elle expliqué la situation? Je ne suis pas qu' un simple suspect...

Je le regarde sans comprendre. Luna ne m'a rien dit, mais je n'aurais pas eu l'indélicatesse de lui poser des questions dans un moment pareil. Que veut-il dire par là?

-Raconte-moi. Tu m'as dit que... c'était de ta faute, pour l'accident de Luna, et l'officier de police a parlé d'une « déclaration d'innocence » déniée par ton père... Que s'est-il réellement passé pour que nous en soyons là, Adrian?

Là, il se détourne. Semble incapable de me faire face. J'appuie ma main contre la vitre, et j'attends, le cœur battant. Il devra bien me le dire, même si c'est douloureux pour lui. Je me sens un peu coupable de lui infliger cela en un pareil moment, mais je dois comprendre. Je dois savoir ce qui s'est passé pour que la fille que j'aime soit blessée à ce point.

Finalement, il me regarde dans les yeux. Je plonge mon regard dans le sien, tentant de lui donner la force de parler. Il s'assombrit, et je vois la résignation remplacer le trouble sur son visage.

-Bien. Je vais te raconter. Mais ne m'interromps pas.

Je hoche la tête, soulagé de pouvoir enfin obtenir des réponses, mais inquiet de découvrir une vérité qui changerait tout.