Je suis restée dehors quand il est parti, sans oser entrer dans ma maison vide. Voulant prolonger encore ce moment, garder la chaleur de ses lèvres sur les miennes. Je suis assise sous les rayons de la lune, près de la fontaine du jardin, comme une fée solitaire.

Mais ce soir, je rêve à ma vraie vie, au lieu de laisser mon esprit dériver vers l'imaginaire. Et je sais que Paul ne m'a pas abandonnée, ce soir. Qu'il reviendra encore m'enlacer et me dire que je suis jolie.

Belle. Je ne me rappelle même plus de quel effet cela fait de l'être. J'ai déchiré toutes les photos de mon enfance dans un moment de haine contre le monde entier, avant la résignation, la calme acceptation de mon destin. Mais je me rappelle encore une esquisse de souvenir, de la lumière dans le regard des gens quand il croisait le mien, de la douceur ensoleillée de leurs sourires. J'étais une adorable petite fille. Même si mon père ne me l'a jamais dit, je sais qu'il préférait celle que j'étais avant.

Mais ce soir, je n'en ai rien à faire. Tant pis si je ne suis pas parfaite, si mes épaules se courbent sous le poids des regards. Même la douleur que j'éprouve à propos d 'Adrian semble s'amoindrir, je ne crains plus le retour de mon père, ni les contre-coups qui m'attendent. Je sens une telle joie pulser dans mes veines, comme je n'en aie jamais connu dans ma vie. C'est normal d'offrir des cadeaux à la fille qu'on aime...

Je me lance dans une danse légère, le sourire aux lèvres, sans avoir besoin de musique pour rythmer mes pas. Mes pieds froissant l'herbe de la cour, la lumière de la lune éclairant mes yeux. J'ai encore le droit de rêver, d'espérer. D'être la fille normale, qui sent son cœur vibrer d'amour sans avoir à le cacher.

Je me sens tellement vivante, ce soir.