Je caresse le dos de Luna, tentant de l'apaiser malgré la colère et l'incompréhension que j'éprouve aussi. La secrétaire de l'accueil parle au téléphone, et je reconnais la voix de mon père en provenance du combiné. Elle lui explique que je me trouve au poste de police, pour prendre soin d'une amie. Que le frère de cette amie a été arrêté, et qu'elle n'a nulle part où aller, personne à qui se raccrocher.

Luna ne pleure pas, mais elle s'enfonce les ongles dans les paumes, serrant les dents. Je ne comprends pas comment elle fait pour tenir. Elle vient tout juste de retrouver Adrian et il lui est arraché, pour des raisons qui paraissent complètement dénuées de sens.

-Vous deux, là.

Je relève la tête. Luna ignore l'homme qui vient de nous interpeller, et je ne réponds pas, certain de ne pas pouvoir m'empêcher de demander des explications si j'ouvre la bouche. Et les réponses ne devraient pas me plaire, considérant la situation...

Le gardien reste impassible, et dit d'une voix monocorde:

-Vous avez droit à une visite. Un par un, et dans des pièces séparées. Le garçon passe en premier, car son père arrive dans peu de temps. Suivez-moi.

Je me lève sans protester, et nous emboîtons le pas au gardien, malgré la tension qui plane dans l'air. Qui imprègne chacun des murs de cet édifice angoissant.

Les corridors sont vastes, sans doute pour faciliter la poursuite en cas d'évasion. Je frémis malgré moi. Cet endroit est si impersonnel, vide de toute chaleur humaine. Si le directeur adjoint doit passer ses jours et ses nuits ici pour une longue durée... Il y a de quoi rendre un homme fou.

-C'est ici. Entre en premier. Toi, la fille, attends avec moi, et...

L'homme cesse de parler, en constatant l'indifférence de Luna qui regarde ailleurs. Il s'avance en fronçant les sourcils, s' apprêtant sûrement à la ramener à l'ordre, mais elle me lâche la main, s'éloignant lentement.

Avant même que je ne puisse la suivre, je vois quelque chose qui me fige sur place.

Par l'épaisse vitre blindée de la porte d'à côté, on voit une petite pièce, une cellule de détention probablement. Et je reconnais le père de Luna, accroupi sur le sol, dos à nous.