Force de Paul
Le regard du psychiatre est sombre et il ne fait rien pour le cacher. Les doigts croisés sur la table, il récite d'une voix monocorde et habituée aux drames une liste interminable de symptômes et de possibilités. Je ne sais pas si je suis heureux que nous l'ayons rencontré alors qu'il revenait du bureau du commissaire. Je ne m'étais pas préparé à recevoir un diagnostic si tôt, et Luna non plus.
Je la vois serrer les poings sous le bureau alors que les mots impitoyables déchirent le silence de la pièce. «Dépression... Refus d'entrer en contact... Épisodes psychotiques... hospitalisation...»
-Nous avons dû l'hospitaliser et son procès a été temporairement suspendu. Il est possible qu'étant donné son état, l'accusation soit mise sur le compte de la folie, et dans ce cas...
-Je veux le voir.
La voix fragile et pure de Luna interrompt le monologue du psychiatre. Ses mèches roses dissimulent toujours en grande partie son visage, mais les éclats bleus au travers irradient de volonté. Elle glisse ses doigts entre les miens, son autre main allant prendre son médaillon dans un geste nostalgique. Je sais à quel point son besoin de voir son grand frère est grand. Je dévisage le psychiatre, attendant sa réponse.
Il enlève ses lunettes et regarde Luna droit dans les yeux. Son regard est perçant et coupant comme du verre. Un regard qui analyse et démasque. Je la vois frissonner. Ses paupières frémissent comme des éventails au vent. Elle a encore de la difficulté à supporter les regards trop inquisiteurs. Mais elle ne baisse pas les yeux. Sa mâchoire se serre avec détermination. J'observe sa lutte contre elle-même, impuissant, sans pouvoir rien faire pour lui venir en aide.
-Je ne crois pas que ce soit la meilleure solution présentement, Mademoiselle...
-Vous allez devoir m'hospitaliser aussi si vous refusez de me laisser aller à sa rencontre. Je suis sa sœur. J'ai été séparée de lui injustement et je viens tout juste de le retrouver. Je ne le laisserai pas partir à nouveau... loin de... moi...
Sa voix tremble et je serre son bras convulsivement. Si elle montre trop d'émotion, le psychiatre en déduira qu'elle n'est pas en état de voir Adrian. Elle comprend. Elle se raffermit, et ajoute en affrontant le regard à présent incertain du psychiatre:
-Je suis peut-être la seule à pouvoir l'empêcher de sombrer.
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