J'espère sincèrement que tout va bien pour toi. Pour ma part, je ne pourrais te dire oui sans mentir.

Maève, j'ai l'impression que tout pars en éclat, ma vie comme ma santé mentale. Tu l'as déjà ressentie, n'est-ce pas, cette sensation horrible? Cette rupture avec la réalité? Ce déchirement de l'âme, cette lente agonie?

Ici, je ne dors pas. Mes nuits sont peuplées de cauchemars, je te vois qui rôde tout autour, en gémissant, des rides et des lignes de sang s'inscrivant dans l'ivoire de ton visage. Et l'instant d'après, c'est notre mère que je vois, elle m'accable de reproches, m'accuse de l'avoir tuée... Pourquoi est-ce que j'ai si mal? Tu es en sécurité, n'est-ce pas? Et elle aussi... Elle est morte, elle ne souffre plus, plus jamais...

En me relisant, je constate à quel point mes phrases sont incohérentes. Mais peu importe, tu ne liras jamais cette lettre. Je deviens fou, très probablement. Je m'excuse. Je suis désolé, Luna-Maève... et tu ne sauras jamais à quel point.

Peu importe le nombre de fois que je relis ces mots, la douleur est toujours aussi cuisante, imprégnée dans le papier, dans chaque tournure de phrase. Quelque part en moi, je refuse de croire qu' Adrian a vraiment écrit cela. Ce serait beaucoup trop horrible.

Une semaine a passé depuis l'arrestation. Paul me regarde avec des yeux nouveaux. Maintenant, plus que la compassion, je vois la pitié dans son regard. Il n'a pas de frère. Il ne pourra jamais comprendre. Mais il tente de me réconforter tout de même, et j'aime la douceur de ses lèvres sur mon front. Heureusement qu'il est là.

Je loge chez lui désormais, pour les quelques jours avant le procès. Ses parents m'ont acceptée sans poser de questions. Ils n'ont rien dit quand l'avocat est passé hier pour me montrer cette lettre, trouvée dans la cellule d'Adrian. Paul m'a pris dans ses bras quand il a fait allusion à l'hôpital psychiatrique, et lui a ordonné sèchement de partir. Encore là, ils n'ont pas réprimandé leur fils pour cette impolitesse. Je me suis sentie mieux.

Je retourne à l'école, demain.