Les flocons de neige dansent et tourbillonnent dans le vent, leur givre se déposant sur mes cheveux roses. Cristal éphémère sur mèches colorées. Mon souffle créé des nuages de buée sur mes lèvres tremblantes de froid. J'avance, la tête haute, sans vaciller malgré les plaques de glace sous mes pieds. Le bras de Paul m'enlace la taille. Nous nous soutenons mutuellement, deux silhouettes avançant dans le premier blizzard de novembre.

La chaleur de son corps me fait frissonner encore plus que le froid. Des souvenirs affluent dans ma mémoire. Le soleil ardent alors que je cours sur la plage, l'exaltation dans les yeux d'Adrian alors qu'il me poursuit. Son rire quand je trébuche, la tête première dans l'eau salée. Le parfum de la mer tout autour. L'insouciance, la paix, l'amour. 

Je me retrouve à présent dans le regard de Paul. Les souvenirs ne font que me perdre encore plus, et ils s'estompent avec le temps comme le sable de la plage s'effrite au gré des marées. J'ai besoin de plus. Je me rapproche de lui, faisant glisser ma main dans son dos. Je sais que bientôt, je me fonderai complètement dans son étreinte, sans crainte ni hésitation.

Mais pour l'instant, nous devons éclaircir une bonne fois pour toute ce mystère qui nous étouffe, moi et Adrian, depuis si longtemps. Le silence doit être définitivement brisé. Je ne laisserai pas notre père, ni personne d'autre, lui faire du tort injustement.

La vue du commissariat au bout de la rue raffermit ma détermination. Je serre dans ma main la lettre écrite par mon frère. Tant pis pour la peur. Tant pis pour le mensonge. Je suis plus forte que moi-même. La moi enfermée dans ma conscience qui me crie d'aller me cacher tout au fond de ma chambre, sous une pile de couvertures et de pansements pour cacher mes cicatrices.

Paul passe sa main dans mes cheveux. Derrière ses mèches sombres, ses yeux bruns profonds brillent avec confiance. Alors que nous sommes à quelques pas d'une épreuve qui sera sans doute éprouvante, des milliers de mots veulent passer la barrière de mes lèvres. Serre-moi dans tes bras, Paul, réconforte-moi avec ton sourire sincère, fugace comme une pluie d'été, emmène-moi où tu voudras mais loin d'ici.

Bientôt. Nous partirons bientôt de cette rue grise. Et Adrian sera avec nous.

Je m'en fais la promesse.