9. La tour de l'oubli

La lumière du soleil me réveille en douceur. J'ouvre les yeux et m'étire. Ou, en tout cas, j'essaye. Si les muscles pouvaient crier, ils seraient en train de hurler.

Littéralement.
Je ne peux pas me bouger. Vraiment pas. Absolument. Pas.

Mes bras, ils font mal, mais d'une manière...
Les abdominaux, aussi.
La nuque, pareil.
Les cuisses et mollets, un peu moins, mais ça fait mal quand même.

La douleur me donne l'impression que si je bouge, ne serait-ce qu'un seul millimètre, un muscle va se déchirer, lentement mais sûrement. Et qu'il va brûler. Et que après, il va se reconstituer, petit-à-petit, douloureusement.

Je reste donc clouée au matelas, jusqu'à ce que Aideen accoure.

«Paisajanea ! J'ai reçu l'ordre de te réveiller, le Shaolin veut te voir ! Tu dois être en bas dans un demi-tdp ! Lève-toi !»

Hein? Dans un demi-tdp ? Oula, t'es mal barrée ma pauvre.
Attends, non mais sans blague... Un demi-tdp? Il va devoir attendre, ce Shaolin.

Aideen tire les rideaux, m'enlève la couverture, et me prend du bras. «AÏEEEEEE !!!!! je hurle, Aïe aïe aïe. J'ai des douleurs de muscles, Aideen. Mais horribles.
      — Oh, mince ! Ça va être compliqué...
      — Ouais, un peu. J'ai mal partout.»

Après quelques petites disputes, Aideen réussit à me sortir du lit. Je me dirige très maladroitement vers la salle de bain, me lave la figure, mal d'ailleurs, me coiffe les cheveux, me les attache, et regarde les habits mis à disposition et choisis un pantalon large, noir, avec des poches sur les côtés, au niveau des genoux; et un haut à manches longues, collé à ma peau, qui s'arrête au niveau du nombril, de la même couleur que le pantalon. J'enfile une veste noire, elle aussi.

J'ai trouvé l'énergie de contrer cette douleur, parce que je ne veux pas qu'Amel croie que je suis faible.

Enfin prête, je sors de ma chambre, en essayant d'ignorer la douleur. Arrive le moment où je dois descendre par ces escaliers en colimaçon.
Je ne vais pas survivre.
Autant mourir tôt, hein.
J'emprends le chemin qui mène vers l'étage du bas.

Quelques temps plus tard, après quelques chutes et quelques peurs horribles, j'arrive enfin dans le couloir des entraînements.

J'entre dans la Herreign Hale, où sont postés Amel, Edana, Inaki et Sahar.

Ça sent mauvais.

Mine de rien, j'entre dedans, m'efforçant de cacher mes douleurs de muscles.

«Alors, Paisajanea, comment vas-tu ce matin ? me demande Amel, Tu as survécu à cet entraînement, comme je vois.
       —Je vais bien, merci de te soucier de ma santé et de mon état, mais pourquoi tu m'as appelée ?» Ils échangent tous un regard. Je pense qu'ils croyaient que j'allais arriver pantelante, endolorie et fatiguée.
C'est le cas, mais je ne le montre pas, évidemment.

«Mais... me demande Inaki stupéfait, Tu n'as pas de  courbatures ?
      — De...de quoi ? Des courbatues?
      — Courbatures. Avec un "r" entre le "u" et le "e". Tu ne sais pas ce que c'est ?
      — Ben, non, je réponds, sinon je ne t'aurais pas demandé.
      — Logiquement. Tu sais, quand tu as fait plus d'exercices musculaires que d'habitude, le lendemain, tes muscles te font très mal. Comme s'ils hurlaient.»

Ah. Ça a un nom.
Je leur mens ou leur dis la vérité ?
Pour une fois, on va être honnête, hein.

«Aaaaaah, ça... Oui, j'en ai. Après 320 pompes, il ne faut pas s'attendre à des miracles, surtout pas de ma part.»

Inaki penche la tête sur le côté, l'air de dire "en effet".

                          ***
Après quelques leçons sur ce que je devrais faire pour atténuer ces "courbatus" (ou bien c'est courbatures? Je sais pas.) et quelques points à éclairer au sujet de mes dons, je sors du monastère et me dirige vers l'aile est de celui-ci.

Je cours, pour me détendre et vider mon esprit, jusqu'à ce que j'arrive à une tour, très haute, en marbre blanc et, au bout, quelque chose de doré, que je n'arrive pas à distinguer.
On monte ?
Bah, pourquoi pas ?
Allez, on y va.

Je suis dans des escaliers (en colimaçon, évidemment) interminables, je crois.
Je les grimpe quatre à quatre.
Au moins, ça me distrait de ces courbatures (ou courbatus) aux bras et à la nuque.

Arrivée à ce que je pense être la moitié de cette tour, je m'assois sur le rebord d'une fenêtre, pour souffler un peu.

Attends... Pourquoi j'ai voulu monter déjà ? Bonne question.
Après, avec ma mauvaise mémoire, ça ne m'étonne pas que je ne sache pas. Mais, quand même !

Tout à coup, une belle femme apparaît. Attends, quoi ? J'étais où elle est il y a à peine une minute ! Et... Hein ?

«Bonjour, me dit-elle, jeune fille.» Jeune. Fille. Je crois que c'est la troisième personne qui me traite respectueusement depuis que je suis arrivée ici.
«Bonjour.» Il faut être poli quand on est poli avec toi. Eh ouais.
«Que fais-tu ici, me demande doucement la dame, demoiselle ?
      — Je peux vous poser la même question. répond-je, Et une autre : Comment se fait-il que vous soyez là ? J'y étais il y a à peine deux minutes et c'était vide. Pouvez-vous m'éclairer ?» Je vois un sourire apparaître sur ses lèvres rouge framboise. Ses cheveux pendent dans son dos, longs et lisses, noirs comme la nuit, avec des points blancs ou argentés. Ses yeux sont grands, bleu foncé, et en amande. «Tu sauras toutes les réponses à tes questions quand tu seras prête. En temps voulu. » Et sur ce, elle disparaît. Oui, disparaît. Un instant avant elle était là et maintenant elle n'est plus là.

Je suis toujours en train de me poser des questions quand j'entends des pas un peu plus bas. Athanase arrive peu de temps après.

Elle affiche un visage surpris en me voyant, puis se mord la lèvre.

Attends, elle est en train de rire ?
«Euh, me demande-t-elle en essayant de ne pas rire, ça va, Paisajanea ?
       — Ben oui, pourquoi ? Tu sais que je vous que tu veux rire, hein, donc ris. »

À peine ai-je prononcé ces mots qu'elle éclate de rire. Mais vraiment, elle éclate de rire. Un rire bruyant, sincère et, je dois le dire, contagieux.
Malgré tout, je ne ris pas moi. Je hausse un sourcil.

«Alors, c'est très bien de rigoler, mais c'est quoi que tu trouves drôle là ?
     — C'est que... Bahahah... Ta tête...  BAHAHAHA... Elle était... Ahahah... HILARANTE.» Et elle éclate encore plus de rire. «Attends... Ahahaha... Je vais essayer de... Hahah... De t'imiter.» 

Elle commence a mettre ses yeux dans le vague, courbe le dos, laisse ses bras pendre et ouvre un peu la bouche.

C'est à mon tour de rire un peu. C'est vrai que c'est un peu ridicule.

«Bon, d'accord, maintenant je te comprends.
        — Oui, mais dis-moi, pourquoi es-tu là ?
        — Je te retourne la question.
        — Je voulais du calme, et je te cherchais aussi. Ça fait une heure que je te cherche. Je me suis dit : "Le seul endroit où elle peut être, c'est dans la tour de l'oubli." Et c'est comme ça que je suis arrivée ici. Maintenant, toi.
         — La tour de l'oubli ? Pourquoi "la tour de l'oubli" ?
         — Je t'explique après.
         — D'accord... Alors, pourquoi suis-je là ? Je ne sais plus très bien mais je pense sue c'était pour me vider l'esprit. Mais je ne sais plus vraiment.
         — Ah d'accord. La tour de l'oubli s'appelle comme ça, parce qu'elle te fait oublier le pourquoi tu montes. Ça ne fonctionne pas sur moi, parce que je n'ai pas "d'esprit".
        — Ah. C'est pour ça.
        — Oui. Et une fois que tu redescends, tu te souviens et tu veux remonter.»

C'est un peu une arme, quand même. Au moins elle m'a prévenue.

Une information me percute. Athanase a dit qu'elle me cherchait. Pourquoi ? Je lui fais part de ma question et elle me répond : «Je voulais te montrer le territoire à dos de Geai.»

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