74. Vous partez où ?

On reste comme ça pendant quelques instants, à soutenir nos regards, jusqu'à ce que j'essaye de le pousser.
Sauf qu'il ne bouge pas.

Je pousse un soupir exaspéré, mais je n'insiste pas.

Ces derniers jours étaient assez intenses. Émotionnelle- et physiquement.
On est tous les deux épuisés.

Après un nouveau silence et quelques regards, je ne sais pas comment ça se fait, mais nos visages se rapprochent tellement que je peux sentir son souffle sur mes lèvres.

Puis, je ne sais comment ça arrive, ni lequel des deux fait le premier geste, mais nos lèvres se retrouvent collées.

Et, aussi soudainement, on s'écarte.

« Qu–

— Shh, fait Daëgan, aux aguets. Il y a du boucan dans le couloir. »

Je fronce les sourcils et me concentre sur le bruit.
On échange un regard, on s'écarte et on s'habille rapidement en habits de voyage.

J'empoigne mon katana et le fixe à ma ceinture. Avant de sortir, on échange un dernier regard. On en reparlera plus tard, de ce... bref, on a compris.

Je pousse les battants, et on se retrouve nez à nez avec des gardes en train d'essayer d'attraper... Azraël ? En me concentrant, je vois dans la mêlée Gad et Athanase.

Daëgan et moi nous regardons, confus, et essayons de calmer les humeurs.

«Eh ! Hey hey ! braillé-je On se calme ! On– Wow ! T'entends ce que je dis, Dylan ? C'est moi, bordel ! Arrête d'essayer de me frapper, mon gars !»

Mais le regard du garde, comme celui de tous les autres, est vide.
Tiens donc.
Quelqu'un les manipule.

Dylan fait un geste pour empoigner son épée, mais une main l'arrête, ferme.
« Tu. Ne. Touches. Pas. À. Nuit. Compris ?»
Daëgan est furieux et lui envoie un coup de poing en pleine mâchoire.

« Mais t'es fou ! je m'exclame. Tu vas lui faire mal !

— Nan mais t'as vu le carnage qu'ils font ? Regarde Azraël, il est sur le point de se transformer !»

J'obéis et me rends compte qu'il a raison.
Et bah zut.

Je me fraye un chemin hors de la mêlée et cherche le leader. Qui n'est pas là, d'ailleurs.

Une seule personne me vient en tête : la Reine.
Je me précipite vers les escaliers et, après avoir envoyé un message aux autres indiquant que je vais essayer d'arrêter tout ça, je glisse sur la rambarde et accoure à la salle à manger.

Personne.
J'emprunte alors un couloir somptueux et toque aux portes. Le Prince Héritier ouvre sa porte et demande ce qu'il se passe.
Je lui indique que je cherche sa mère, pour m'entretenir un moment avec elle.

C'est alors qu'une voix douce et cristalline résonne derrière moi.
Je me fige un instant.
Cette voix.
C'est la voix des sirènes.
C'est la voix capable de contrôler n'importe qui, n'importe quand.

Je prie intérieurement pour que mes barrières protégeant mon cerveau soient suffisantes.

Puis, je me retourne, un sourire plaqué sur les lèvres.

« Bonjour, Votre Majesté, fais-je poliment.

— Merci, à vous aussi. » répond-elle, toujours de sa voix enchanteresse.

Je la défie du regard, et réfléchis à ce que je vais dire.
Mais elle décide de s'approcher.

« Que se passe-t-il ?

— Vos gardes. Ils essayent attraper mes amis, le regard vide. Je sais que c'est vous qui les contrôlez.

— Oh, mais elle est intelligente, celle-ci. Mais sais-tu au moins pourquoi ils essayent de retenir tes compagnons ? interroge-t-elle d'une voix exigeant une réponse.

— Éclairez-moi.» réponds-je hautainement. Sur son visage apparaît une surprise et un doute, rapidement effacés.

« Tes camarades voulaient partir. Rentrer chez eux. Mais ils ne m'ont pas demandé mon autorisation... Et je ne la leur aurait jamais accordée, bien évidemment. J'espère que tu ne les suivras pas, n'est-ce pas, Paisajanea?»
Bien sûr. C'était trop facile.
Elle veut nous garder.
Comme des petits trophées.
Ou des animaux.

« Vous n'êtes pas notre reine. Vous n'avez aucun droit. Et nous devons rentrer parce que notre souverain nous a demandés.

— Donc tu allais les suivre...

— Là n'est pas la question, je l'interromps. Vous pensez vraiment que vous alliez pouvoir nous retenir éternellement ?

— Je ne le pense pas. J'en suis absolument certaine.»

Je me retiens de rire.
Elle en est tellement certaine...
Mais je n'ai pas de temps à perdre, mes amis vont se faire empaler, soit par Azraël.

Je dégaine mon katana et me mets en position de défensive. Je vérifie que le Prince est retourné dans sa chambre, ce qui est le cas.
Heureusement.

La Reine hausse un sourcil.
« Tu défies une Reine au combat ?

— Un duel. Toi et moi. Si tu gagnes, tu fais ce que tu veux avec moi et mes amis. Si je gagne...

— Je ne suis pas folle, me coupe-t-elle à son tour. Je ne vais pas me battre contre toi dans un duel.

— Mais avec de l'aide oui, n'est-ce pas ? je complète.

— Perspicace... Que nous caches-tu encore ? Je le saurai bientôt, je pense. »

La souveraine claque des mains et, aussitôt, apparaissent des gardes.
Elle me sourit et articule un "débrouille-toi" suivi d'un clin œil.

Espèce de lâche.
J'ai à peine le temps de cligner des yeux qu'une nuée d'armes me tombe dessus.

Mon sabre dévie plusieurs couteaux lancés, j'esquive les épées brandies. Je suis obligée d'utiliser ma réserve de petites lames à lancer, pour neutraliser quelques personnes.

Je me force à ne pas faire appel à ma magie.
Diamanta veut voir quelque chose, elle ne verra rien. Ou du moins, pas pour l'instant.

Cinq minutes plus tard, la moitié des personnes sont clouées au sol : j'ai envoyé mes lames dans leurs habits, ce qui les a fait tomber et les lames se sont plantées dans le sol. En glace.

Je me prête alors au combat de sabres, mon art préféré.
Le katana est devenu une extension de mon bras, il se meut comme je le souhaite et atteint ce que je veux qu'il atteigne.
Jusqu'à ce que je voie Dylan, et je me fige.
Je l'aime bien lui.

Mais visiblement, il ne me reconnaît pas : il se précipite sur moi et accomplit toute une série de mouvements et d'attaques, m'obligeant à rouler au sol quelques fois pour éviter un coup.

En me relevant, j'essaye de le faucher, mais il me désarme.
Je comprends maintenant mieux pourquoi ils l'ont accepté dans les rangs de garde personnelle. Il est excellent.
C'est un don qu'il a.

Dylan s'approche de moi, la lame pointée vers ma poitrine.
Je lève les mains, signe que je me rends.

Mais il s'en fiche et continue à avancer, petit à petit. Bientôt, il s'arrête. La pointe de son épée touche mon plexus solaire.

Je plonge mon regard dans le sien et hausse un sourcil, moqueuse. « Alors, tu me détestais vraiment. Moi qui pensais que c'était une blague... »

Je lui fais un clin d'œil. Dylan grogne et essaye de répondre, mais il est sous l'emprise de sa reine et ne peut rien faire.

« Oh, tu te rends compte de la lâcheté de ta souveraine, à présent ? Désolée, c'est pas contre toi.»

Je l'abaisse, prends ma dague dans ma botte, et la lui lance dans l'épaule droite. Il est droitier.

Il a un mouvement de recul, j'en profite pour empoigner son épée et renverser la situation.
«Pardon.» je murmure.

Je vérifie la position de mes armes et le regarde une dernière fois.

« Hasta la vista amigo.»
Et je l'assomme avec la poigne.

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