73. Informations

Après une quinzaine de minutes, Daëgan revient, tout transpirant et une étincelle de peur dans les yeux. Mais il remet aussitôt son masque impassible à notre vue. 

"Pardon... j'ai eu un petit...

- Une urgence, l'aidé-je.

- Oui. 

- C'est pas grave." Je me racle la gorge. Je sais qu'il a des empêchements comme ça. On échange un regard signifiant "On en reparle après.". 

Athanase intercepte cet échange silencieux et, tout en me fixant, elle lève ses sourcils et cligne un oeil, avec un sourire en coin. Je vais devoir parler avec elle aussi. Qu'elle peut être taquine celle-là ! 

Après ce petit épisode, on partage tout ce qu'on a appris pendant cette journée : 

Premièrement, la société elfique est très différente de la nôtre, que nous soyons Kuntaï ou Paisajanea. Chez nous, la hiérarchie se base sur la naissance et sur ce qu'on a accompli dans la vie. Il est possible de passer à un rang hiérarchique plus haut que celui de notre naissance, mais rare. Pourtant, ce n'est pas très compliqué. Mais le fait est que ça reste quasi-inexistant. Ici, les différents niveaux sociaux sont choisis par les exploits commis par la personne. Si tu as rendu un petit service à la famille royale, ou bien que tu es engagé  dans des projets d'aide pour personnes en difficulté, tu es considéré comme quelqu'un d'important. Tu as des récompenses offertes par la Reine elle-même, comme des aliments extrêmement rares, ou bien des baisses de prix pour acheter x ou y chose... Si tu as cultivé le peuple, si tu es un savant en gros, tu es le plus respecté, tu es plus important que les souverains mêmes ! Tout le monde te doit du respect, on trinque même en leur honneur ! Aussi, en ayant accompli des petits services à quelconque personne inconnue, celle-ci va automatiquement te remercier et, je ne sais trop comment, la famille royale sera mise au courant. Donc tu gagnes un respect énorme de la part de la société. Les soldats, eux sont respectés et admirés, mais ça ne se limite qu'à ça. D'après toutes ces informations, nous  pensons que l'ordre serait celui-ci : 1. Savants ; 2. Famille Royale ; 3. Ceux qui rendent des services à la Famille Royale, et aident les opprimés ; 4. Soldats ; 5. Petits services entre voisins et avec les inconnus ; et le reste de la population. 

D'autre part, on a le thème de la politesse. Sur le Continent, elle se limite à un signe de la tête quand quelqu'un te laisse passer dans la rue, et encore. Alors qu'ici... Les "Bonjour!" enjoués sont plus que langue courante, on voit plein d'embrassades dans les rues... C'est super chaleureux ! 

Après, il y a les coutumes de "politesse", où l'honnêteté est la chose la moins bien vue. Tu n'aimes pas la couleur du carrelage ? Tu la fermes et tu dois même indiquer : "Oh ! Que c'est beau ce carrelage !" alors que tu ne le penses même pas. Donc, bonjour l'hypocrisie ! De même avec les relations. La perfidie, la trahison, le manque de confiance, et la toxicité sont les bienvenues ! 

Mais c'est l'unique point négatif que j'ai trouvé ici. Ça explique donc l'étrange attitude de la Reine... 

Un autre cas : Les personnes sont extrêmement bien cultivées. Alors là ! J'en suis restée bouche bée après ma dernière conversation avec un de ces six savants... Tout le monde est excellent en orthographe, tout le monde connaît la même version et toute l'histoire des îles, même des peuples antécédents ! Tous savent faire des mathématiques. Tous ont quelques petites bases de médicine. Tous ont des petites bases de défense et de combat. 

C'est incroyable ! Ils ont le droit de lire, d'exprimer tout ce qu'ils veulent ! Alors, évidemment, il y en a des mauvais qui sont obnubilés par le pouvoir et veulent renverser les souverains et l'ordre de la société. Mais comme cette dernière est tellement... bienveillante, bah ils sont en grande minorité.

Tout de même, je trouve la Famille Royale vachement calme là-dessus... Il faudrait pas qu'il y aie des problèmes... 

Puis, on a appris que les savants investiguaient sur tout. Absolument tout. Passé, présent, même le futur ; histoire, science, littérature... C'est incroyable ! Et ils disent même connaître le Metallur ! Ils nous ont informés que tous les savants de tous les continents étaient en communication constante, envoyant chaque jour des milliers de messages sur ce qu'ils ont découvert. 

Malheureusement, on n'a pas pu avoir des informations sur le monde extérieur, ils se disaient "Incapables d'en dire plus" et que nous devions "le découvrir par vous-mêmes". 

Évidemment, ça a réveillé ma curiosité mais je n'ai pas pu leur soutirer plus d'informations. 

***

Trois jours plus tard

On doit partir. 

Je sais, c'était très court, mais Amel a réussi à nous localiser mentalement, et nous a rappelés. Et je sens qu'on va se faire viander. 

Il avait vraiment pas l'air content. Et le pire, c'est que dans les messages mentaux, il a même mentionné Unaï. 

Et c'est pas ça ce que je trouve horrible. Mais le fait que je l'avais oublié. Et que j'ai dormi dans le même lit que Daëgan. 

Je secoue la tête à cette pensée et m'assois au bord du lit. 

Sauf qu'à ce moment-là, un bras attrape ma taille et me retourne, me ramenant dans le lit. Je me retrouve nez à nez avec mon colocataire, le Fils du Soleil soit dit en passant. 

Je sais pas comment ça se fait, mais je suis allongée de dos sur le matelas, jambes entremêlées avec d'autres et écrasée par un torse. Je lève la tête et nos regards se croisent. "On part sans dire bonjour ?" dit une voix narquoise. 

Je cligne plusieurs fois des yeux et me tais, jusqu'à ce que je comprenne le sens de la phrase. Puis je me rends compte de la proximité de nos corps et tout-à-coup, il fait très chaud. Son nez frôle le mien, et dans ses yeux brille une lueur d'amusement mêlée à autre chose. 

"On a perdu cette langue de vipère, trésor ? me taquine-t-il.

- Comment ça, langue de vipère ? je réponds instinctivement. 

- Ah ! Je savais bien qu'en te provoquant t'allais enfin daigner de répondre. J'avais raison, confirme-t-il.

- Mouais..." Je marmonne. Je suis toujours enveloppée dans la brume du sommeil, et je suis capable uniquement de me centrer sur que faire pour l'éloigner de moi. 

J'entreprends de le frapper en plein visage, mais je ne sais quoi me l'empêche. 

Je le pousse donc de mes deux mains, que j'ai eu du mal à dégager d'ailleurs, en vain. 

Daëgan hausse un sourcil et se plaque plus contre moi. "Un "bonjour" serait trop demandé, pas vrai ? 

- Ta gueule, et laisse-moi sortir de là. 

- Oh mais excusez-moi, il fallait juste demander." J'attends donc qu'il s'écarte, mais il ne fait que prendre mes mains et les plaquer au-dessus de ma tête. Son autre bras libre enveloppe ma taille. 

Il fait quoi là ? 

Je sens le rouge me monter au joues, mais je ne le repousse pas. Je le regarde, à moitié exaspérée et il soutient mon regard. 

Nous restons ainsi pendant quelques minutes, jusqu'à ce que je décide de me racler la gorge et d''indiquer : "Il faut qu'on parte, Daëgan. Et vite." Ce à quoi il répond, distant : "Je sais." 

Mais il ne fait rien. 

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