68. État de choc
On se tourne tous les deux vers Daë, qui vient d'émerger de sa vision. L'iris recouvre tout le blanc. Cette vue me provoque un mouvement de recul. Tout comme à Denethor. Daëgan transpire, ses veines ressortent sur son front et il a tout simplement l'air... perdu. Comme s'il s'était trop égaré dans ces visions.
Les mains de Daë sont crispées sur le drap, et il émane de lui une chaleur et une lumière semblable à celle du soleil.
Je comprends ensuite ce qu'il faut faire. Le ramener à lui-même.
Je décide d'ignorer son attitude inquiétante et pose mes mains sur ses épaules. Brûlantes, soit dit en passant. J'appelle ma glace pour me protéger les membres, mais je reporte aussitôt mon attention sur lui.
Je plonge mes yeux dans les siens. Et je le cherche. Je n'entre pas dans son esprit, mais je scrute attentivement le fond de son regard, jusqu'à trouver une étincelle de panique et de demande à l'aide. "On est avec toi, Daë. Tu peux reprendre le dessus. Accroche-toi à mon regard. Ou bien à ton frère. Regarde, il est là. Tout va bien, on est en sécurité. Regarde-moi. Allez, oui, c'est ça. Tu peux sortir de là. Et tu n'y retourneras pas. Je te l'assure. C'est bien, continue. Regarde, mes yeux ils sont normaux, j'ai vécu la même chose que toi. Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. On est là."
Son iris et sa pupille se rétractent, sa respiration se calme petit à petit. Bientôt, j'aperçois le Daëgan habituel. Sauf qu'en l'occurrence, il est terrifié. Il tremblote.
Je prends ses mains, délicatement. Leur température est redescendue.
Denethor s'incline. "Daë ?
- Den..." Mon coeur se brise en entendant une voix si vulnérable et tétanisée. Je lâche Daëgan, laissant l'espace à son aîné. Les deux frères s'enlacent, et Daëgan s'accroche avec l'énergie du désespoir. À cette image, je vois un petit frère, de retour dans son enfance, après un cauchemar, rassuré par la simple présence de la personne qui lui est la plus chère.
« Vous... voulez que j'aille dans la salle de bain ? Pour vous laisser seuls ? je propose.
— Non, c'est... c'est bon. Merci, me dit Daëgan.
— C'est rien.»
On reste quelques minutes en silence, le temps qu'il reprenne totalement ses esprits, jusqu'à ce qu'il nous explique ce qu'il s'est passé.
Il est resté coincé dans la vision, parce que son esprit était trop parti, incontrôlablement, et il n'a donc pas pu le rappeler. Il y a donc eu un temps de dialogue avec Neven, provoquant une douleur atroce chez les deux, faisant envoyer des signaux d'alarme, de panique et d'adrénaline aux deux corps.
Pour le peu que j'apprécie Daëgan, je ne peux m'empêcher de sentir de la peine pour lui.
***
Je me réveille avec une sensation de chaleur et de paix autour de moi. Je garde les yeux fermés, profitant du moment, jusqu'à ce que je me rende compte que je suis à Yeon-Indeul.
Et que je partage ma chambre avec une certaine personne.
Qui n'est d'autre que Daëgan.
J'ouvre les yeux d'un seul coup et me retourne précipitamment.
Je me retrouve nez à nez avec une paire d'yeux bleu-mordorés, me fixant tout en aillant le sommeil qui les voile encore.
Je me fige, et soutiens ce regard.
Puis, au bout d'un moment, on s'écarte en même temps.
«Euh... Salut.» dis-je de but en blanc.
Il ne répond pas, mais continue à me regarder avec cet air d'intrigue. Je lève un sourcil, puis le regarde mal et pars dans la salle de bain, question de me laver la figure.
J'arrive dans la salle de bain et m'attelle à la lourde tâche de me coiffer les cheveux. Qui sont extrêmement emmêlés, me faisant sortir au moins une dizaine de minutes plus tard.
Je me suis attachée les cheveux en tresse serrée, qui repose sur mon épaule. Daëgan s'est changé et passe à son tour dans la salle de bain, sans que nous échangions un seul. Tant mieux. Hier était une exception.
Je regarde dans les armoires et trouve un pantalon léger en soie bleu glace taille basse avec un haut court m'arrivant au-dessus du nombril à bretelles de la même couleur. Sans gilet. Ça contraste pas mal avec mon ton de peau, mais ça rend assez bien. D'ailleurs, je ne sais pas s'ils ont compris qu'on vient d'un endroit plutôt chaud, comparé à ici, ou bien s'ils en ont juste rien à faire.
J'attache mon katana à ma ceinture et fixe une dague à mon avant-bras. Mieux vaut être armée.
Daëgan sort de la salle de bain et daigne enfin de m'adresser la parole : "On part petit-déjeuner ?
- Je suppose.
- Parfait." Je lève les yeux au ciel à son air arrogant et nous quittons la chambre.
Dylan accoure aussitôt et nous escorte jusqu'à la salle à manger. Les portes s'ouvrent et nous nous attablons, et cette fois-ci, c'est à mon tour de m'asseoir près de la famille royale qui mange déjà.
La Reine nous sourit discrètement et Hyale nous indique qu'on peut se servir librement au buffet. Les autres ne sont pas encore arrivés.
Je pars donc chercher à manger et reviens avec ma nourriture. Entretemps est apparu un Azraël, avec des cernes encore plus sombres que d'habitude, entièrement vêtu de noir. Je fronce les sourcils et l'interroge avec le regard. Il hoche quasi-imperceptiblement la tête : plus tard.
Arrivent enfin les deux tourtereaux. Athanase est vêtue d'un pantalon du même type que le mien, violet métallique en l'occurrence, mais porte une tunique beige/blanche qui laisse son épaule laiteuse à découvert. Elle a gardé les cheveux lâchés. Gad, lui, est habillé d'un pantalon en lin, blanc, avec un haut à manches courtes de la même couleur. Il est pieds nus. On se demande bien ce qu'ils ont fait de leur nuit, hein...
Le silence règne à table, chose assez bienfaisante, puisque la nuit dernière a été assez éprouvante pour tous les cinq, je pense. Bien que pas de la même manière pour tout le monde.
Daëgan, quant à lui, est étrangement silencieux, avec la mâchoire crispée et les yeux dans le vague.
Nous sommes en train de manger sagement, quand Hyale prend la parole : "Vous avez bien dormi ? Ça allait ?
- Oh... oui, c'était très confortable, merci, déclaré-je.
- Je m'en réjouis. Si cela ne vous dérange pas, il y a eu quelques scientifiques et chercheurs qui souhaitaient s'entretenir avec vous tous. Acceptez-vous de les rencontrer, ou bien tout est un peu trop précipité et vous avez besoin de temps ?
- Euh... nous..." Je balbutie en regardant mes amis. Le regard de Daëgan est inaccessible, mais tous les autres hochent de la tête.
J'accepte donc le rendez-vous, qui sera dans deux tdh.
Après manger, nous retournons à nos appartements, mais nous restons cette fois-ci tous les cinq dans le nôtre, avec la condition de laisser les armes aux Gardes, pour éviter de s'entraîner, je suppose. Je trouve tout de même qu'ils sont vachement tranquilles.
Une fois la porte fermée, on se retourne tous, sans exception, vers Az.
"Alors ? Ça va ? Ou bien, mieux dit, ça va aller ? demande Athanase.
- Vous voulez vraiment tout savoir ? Tous les détails ? s'assure Azra.
- Oui. Si tu veux bien nous les dire, affirmé-je.
- Eh bien..."
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