66. Denethor
Un sourire en coin se peint sur les lèvres du frère, dévoilant des canines très pointues (chose typique chez les Kuntaï, j'ai l'impression).
« Daë, quelle surprise de te voir, frérot.
— Je dis la même chose, Den.»
Daë se lève et laisse apparaître une lumière dans ses yeux, en plus d'un sourire sincère. Le dénommé Den s'approche avec contenance, tout comme son cadet. Puis, n'y tenant plus, Daëgan se précipite vers lui et ils se serrent mutuellement dans les bras.
Je reste bouche bée.
Daëgan. Qui court dans les bras de quelqu'un ?! Je dois être en train de rêver, non ?
Athanase et Gad sont tout aussi bouche bée que moi, même s'ils sont plus habitués, je pense. Leur étreinte ne dure que quelques secondes, mais je peux quand même voir combien ils sont heureux d'être ensemble.
Daë est le premier à s'écarter de son frère, et ce dernier lui passe automatiquement la main dans les cheveux. Le blond s'échappe de ce mouvement qu'il paraît autant détester qu'adorer.
Le Roi se racle la gorge et, aussitôt, les deux frères reprennent contenance. Le Roi indique qu'ils pourront se parler dans la chambre de Daë qui est accessoirement la mienne. Et il est hors de question qu'ils parlent pendant toute la nuit ! Je lève les sourcils et envoie un regard signifiant "même pas en rêve" à Daë. Celui-ci hausse un sourcil avec dédain. Traduction : il en a rien à faire de mon opinion. Super.
Le dîner reprend son cours dès que les frères s'installent à table. L'aîné prend presque immédiatement la parole : «Alors, que font quatre ados Kuntaï ici ? D'ailleurs, il est où Azraël ?
— Il était épuisé et a eu quelques problèmes de santé, il a donc préféré de rester dans sa chambre, expliqua Daëgan.
— Oh je vois. Le pauvre.» Puis, se retournant vers moi, il me demande : «Les autres je les connais plus ou moins mais toi tu es nouvelle, pas vrai ?
— Ça fait plusieurs mois que je suis chez les Kuntaï, mais on pourrait me qualifier de nouvelle, oui. Mais tu pourras savoir tous les détails ce soir, puisque tu vas parler avec ton frère, j'imagine... remarqué-je.
— Avec mon frère, mais pas avec toi.
— Je suis dans la même chambre.» je rétorque sèchement.
La table se tait, plus personne ne bouge. Il y a juste le frère qui hausse les sourcils et fait un "Ah" silencieux. Je souris, crispée. Puis, voyant que la situation ne s'améliore pas, je demande quel est le nom du frère.
Il s'appelle Denethor, il est le frère humain de Daëgan, mais il n'est pas le fils d'un Dieu.
Ma tentative de conversation ne fonctionne pas : après ces quelques mots, tout le monde se tait. Quand c'est l'heure du dessert, Hyale se racle la gorge et nous demande : «Donc, comment fonctionne le gouvernement chez vous ? Vous avez un règlement spécial, une hiérarchie ?
— Il y a deux peuples, explique Athanase. Les Paisajanea et les Kuntaï. Accessoirement les plus faibles et les plus forts. Il y a des conflits constants entre les deux groupes, mais ces batailles et cette guerre ne mènera à rien. Les plus faibles se défendent avec l'instinct de survie à l'état le plus pur connu, et possèdent un sens d'observation hors du commun. Il y a de la médecine, mais elle est basée sur les plantes, ce qui est efficace mais des fois insuffisant. Les Paisajanea sont d'extrêmement bons chasseurs et survivants, c'est pourquoi ils sont les derniers à rester contre les Kuntaï. Les Kuntaï, eux, sont excellents en matière de combat et de manipulation d'esprit. Nous pouvons pénétrer dans les cerveaux des personnes, et soutirer n'importe quelle information, mais c'est douloureux pour les deux personnes, et seulement les plus forts parviennent à passer inaperçus.» Le Et les Immortels reste non-dit entre nous. Il faut quand même garder un avantage sur eux, pour le cas où.
Gad prend la parole, expliquant le système hiérarchique avec beaucoup d'intérêt et de passion. Le règlement est pris en charge par Daëgan. Tous nous écoutent avec curiosité et, lorsque mes compagnons ont fini, la famille royale échange un regard. Puis, celui-ci, se pose sur moi. Et ils me fixent. Avec intensité. Le Prince décide de m'interroger : «Mais donc, si vous êtes en guerre, que fais-tu avec quatre Kuntaï ?»
J'ouvre la bouche, puis la referme. Bonne question. Comment y répondre sans trop dévoiler ? Je réfléchis un instant, puis décide de résumer la situation, en omettant le détail de mes pouvoirs.
Hyale me sourit avec indulgence. Elle comprend ce que c'est d'être un peu la bête bizarre. Elle est fiancée à celle de son peuple. Denethor, quand à lui, m'évalue impassiblement. Je peux sentir son regard sur moi essayant d'identifier quelle est la vérité et quels sont les mensonges.
Après mon petit résumé, nous reprenons le repas. Plein de questions me taraudent l'esprit, mais je suis tellement épuisée que je n'ai même pas le courage de le dissimuler. Je finis mon dessert et demande la permission d'aller me reposer. Je sais, c'est malpoli, mais je n'en ai que faire. Je suis crevée, et j'aimerais bien mettre quelque chose de confortable tranquillement avant de devoir supporter les bavardages des deux frères.
La Reine m'autorise en m'excusant, elle comprend la fatigue que je ressens. Un doute commence à se former en moi. Les Elfes aux Cristaux peuvent-ils sentir les émotions des autres ?
Probablement. Mais ça, je le demanderai une autre fois. Après tout, Amel nous a laissé un tdp entier en dehors du monastère pour aller visiter ces Îles. Bien que je le haïsse, il a eu l'intelligence de nous laisser explorer le monde, pour voir ce qu'il se passe dehors.
J'efface les pensées des Kuntaï de côté, mais dès que je le fais, mon esprit va vers Unaï. Que sera-t-il en train de faire ? Il va bien ? Est-ce que je lui manque ? Je secoue la tête. Il s'est comporté comme un imbécile, la dernière fois qu'on a parlé, il ne mérite pas que je pense à lui. Mais... peut-être qu'il s'est passé quelque chose avec sa famille. Je repense à la fois où il m'avait présentée en tant que compagne. C'était le lendemain du jour où on a officialisé notre couple et qu'on a avoué qu'on s'aimait.
Je souris à ce souvenir. C'était quand tout était beau et qu'il n'était pas encore un imbécile. Qu'a-t-il pu bien se passer entretemps ?
Je me concentre sur les alentours, pour éviter de me perdre, même si Dylan m'accompagne. Ça fait à peine quelques T.d.H. que je le connais, et encore, connaître est un bien grand mot, mais je l'apprécie assez. Il est un peu froid sur les bords mais c'est le premier à part Hyale qui nous a parlé, et il m'a gentiment expliqué pourquoi il était habillé ainsi, alors qu'il n'avait aucune raison de le faire.
Sur le chemin, je décide de lui parler un peu : «Donc, on est bizarres pour vous ?»
Dylan sursaute imperceptiblement et cligne des yeux avant de me regarder, l'air de dire : Elle parle, l'autre là ? Mais il décide tout de même à répondre : « Euh... bizarre ça sonne un peu péjoratif mais... je dirais que c'est inhabituel de voir des personnes si... différentes.
— J'imagine.
— Et pour vous ? C'est étrange de voir tellement de nouveaux peuples ?
— Théoriquement, vous n'êtes qu'un seul peuple divisé. Mais, oui. C'est très surprenant. Surtout quand on a vécu toute notre vie en pensant qu'il n'y a personne à part nous.
— Je suis d'accord. Et, pour votre information, vous avez à nouveau parlé en Langue Elfique.»
Oh. Ben ça alors. Comment ça se fait que je ne m'en rende pas compte ?
La conversation se termine, nous arrivons devant ma porte. Je le remercie de m'avoir accompagnée et lui souhaite une bonne nuit. Je pense que ça l'a surpris, parce que quand il a fermé la porte j'ai quand même entendu un: « Étrangement familiers, ces étrangers.»
Je sais pas s'il s'est rendu compte du jeu de mots, mais ça m'a fait rire.
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