56. Comportement étrange
Athanase et moi sommes rentrées au monastère et avons déclaré aucune présence vivante sur le Continent. On a rassemblé les amis, mais on doit attendre qu'Azraël arrive, car il est je-ne-sais-où. Encore une fois.
Depuis la fois où j'ai découvert ses cicatrices, je n'ai pas obtenu d'autres informations là-dessus... Et les fois où Azraël s'absente sont de plus en plus courantes.
Et il ne veut toujours rien me dire.
Bref, comme je disais, en attendant qu'il arrive, je vais rejoindre Unaï. Un petit baiser, des mains qui se tiennent, des rires dans l'air, tout ça. Mais aujourd'hui, il est bizarre.
Il a le regard fuyant, il est sec, froid et dit des trucs assez inappropriés, des commentaires mesquins et inutiles inhabituels. N'y tenant plus, j'espète : "Mais qu'est-ce que t'as aujourd'hui ? Tu te comportes comme un imbécile !
- Pardon ? demande-t-il, avec une voix qui fait froid dans le dos.
- C'est bien ce que je dis ! T'es un connard aujourd'hui !" Unaï hausse les sourcils et se retourne vers moi. Son regard est terrifiant.
"Répète un peu.
- En plus tu ne te défends même pas ! Explique-moi bon sang ! On est ensemble ou pas ?! j'explose.
- Paisajanea. Tu sais très bien que j'ai un emploi du temps chargé et que je suis constamment fatigué.
- Moi aussi ! Putain, moi je dois m'entraîner avec ce qui pendant toute ma vie a été l'ennemi ! Avec ceux qui ont assassiné mon meilleur ami, je dois cohabiter avec ceux qui ont tué ma grand mère ! Je dois m'entraîner, matin et soir, je dois chercher mon nom, et tout ça sans attirer l'attention ! Tu penses que c'est super facile la vie pour moi aussi ?!
- Paisajanea ! gronde-t-il. Je dois supporter les regards haineux de Daëgan à chaque fois qu'il nous voit ensemble bordel de merde ! Je dois supporter les conneries d'Amel ! Je dois m'entraîner le matin, et entraîner les petits le soir ! Je dois vérifier les frontières !
- Ah, parce que tu penses que je ne vois pas les regards insupportables de Daëgan ? Tu penses que j'aime parler tous les jours avec Atha, Gad et Azraël, et être obligée de supporter l'insolence de cette bouillie de tripes ? Tu penses que je ne dois pas aller exterminer tout être vivant qui s'aventure sur les terres ? Tu penses que ça me fait plaisir faire peur à des gamins qui empiètent VOTRE territoire qui étaient mes cousins ? Hein ? Dis-moi Unaï, qu'est-ce que tu penses vraiment des Paisajanea, vu ta compréhension sublime en tout ce qui NOUS concerne ?
- Moi aussi je dois faire des sacrifices ! Je sais bien que c'est pas drôle, mais tu n'avais qu'à pas aller nous observer nan ? rétorque-t-il.
- Parce que maintenant c'est de ma faute ? je réponds, offusquée.
- C'est pas ça... se reprend-il. C'est juste... Pardon. Pardonne-moi, je suis désolé. Je... il y a plein de trucs en ce moment, et Amel il exige beaucoup de services de ma part et j'en ai un peu ras-le-bol.
- J'imagine bien, dis-je en me calmant. Mais c'est pas une raison de tout foutre en l'air. Amel nous fait tous chier, et c'est pas une raison pour qu'on soit tous des imbéciles.
- Oui, je sais... Pardon trésor.
- Ça arrive, cariño." Je fronce les sourcils au mot qui vient de franchir mes lèvres. C'est la manière très ancienne pour dire cheride, chez nous, mais quasiment personne l'utilise.
Je lui prends les mains et plonge mon regard dans le sien. "Si Amel te soule, dis-le moi et on en parle, qu'au moins je puisse savoir ce qu'il t'arrive. Pour pas que ça se reproduise.
- Oui, Liebling." Ce dernier mot, qui a le même sens que chéri, sonne froid et menaçant dans sa bouche.
Comme si une mesquinerie allait arriver.
Le thème clos, Unaï et moi parlons de ce qu'on a fait aujourd'hui, et je décide d'omettre le détail de Hyale. Ça fait beaucoup de non-dits entre nous, mais il est tellement bizarre en ce moment que je n'ose pas trop.
Puis, après quelques dizaines de minutes, il s'éclipse, avec la même excuse que d'habitude. Je le laisse aller, de crainte de me re-énerver avec lui, mais je me promets intérieurement de le retenir la prochaine fois.
Je pars donc rejoindre les autres, et en attendant qu'Az arrive, on commence à débattre sur les visions qui n'ont toujours pas cessé.
Avec nos différents points de vue, on a établi une théorie : Ellunia est la leader de La Création (car il ne reste aucun doute que ce sont les membres de La Création), Neven est son compagnon, ou le sera, d'après leur attirance physique et psychologique, Zoa et Owen sont un couple et Zoa est la plus fragile : elle symbolise la vie humaine, et Angelo est un ange, tandis que sa femme (il est marié) est Morrígan. Cette dernière est un démon, la reine des démons d'ailleurs, une vraie diablesse. Mais elle est hilarante, il faut l'admettre. Après, il y a ceux qui ne font pas partie de la Création, comme Zia, Rhaegal (qui n'est d'autre qu'un dragon métamorphe) et Viviane. Les trois sont des créatures magiques, mais aucune idée de ce que sont Zia et Viviane. Et, finalement, il y a Jürgen, mais je pense pas que ce soit nécessaire d'en parler.
Puis, la conversation dévie sur Hyale, et ce qu'on a découvert Athanase et moi. Nous étions en train de parler du Saphir quand une ombre se dresse au-dessus de nous, puis atterrit dans un nuage de fumée et de poussière.
Azraël, l'ange de la mort.
Il a ses ailes déployées, et il est torse nu. Mais c'est quoi leur obsession à se balader à moitié à poil ?
Bref, là n'est pas la question.
"Azraël ! Où étais-tu bon sang ? Ça fait un mois et demie que j'essaye de savoir, mais visiblement, je ne sais pas ! Où étais-tu ? Où vas-tu chaque deux semaines ? je l'aborde, un peu trop enthousiaste.
- Nuit... marmonne-t-il en réalisant qu'il ne va pas pouvoir y échapper.
- Ah non ! Ne me "Nuit..." pas ! Je m'en fiche si t'es crevé, j'ai assez patienté !
- C'est pas ça... C'est... En fait si, c'est totalement ça. Bon, Daëgan, tu peux leur expliquer, à Atha t Nuit ?"
Il a des marques ensanglantées sur les avant-bras. Ses cicatrices.
Daëgan le regarde l'air de dire "T'es sûr ?", pas très à l'aise. Mais finalement il ouvre la bouche et commence à parler.
***
"C'est pour ça qu'il doit y aller." Daëgan finit son long récit.
Je tarde une quinzaine de minutes à m'en remettre.
C'est... comment dire... Dur.
Horrible. Atroce. Anéantissant. Ça détruit l'âme. Ça détruit le cœur. Ça détruit la joie de vivre. Ça enlève la vie. Littéralement.
Je lève mes yeux sur Azraël. Il n'a que quatorze/quinze ans. C'est un enfant. Il a toute la vie devant lui. Et maintenant, elle est ruinée jusqu'à la fin des temps. Elle est souillée. Ses avant-bras, sont non seulement recouverts de cicatrices ensanglantées, mais aussi de taches de sang qui ne s'enlèveront jamais. Il est peut-être même recouvert de taches jusqu'à la moelle. Et pourtant, il ne montre rien. Il sourit, il rit, même s'il a enlevé la capacité à faire le moindre geste à des centaines, voire des milliers de personnes, ou pire, d'esprits.
Il a torturé les meilleures âmes jusqu'à ce qu'elles deviennent les pires.
Il a démembré des nouveaux-nés, morts en couches.
Il a arraché la vie à des centaines d'humains, juste parce qu'on le lui a commandé de le faire.
Parce que sinon, c'est la vie de ses parents qui vont coûter, et, surtout, c'est la pureté d'un ange, l'innocence d'une adolescente qui allait être souillée. Et pas n'importe quelle pureté, pas n'importe quelle innocence. C'est celle qui lui revient à lui d'enlever, mais pas en salissant, sinon qu'en ôtant avec consentement et joie et envie et amour. Celle d'Angelica.
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