30.1 Lilith

Azraël entraîne Paisajanea vers une ruelle qui m'est trop familière. Elle mène à mon lieu de naissance. Je le hais, cet endroit.
Il me rappelle trop à ma mère.

Une douleur poignante émerge dans mon thorax. J'ai du mal à respirer.
Comme à chaque fois que je pense à elle.
Heureusement, j'ai le pouvoir de changer cette douleur en rage et colère.

Sinon, je passerais mes journées à me morfondre dans mon coin.

Athanase et Gad sont partis eux aussi en courant, à la suite d'Azra.

Je prends mon temps.
Je ne vais tout de même pas me précipiter vers un endroit que je déteste avec tout mon être.

Je rabaisse ma capuche, pour passer plus inaperçu; fourre mes AirPods dans mes oreilles et me laisse emporter par la musique de Billie Eilish.

Bury a friend est une des mes préférées. J'aime le sentiment de danger qu'elle propage dans tout mon corps.

Mon esprit divague, ma conscience part : c'est mon échappatoire.

Puis, le changement de musique me ramène brutalement à la réalité.
Une chanson que j'ai écouté une fois dans un bar, que j'ai bien aimé.

Je me suis renseigné que plus tard de son nom. Teeth, de 5 Seconds of Summer.

Je ne comprends pas la langue, mais je compte bien m'acheter ces pastilles sans goût pour comprendre toutes les anciennes langues.

C'est toujours intéressant, et le fait de connaître le sens d'une chanson me plaît. C'est l'une des rares choses qui me sont agréables.

Je me laisse emporter par le rythme, la voix, quand soudain, une main me caresse l'épaule.

Une seule personne serait capable de me toucher ainsi.

Lil. Alias, Lilith. L'hirondelle la plus réputée et la plus chère. Mais aussi, et surtout, mon aide, mon pilier.

Je relève la tête et cherche mon amie du regard.
Enfin, amie.
On se comprend.

Je croise son regard, et la suis dans un coin sombre.

Ses yeux chocolat me regardent, pétillants.

« Alors, Daëgan. On est allé chez ma cheffe sans passer un petit coucou pour moi ?» me dit-elle de sa voix fluette, avec malice. Ses doigts courent sur mon torse.
Je lui souris, un sourire plutôt félin que bienveillant.

Mais je reste silencieux.
Je ne sais pas quoi dire.

Elle me regarde, penche la tête sur le côté. « Que s'est-il passé, avec mon client préféré ? Tu as perdu ta langue ? Celle qui aime succionner la mienne avec tant de passion et de désespoir ?

- Lil...me confie-je. C'est compliqué... Je...

- Shhh... me fait-elle en plaquant son index sur ma bouche. Ne t'inquiète pas, mon petit. Je suis là pour en parler, tu sais ? Quand tu veux, comment tu veux, où tu veux. Tu te souviens ? »

Je sens son souffle sur ma nuque qui, habituellement, me détend. Mais en ce moment, il me fait trop penser à la Paisajanea.
Je me crispe à ce souvenir.

Lil s'en rend compte et se sépare de moi, pour plonger son regard chocolaté et sincère dans le mien.

« Il s'est passé quoi ? Tu es plus tendu que d'habitude. Tu peux tout me dire, tu sais ? me dit-elle sincèrement.

- Je sais... C'est juste que... C'est spécial. Il y a la Paisajanea qui est arrivée là.

- Oui ? m'encourage-t-elle en souriant timidement.

- Elle... Pfff... fais-je en me passant la main sur la figure puis dans les cheveux.

- Elle. Daëgan, il faut que tu sois plus spécifique, pour qu'on puisse en parler la prochaine fois.

- Elle me met hors de moi ! j'explose. Elle a une capacité à m'énerver et surtout de m'envoyer chier qui me dépasse ! Je la déteste ! Le pire, c'est qu'on a dû s'embrasser !»

Lil me regarde, avec une lueur taquine dans les yeux. C'est à ce moment-là qu'une voix décide de hurler dans ma tête : Daëgan ! Tu fais quoi encore ?!

Je grimace. Athanase.
Je sais que si elle va dans ma tête pour parler, c'est que c'est un peu urgent, au moins.

Je me concentre sur Lil, qui est, à ma grande surprise, bien couverte. Jogging et pull.
J'ai l'habitude de la voir en lingerie.

«Ça te va très bien, cet ensemble.

- Ah ! Merci, c'est gentil de ta part. Bon, je pense qu'il est temps pour moi de retourner à mon travail, vu ta conversation silencieuse avec je-ne-sais-qui.
Préviens-moi quand t'iras me voir, que je mette ces vêtements pour ne pas te distraire. Allez, à toute ! »

Clin d'œil, et elle disparaît.

Je ne peux m'empêcher de sourire en reprenant ma marche.
Lil a toujours été la mère que je n'ai pas eu, ou presque pas. Quelqu'un qui va t'aider à trouver des solutions, et qui va t'écouter sans jamais te juger.

Je sais que je peux tout lui raconter, elle n'a pas souvent l'occasion de dire quoi que ce soit à quelqu'un.

Je pourrais la plaindre, ou même, la sortir de cette vie qui a l'air horrible, mais elle ne veut pas. Elle insiste sur le fait qu'elle apprécie son travail, fait quelque peu étrange, et qu'elle vit très bien.

J'ai beau essayer de la convaincre, ça reste toujours mission impossible.
Je ne vais pas l'obliger à vivre une vie totalement différente.

Je remets la musique en marche, et cette fois, c'est You should see me in a crown, de Billie Eilish.

J'avance au rythme de la chanson, profitant de chaque instant.

Avant de brutalement revenir à la réalité en sentant un regard sur moi.

Paisajanea.

Je ne relève pas la tête, que j'avais baissée pour regarder où je mettais les pieds, pour ne pas croiser son regard jugeur.

Le poids s'envole après quelques minutes.

Je décide à mon tour de regarder.
Azraël la regarde avec des étoiles dans les yeux.
Ce regard, il me dit quelque chose...

Angelica.

Oh non. Ne me dis pas qu'il aime cette fille de sauvage. Alias, La Paisajanea.

Mais je n'ai pas le temps de maudire Az, car un mouvement attire mon attention.

Putain de merde.

Elle a attrapé l'avant-bras droit d'Azraël.
Où il y a ses cicatrices.
Elle va les voir.

Heureusement, Azra la dissuade et ils commencent à compter je ne sais pas quoi sur leurs doigts.

Ouf !

Ils parlent un peu, puis elle lui reprend le bras.
Non non non non non no-.

Elle a vu.
Elle les a vu.
Elle les regarde.
Elle lève son visage vers lui, qui regarde au loin.
Elle est inquiète et stupéfaite.
Elle lui demande ce que c'est.
Athanase accoure.
Elle non plus ne savait pas.
Seulement Gad et moi. Et encore, Gad sait juste que ce n'est pas de la dépression.

J'arrive à leur hauteur et échange un regard avec Azraël.
Ou plutôt, on se dit des trucs.

Ça va? Tu penses que tu peux lui dire, Azraël ?

Non. Je ne peux pas leur dire. Elles vont se préoccuper, ou Athanase du moins.

D'accord. Il y en a qui sont nouvelles. Tu en as plus. Tu as dû y retourner ?

Oui. Cette nuit. Et celle d'avant. Et encore celle d'avant.

Merde. Ça va? Il t'a rien fait, tu-sais-qui ?

Non. C'est bon, ça va. J'ai juste vu les âmes se faire torturer. Mais j'ai vu pire, t'inquiète.

Mouais...

Pauvre Azraël.
Il est obligé d'aller dans le domaine de son grand-père au moins une fois par mois, voire par semaine.

Paisajanea lui redemande.

Cette fois-ci, il répond. Il n'a pas envie d'en parler.

J'espère qu'elle ne va pas insister, sinon ça va mal se passer. Pour elle.
Et je me chargerai de la faire taire personnellement.

Heureusement, elle a un peu de bon sens et laisse passer, mais je vois à son visage que ce ne sera pas toujours le cas.

Elle cligne des yeux et demande la raison de notre présence ici.

Gad lui répond ce qui me permet de prendre Azraël à part.

« Tu t'en es bien sorti, mec. Mais fais gaffe. Heureusement qu'elle n'est pas alliée avec ton père ou avec le Général, sinon, tu connais les conséquences...

— Ouais... avoue-t-il. Wah, je suis choqué. Elle a pris quatre jours pour s'en rendre compte. C'est super peu... Athanase elle s'en est jamais rendue compte, non ?

— Nope. Mais Elle est très observatrice. Quand tu fais partie du peuple qui es plus proie que prédateur, ça doit être instinctif.

— C'est moi où tu as pas mal pensé à elle ? fait-il dans une tentative de changement de sujet qui va mal se finir pour lui. Ah et d'ailleurs, qu'est-ce qu'il s'est passé pendant le voyage ? Vous étiez bizarres tous les deux quand on s'est retrouvés.

— Rien. On a juste du faire des choses qui ne nous tiennent pas à cœur... Et pas dans CE sens !

— Mouais... C'est ça. » Je lève les yeux au ciel puis retourne le sujet de conversation sur lui : « Ah et, c'était quoi ces regards ?

— Hein ? Je euh, tu parles de quoi là ? balbutie Az avec gêne. Tu parles de... Ah mais c'est rien, t'inquiète !

— Mais enfin, Az ! Comment tu la regardes ?!

— Chut ! fait-il en m'indiquant de baisser le ton. Oui, bon, je sais, mais elle me rappelle Angelica... Elles ont la même forme d'yeux et la même longueur de cheveux...

— Ses cheveux ont sûrement poussé, remarque-je. Mais quand même...

— Je ne l'aime pas, m'assure-t-il. Enfin, pas dans la manière que tu penses. C'est juste, Elle me manque tellement...»
Elle. C'est Angelica. Je me souviens d'elle, et Paisajanea nne lui ressemble pas du tout.

« Je sais, lui dis-je, mais ce n'est en aucun cas Angelica. »

Il hoche la tête. Il n'est pas bête.

Soudain, un raclement de gorge le fait sursauter.
Je me maudis intérieurement.
Quelqu'un a entendu.

« Euh, dit une voix que je ne supporte pas, je ne voudrais pas vous déranger, mais c'est qui cette Angelica ? »

Azraël me regarde. Oh merde.

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