25. Shengkill

Je sens le sang déserter mon visage.
Merde merde merde.

Je sens le regard de Daëgan appuyé sur moi.

Je déglutis.

J'ai insulté sa mère. Qui est morte. Aux mains d'Amel.

J'évite à tout prix le regard de Daëgan.

La culpabilité m'envahit.

Athanase pose sa main sur mon épaule.

«Tu ne pouvais pas savoir, chuchote-elle. Il te pardonnera, ne t'inquiète pas. » Je hoche la tête imperceptiblement et rapidement.

Dans la "Ferrari", je suis assise derrière Daë.

Dois-je m'excuser ? Je pense.
Mais, en même temps, je n'en ai pas envie.
Le bon sens que j'ai devrait m'obliger.
Sauf qu'on dirait qu'il a disparu.

Pendant tout le trajet, qui me donne mal à la tête et au ventre, malgré l'air frais qui me fouette le visage. Il a enlevé le toit de la voiture.

Petit à petit, la civilisation nous entoure. Athanase m'explique tous les objets que je ne connais pas.

« Ça, c'est une moto. Et ça c'est un vélo. C'est la même chose mais sans moteur, à peu près. »

Je sais donc maintenant ce qu'est un vélo, une voiture, un tracteur, un 4×4, une moto, un scooter (même si je n'ai toujours pas compris la différence entre les deux), un trottoir, la route, un immeuble et un péage.

Avec la saison froide qui arrive, on pourrait croire qu'il fait froid mais il fait doux. Quelques nuages dans le ciel, les feuilles oranges, dorées et marrons éparpillées sur le sol, le soleil réchauffant juste assez pour ne pas avoir froid. Il fait bon.

Daëgan se "gare" (autre terme appris grâce à Athanase) sur un "parking" et nous descendons de la voiture.

Je n'ai pas du tout l'habitude, ce qui fait que je trébuche, me vautre sur les sièges de devant, me relève et sors enfin de l'engin. Le fait d'être sur le sol me surprend un peu au début, et je manque de m'écraser encore une fois contre "l'asphalte".

Heureusement, ou devrais-je plutôt dire, malheureusement, Daëgan me rattrape avant de perdre totalement l'équilibre.

Je sens la chaleur me monter aux joues quand sa main touche ma hanche.

Je hais la réaction de mon corps. Pourquoi quand Aiken me portait comme une princesse je ne ressentais pas cette chaleur et là oui ?!

Je me débarrasse de ma stupeur et me relève en marmonnant un "merci" quasiment inaudible. Pourtant, je sais que Daëgan l'a entendu.

Je dépoussière mon habit, entièrement noir évidemment, et lève le regard vers la ville.

Ma mâchoire m'en tombe.
C'est... Grand. Gigantesque, même. Moche. Ouais, c'est moche. Les grands immeubles gris sont sales et délavés. Même nos tentes à nous elles sont plus propres et plus belles que ça !

Ça donne l'impression que tout le monde est triste, désespéré et mauvais.

Athanase me sourit. « Voici la ville la plus proche du monastère ! Shengkill. Son nom vient de nombreux assassin–

— Atha ! la réprimande Gad, Ne la terrorise pas !

— Ah, euh oui... Oups...»

Ok, j'ai compris, il y a des assassinats, c'est mal famé et à mon avis il y a des substances illicites qui se baladent en ville. Tout comme chez nous, hein, mais là on dirait qu'il y a du niveau.

Daëgan intervient : « Après, la ville vaut son nom à quelques quartiers, pas le centre. Un de ces quartiers, Paisajanea, est celui qui se trouve en face de toi. Mais ne t'inquiète pas, on sera là.»

Oui, ils seront là évidemment. Surtout Daëgan. Quelle ironie. Mais s'il croit que je suis une poule mouillée, il se trompe. En tout cas, me voilà prévenue, je ne dois pas montrer mes peurs.

Nous entrons dans la cité. Au début, je me dis qu'il y a beaucoup de monde; mais plus on se faufile entre les rues, moins de gens il y a. Je sais, c'est pas logique, mais c'est vrai.

Bon, après, les premières rues étaient bondées de tavernes et magasins; tandis que là... La dernière fois que j'ai vu un semblant de civilisation, c'était il y a une dizaine de minutes, et depuis, que des anciens magasins ou des anciens bars, un ouvert avec un seul vieil homme, saoulé qui plus est; mais sinon ils sont tous fermés.

Glauque, hein ?
Daëgan nous emmène dans des ruelles de plus en plus étroites, de plus en plus sombres. À chaque fois que je crois entendre quelqu'un s'approcher derrière moi ou une feuille qui craque, je sursaute et me retourne, tous les sens en alerte.

Mes réactions, plutôt normales je trouve, me valent plusieurs regards exaspérés et froids de la part de Daë.

Cela me met de plus en plus hors de moi, si bien que je dois me concentrer très fortement pour ne pas crier et exploser.

Après ce qui me semble être une éternité de marche, nous arrivons enfin à destination.
Le centre.
Contrairement aux bords de ville, il est magnifique.

Nous débouchons sur une place, une fontaine placée au milieu.
La Fontaine représente les quatres éléments, et est construite avec plein de matériaux rares et précieux (pour moi en tout cas).

De l'or, du marbre blanc, du bronze. Le sol de la place est lui-même recouvert de dalles en marbre blanc. De l'eau jaillit sous différentes formes.

Elle fait la forme du feu quand elle sort de la nymphe représentant cet élément ; elle forme une cascade magnifique en sortant de la nymphe représentant l'eau; elle crée un tourbillon au sommet, autour de la tête de la nymphe de l'air et se propulse hors des mains de la nymphe de la terre.

Je ne comprends pas comment ça marche, mais je dois admettre que c'est absolument magnifique.

Je reste les bras ballants, figée sur place.

Athanase l'admire avec des étoiles dans les yeux.
Gad sourit, Azraël essaye de ne rien montrer, mais c'est évident qu'il la trouve très belle.

Daëgan quant à lui... Il a croisé ses bras sur son torse et attend, agacé.

Qu'il aille se faire voir !

Après m'être remis de mon émerveillement, nous nous dirigeons vers un restaurant, qui, contrairement à ceux situés sur les limites de la ville, est élégant et raffiné.

Il a une terrasse, où les Sunfaï décident de s'asseoir. Je fais de même.

«Tu veux quelque chose à boire, Paisajanea ? me demande poliment Gad. Un café, un thé, un soda ?

— Euh... Je ne sais pas ce que c'est, un soda, mais non merci, c'est gentil. Peut-être de l'eau.

— OK. Az, Daë, Atti, vous prenez comme d'hab’ ?

— Oui ! répondent-ils en chœur.

— Je vais commander. Quelqu'un vient avec moi ? » Tous secouent la tête.

Gad se retourne vers moi, attendant ma réponse.

« Euh... D'accord...» Je suis curieuse après tout.

Nous entrons dans le restaurant.

En entrant, tous les regards se tournent vers nous.
Pas forcément jugeurs, mais très curieux, quand même.

D'abord je ne sais pas pourquoi, puis je me souviens.
Ah oui, c'est vrai. Je suis Paisajanea.

Oui, enfin, ça aurait aussi pu être Gad qui est aveugle, hein.

Bref, le duo parfait. Deux bêtes bizarres. Sans offenser Gad, évidemment.

Pendant que celui-ci commande, je regarde aux alentours.

Puis, je sens quelqu'un me tapoter sur l'épaule.
Une voix que je n'aurais jamais pensé entendre ici me dit d'une voix moqueuse : « Bonjour, Monstrue.»

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