Chapitre 8

Ses paupières étaient lourdes, et ses yeux picotaient, une sensation désagréable qui lui causait une douleur sourde. Peu à peu, Sarah sentit ses forces lui revenir. Elle était enveloppée par l'obscurité. Ses souvenirs, d'abord flous, revinrent en vagues successives. Elle se rappela tout : la mer, le froid mordant, la douleur physique et cette folie qui s'était emparée d'elle, prête à la consumer...

Mais surtout, cette voix. Cette voix qui l'avait tirée de sa transe, ramenée à elle-même. Muguette !

Des images plus nettes émergèrent. Des bribes de sons et de paroles, comme si elle avait entendu des voix pendant son sommeil. Parmi elles, une voix claire et distincte : celle d'Ernest. Il était venu la voir. Mais malgré ses efforts pour se souvenir, elle ne réussit pas à déchiffrer ce qu'il avait dit.

Soudain, une image vive jaillit dans son esprit : son collier. Brisé en mille morceaux, étalé sur le sol.

Deux émotions se mêlèrent en elle. La tristesse, un chagrin profond qui lui nouait la gorge. Mais rapidement, une autre sensation, plus brûlante, prit le dessus : la rage.

Elle se redressa brusquement, son esprit s'éclaircissant. Où était-elle ? Ce n'était pas chez Papilou et Mamili. La pièce dans laquelle elle se trouvait lui était complètement inconnue.

Elle se leva, chancelante, et explora les lieux. Ses pas la menèrent à une petite salle éclairée par la lumière douce d'une lampe à pétrole. Il y avait des cadres accrochés au mur, des fleurs séchées sur une étagère, et un parfum familier flottait dans l'air.

Soudain, elle comprit. Elle était chez Muguette. Elle entendit un bruit, des pas sur le bois décrépi et se tourna pour faire volte face, s'était Muguette...

Muguette se tenait là, une tasse fumante entre les mains. Son regard était rempli d'inquiétude, mais aussi de soulagement en voyant Sarah debout.

Muguette (murmure) : Tu es réveillée...

Sarah ne répondit pas tout de suite, ses pensées encore embrouillées par tout ce qui s'était passé. Mais la vue de Muguette, ses yeux rougis par les larmes qu'elle avait sûrement versées pour elle, lui rappela l'évidence : cette fille l'avait sauvée.

Sarah : Pourquoi tu as fait ça ? finit-elle par demander, sa voix rauque, presque cassée.

Muguette posa la tasse sur une petite table et s'assit près d'elle.

Muguette : Parce qu'on est amie, Sarah. Tu crois que personne ne t'écoute, que personne ne te comprend, mais ce n'est pas vrai.

Ces mots firent éclater quelque chose en Sarah. Elle sentit ses yeux s'embuer, mais elle refusait de pleurer. Elle serra les poings, cherchant à contenir cette vague d'émotions qui menaçait de la submerger.

Sarah : Tu ne comprends pas...

Muguette hocha la tête avec compassion.

Muguette : Mais j'ai compris que ce collier était important pour toi. Plus que n'importe quoi...

Ces mots résonnèrent en elle, mais la rage ne s'éteignait pas. Sarah détourna le regard, fixant le sol.

Sarah : Et Marie ? demanda-t-elle d'une voix plus dure. Est-ce qu'elle s'en est tirée ?

Muguette eut un air gêné, comme si elle ne savait pas quoi répondre.

Muguette : Marie... a été emmenée chez elle. Elle était... blessée, mais rien de grave.

Sarah ne dit rien, mais un mélange de satisfaction et de culpabilité l'envahit. Elle aurait pu aller plus loin. Elle avait voulu aller plus loin.

Muguette : Sarah, je sais que ce qu'elle t'a fait est impardonnable. Mais... ne te laisse pas consumer par cette colère. C'est ce qu'elle voudrait. Que tu te perdes.

Sarah releva la tête, croisant enfin le regard de Muguette. Elle y vit une sincérité qu'elle n'avait pas remarquée avant.

Sarah : Et toi, pourquoi tu fais tout ça pour moi ?

Muguette sourit tristement.

Muguette : Parce que je sais ce que ça fait d'être seule. Et je refuse de te laisser te noyer, Sarah.

Ces mots percèrent une partie de l'armure que Sarah s'était construite. Elle sentit ses épaules se détendre légèrement, bien qu'un poids énorme restât encore sur son cœur.

Sarah (tremblante, murmure) : Merci

Muguette posa une main douce sur son épaule.

Muguette : Tu n'as pas à me remercier. Tu n'es plus seule maintenant, d'accord ?

Sarah hocha la tête, une larme solitaire roulant sur sa joue. Pour la première fois depuis longtemps, elle sentit un mince rayon d'espoir percer l'obscurité qui l'entourait.

Muguette : En plus, dis-toi qu'avant de rencontrer les autres, tout le monde m'appelait la vrech ! Sous prétexte que j'étais une "sorcière" où je ne sais pas quoi ! Donc, on se ressemble plus qu'on ne le croit !

Un faible sourire naquit sur les lèvres de Sarah, bien qu'il soit teinté de mélancolie.

Sarah : La vrech ? Ils t'appelaient vraiment comme ça ?

Muguette : Oui, avec leurs airs supérieurs et leurs rires idiots. Mais regarde où j'en suis maintenant. Ils peuvent penser ce qu'ils veulent, ça ne m'atteint plus.

Sarah haussa un sourcil, une pointe de curiosité perçant son abattement.

Sarah : Comment tu fais pour ne pas les laisser t'atteindre ?

Muguette prit un instant, réfléchissant à sa réponse.

Muguette : Ce n'est pas facile. Mais un jour, j'ai compris que ce que les autres disent de moi ne me définit pas. Ce sont leurs faiblesses, pas les miennes. Toi, Sarah, tu es bien plus forte qu'eux. Ils te provoquent parce qu'ils savent que tu leur es supérieure. Marie le sait aussi, c'est pour ça qu'elle s'acharne sur toi.

Ces paroles frappèrent Sarah, éveillant en elle une nouvelle compréhension. Elle n'avait jamais envisagé les choses sous cet angle.

Sarah : Mais... mon collier...

Sa voix se brisa à nouveau, et ses yeux s'embrouillèrent de larmes. Muguette posa une main réconfortante sur son bras.

Muguette : C'était un symbole, Sarah, un lien avec ta mère. Mais ce qu'il représentait est toujours là, en toi. Ta mère t'a donné plus que ce collier. Elle t'a donné sa force, son amour, et cette volonté de te battre, même quand tout semble perdu.

Les mots de Muguette, simples, mais sincères, commencèrent à apaiser la tempête qui faisait rage dans le cœur de Sarah.

Muguette : Et puis, on peut toujours essayer de réparer le collier. Peut-être qu'on ne pourra pas le rendre comme avant, mais... on pourra lui redonner vie.

Sarah leva les yeux, une étincelle de détermination brillant timidement dans son regard.

Sarah : Tu crois qu'on peut vraiment le réparer ?

Muguette hocha la tête avec un sourire.

Muguette : Bien sûr. Et même si on n'y arrive pas, on pourra en faire quelque chose d'autre. Quelque chose qui te rappellera toujours ta mère.

Un long silence s'installa entre elles, mais cette fois, il était apaisant, presque réconfortant. Sarah sentit enfin le poids sur sa poitrine s'alléger un peu.

Muguette : Maintenant, tu devrais te reposer. Demain, on aura beaucoup à faire, surtout avec tout ce qui s'est passé...

Sarah acquiesça lentement. Elle savait que la guerre et l'exode les attendaient, mais pour la première fois depuis des jours, elle avait l'impression qu'elle pourrait y faire face.

Sarah : Merci, Muguette. Pour tout.

Muguette : Toujours là pour toi, Sarah.

Elle lui adressa un dernier sourire avant de quitter la pièce. Sarah s'allongea à nouveau, les pensées tournant dans sa tête, mais cette fois, elles n'étaient pas seulement faites de douleur et de colère. Il y avait une lueur d'espoir. Et puis au moins elle avait des amis sur qui elle pouvait compter...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top