La pluie d'été
« Pardon ?
— Je suis Charlie.
— C'est une blague ? »
Sur le coup, je m'étais demandé si elle se fichait de moi. « Je suis Charlie. » On était tous Charlie.
Elle avait osé un petit rire.
« Je me suis mal exprimée. Je m'appelle Charlie.
— Hector..., j'avais la bouche sèche et elle, elle souriait.
— Je sais, elle avait pointé le petit badge en carton qui pendait à ma veste.
— Ah. Enchanté, j'avais tenté un sourire et à ma plus grande surprise, j'avais réussi. »
Du bout du doigt, elle avait écarté une boucle qui retombait devant mes yeux et j'ai senti la chaleur de son corps m'effleurer. Elle avait un regard désarmant et moi j'avais bégayé :
« Tu comptes acheter mh-... quelque chose ?
— Oui ! sur le comptoir, elle avait laissé tomber l'Amant de Marguerite Duras et m'avait adressé un immense sourire.
— Treize euros, j'avais annoncé sans même regarder le prix.
— On l'achète souvent ? elle avait aussitôt chuchoté.
— Souvent. »
Elle avait froncé son petit nez et j'avais bien vu qu'elle réfléchissait. Elle avait empoigné le bouquin et était retourné dans le rayonnage avant de revenir rapidement avec Ecrire.
« Combien ? On le prend souvent ?
— Non, pas souvent, et il fait..., il y avait eu quelques secondes de flottement, douze euros.
— Je le prends !
— Pourquoi ça te gêne tant que l'Amant soit populaire ?
— J'ai une amie qui ne fait que parler de littérature française alors je veux être calée sans passer pour quelqu'un qui suit le mouvement « parce que c'est populaire », tu vois ?
— Non..., elle avait ris, mais si ça te fait plaisir.
— Je t'aime bien Hector. Tu sais, j'ai remarqué que c'était toi qui mettait le petit chariot pour me garder ma place. Pourquoi tu fais ça ? »
Même moi, je ne savais pas alors tout ce que j'avais fait c'était emballer son livre dans un joli papier kraft et du lui tendre en silence. Elle l'avait attrapé et était sortie en m'imitant ; en silence.
Je l'avais regardé partir et la seule chose qui m'était venue à l'esprit c'était qu'elle était vachement susceptible. Et que c'était chiant.
Petit à petit, elle avait recommencé à venir lire et un jour, j'avais osé lui adresser à nouveau la parole :
« Alors ? T'as pu frimer devant ta copine ? »
Ses yeux avaient scannés mes vieilles vans bleues et étaient remontés le long de mes jambes maigrichonnes avant de s'arrêter sur mon torse rachitique.
« T'aurais bien besoin de manger toi.
— Ce n'est pas le sujet.
— Oui, j'ai réussi à l'impressionner, elle l'avait jamais lu.
— Essaie la poésie aussi, ça leur ferme le caquet, aux pseudos-intellectuels. »
Elle avait esquissé un sourire et avait tiré sur mon jean. Je m'étais assis en face d'elle.
« Merci. Tu lis de la poésie ?
— Moi ? j'avais ris. Non, je lis de la science-fi, des thrillers ou des romans post-apocalyptiques... C'est plus mon truc. Mais j'aime bien Bukowski. Et toi ?
— Je lis de tout, mais surtout des romans d'amour... Les bons vieux Harlequins. »
Elle avait ris et avait posé le livre par terre, la côte du livre vers le plafond. Je m'étais retenu de l'engueuler. Merde, ça abîmait le livre. Je ne passais pas une heure tous les soirs à les ranger par nom d'auteur pour qu'elle bousille tout en quelques secondes ; alors, j'avais simplement sorti un marque page de ma poche et avais reposé le livre comme il se devait.
« Je sais, ça abîme.
— Ouais, désolé, ça me saoule, les gens croient que les livres, c'est de la merde, que du papier ou je sais pas trop quoi. C'est une œuvre d'art, un livre. »
Elle s'était tut, elle m'avait regardé, en silence, je voyais sa main caresser son bras, du bout des doigts, sa peau était recouverte de frissons. Il ne faisait pas froid, mais moi aussi, j'avais frissonné.
Elle avait l'air d'avoir fixé un jour. Jeudi. Tous les jeudis, elle venait lire. Jamais à la même heure ; « j'ai d'autres trucs à foutre mais je t'aime bien. » Parfois, elle s'asseyait derrière la caisse, à mes côtés, pour que, quand il n'y ait aucun client, elle puisse tirer sur mon pantalon. J'essayais de m'intéresser à ses lectures, elle aux miennes. Elle aimait bien Stephen King. Je me souviens avoir été outré quand j'avais su qu'elle ne l'avait jamais lu ; je lui avais immédiatement ordonné de se procurer Jessie. Elle était revenue me voir, ses opinions et ses idéaux pleins la tête, ça pesait sur ses épaules, elle était prise aux pièges de ses pensées et pourtant, elle ne m'avait jamais parue aussi belle ; ses cheveux roux ébouriffés parce qu'elle ne cessait de passer ses mains dedans, son sourire tremblant, ses doigts crispés sur le bois du comptoir, ses yeux qui scannaient mon visage.
Et puis un jour, elle était venue accompagnée.
« Hector ! Voici Carole, mon amie dont je t'ai parlé !
— Salut Carole..., j'avais immédiatement fait le lien entre ses choix littéraires et la brune qui l'accompagnait.
— Enchantée Hector, j'ai entendu dire que c'était toi qui l'avait conseillé sur Marguerite Duras ! Bon choix. Tu lis souvent ?
— Pour travailler dans une librairie, vaut mieux pouvoir conseiller, tu crois pas ? Charlie me fixait, les sourcils froncés. Mon agressivité la surprenait.
— Ouais, t'as raison ! elle avait ris légèrement. Charlie la fixait avec adoration, ça me donnait envie de vomir.
— D'ailleurs, Charlie..., elles avaient toutes deux relevés la tête, j'ai les biographies d'auteurs que tu m'avais demandée ! »
Son visage avait affiché l'incompréhension quelques secondes avant que Carole ne s'exclame :
« Tu lis des biographies ! Je croyais que tu restais fixée à tes romans d'amour stupides et sans intérêt. »
Impressionne-la, Charlie, frime, vas-y.
« Ouais, qu'est-ce que tu crois. Je veux en apprendre plus sur nos écrivains français, tu n'en lis pas toi ? Je pourrai te conseiller. »
Puis elle m'avait souri.
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j'avais pas mis de petit mot de fin, oups
dites-moi ce que vous en pensez, ça fait toujours plaisir & puis on s'améliore !! 🌊
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