Q u a t r e

Rémi venait de terminer son service, avec quelques pourboires en poche. Il partit dans les vestiaires, retira sa tenue de serveur puis s'en alla sans adresser un mot aux autres salariés, de toute manière, personne ne venait jamais lui parler.

Il aimait l'endroit, et pourtant détestait ce petit boulot, le salaire y était mince, mais cela restait encore compréhensible vu le peu d'heures qu'il effectuait. Le problème, c'étaient ses collègues de travailles, ils sont hautains, pleins d'orgueil, et Rémi déteste ça. De plus, ils passent leur temps à le rabaisser puisqu'il a débarqué ici en dernier, il est devenu leur souffre-douleur. C'est comme ça, il y en a toujours un qui paye plus que les autres.

Rémi repensa vainement à la femme blonde qu'il avait cru voir. Était-elle bien réelle ? Où était-ce le fruit de son imagination qui lui jouait un tour ? Il ne savait pas, et cela semblait lui brouiller l'esprit plus que tout.

Il était déjà vingt-trois heures passé quand Rémi se précipita vers l'entrée du métro, impatient de retrouver le confort de son chez lui bien chaud.

En arrivant à son terminus, il inspecta rapidement les quais, à la recherche d'un quelconque signe de la fille, il avait eu le pressentiment qu'elle ne serait pas là. Et elle n'était pas là. Peut-être s'était-elle décidée à enfin rentrer chez elle.

Alors, il a l'idée, puisqu'il se trouve sur son quai à elle, d'aller se positionner à l'endroit où il l'a vue se tenir si droite et si imperturbable. Il devait voir par lui-même.

Une fois les deux pieds ancrés sur ce sol grisâtre, il resta silencieux. Cette place paraissait normale, il n'y avait rien de suspect comme il avait pu le penser, lui qui croyait qu'elle cachait quelque chose ici-même, il avait eu tort. Cette fille semblait bien être tout un mystère pour le futur psychologue.

Il se mit à chercher ce qu'elle pouvait bien fixer, mais il ne trouva pas, il ne parvint pas à se mettre à la place de cette femme et à comprendre son attitude qui dépassait toutes les capacités d'analyse de Rémi. Lui qui avait pourtant l'œil, et pour qui aucun détail n'échappait, se sentait tout d'un coup démuni.

Quand il était gosse, il voulait être détective ou policier parce qu'il trouvait sans cesse la réponse à toutes les énigmes et les mystères. Il se voyait déjà devenir le nouveau Sherlock Holmes des temps modernes. Puis au lycée, il a laissé tomber ce rêve, et s'est mis en tête de résoudre le mystère enfoui au plus profond de l'âme de chaque être humain. C'est ainsi que cela l'a mené à devenir psychologue, il veut grâce à cela pouvoir aider les autres à s'en sortir, ou à comprendre pourquoi plus rien ne va dans leur vie.

Plusieurs minutes s'étaient écoulées sans qu'il n'ait rien remarqué, alors il décida de rentrer bredouille chez lui.

Il faisait nuit noire dehors, la lune et son croissant étaient comme toujours de sortie, mais plusieurs petites étoiles l'avaient rejoint pour célébrer cette nuit.

Le garçon zigzagua entre les immeubles, croisant sur son chemin des restaurants et des bars encore bondés à cette heure-ci, et des jeunes installés au bord du canal, buvant une bière tout en discutant de leur journée.

La nuit, Paris restait éveillé et s'illuminait de part et d'autre. Vivre la nuit c'était autre chose que vivre le jour.

Une fois arrivée à son domicile, une forte odeur d'alcool nauséabonde, qui se dégagea d'une des deux chambres de l'appartement, vint l'accueillir. Rémi ne tarda pas à deviner de quoi il s'agissait, ou plutôt de qui.

« Quentin ! Qu'est-ce que t'as foutu encore ?! » s'indigna-t-il en débarquant à l'improviste dans la chambre du dénommé Quentin.

Le jeune homme qui répondait à ce nom n'était autre que son colocataire, un grand blond bouclé et gringalet aux yeux marron qui tiraient légèrement sur le jaune, une mâchoire dessinée et des joues creuses, actuellement, un homme pareil à un mort-vivant. Il était affalé sur son lit, torse nu, une bouteille de vodka vide dans une main, et le reste du liquide par terre au milieu d'un reste de verres brisés en mille morceaux.

« Rémi, j'veux mourir. » se contenta de répondre Quentin d'une voix ivre.

Rémi savait qu'à cet instant son coloc' ne pensait pas un mot de ce qu'il venait de dire, il était persuadé que c'était l'alcool qui lui faisait dire de tels bêtises. Il n'était plus dans son état normal, comme si quelqu'un d'autres avait pris le contrôle de son corps et de sa tête.

Quentin et Rémi sont colocataires et amis depuis maintenant un an. Quentin est étudiant dans le commerce, mais ces dernières semaines il broie du noir et perd toute motivation dans son travail. Alors, il passe ses journées à entamer un pack de bière entier, une bouteille de whisky, et tous les alcools qu'il pouvait trouver pour se saouler, pour oublier.

Rémi savait que c'était parce qu'il avait soi-disant le cœur brisé, encore une histoire d'amour qui s'était mal terminé. Quentin n'était pas le genre d'homme à rester de marbre après une rupture, sauf lorsque c'est lui qui l'avait décidé, mais à l'inverse, il se laissait facilement submerger par la douleur qu'il ne pouvait cacher. Et ça, Rémi l'avait su dès son arrivée, dès l'instant où il avait vue dans ses yeux toute sa fragilité derrière cette apparence d'homme mûr.

« Viens, lève toi. Je vais nous commander une pizza et on regardera le film que tu voudras à la télé. » proposa Rémi, pour tenter de réconforter son ami.

Celui-ci secoua mollement la tête, puis se leva aidé par une main bienveillante. Force de constater qu'il empestait l'alcool et le chien mouillé à plein nez.

Une fois la pizza livrée, les deux amis s'installèrent confortablement sur le canapé, et se mirent d'accord quant au film qu'ils comptaient visionner. Ce soir, le film "Forrest Gump" était diffusé sur la première chaîne, même si Rémi l'avait déjà vu, c'était celui-ci qu'ils avaient choisi.

Tout au long du film, Rémi se laissa emporter par l'histoire de Forrest et ses folles aventures qui n'en finissaient pas, il passait du rire aux larmes en quelques images tant les émotions le transportaient. Il aimait ce film et ne se lassait jamais de le regarder. Il souriait naturellement lorsqu'il entendit une de ces fameuses citations qui avaient marqué le film :

« La vie c'est comme une boîte de chocolats. On ne sait jamais sur quoi on va tomber. »

Rémi savait qu'il n'avait pas eu la chance de tomber sur le meilleur des chocolats, et il savait aussi que pour certains, il était dur de parvenir à se procurer ne serait-ce qu'un morceau de cette gâterie. Alors, il se contentait de ce qu'il avait avant de pouvoir goûter à mieux.

Il but une gorger d'une boisson sucrée au goût caramélisé, puis se replongea dans le film. Mais les quelques sons plaintifs de Quentin le déstabilisaient quelque peu.

« Elle me manque. soupira-t-il, en prenant sa tête entre ses mains.

– Je sais. » chuchota Rémi en lui passant une main dans le dos pour le réconforter

Et à cet instant, Rémi ne put s'empêcher de penser à la mystérieuse inconnue, elle ne quittait plus ses pensées depuis la première fois qu'il l'avait aperçue, et pourtant, il aurait aimé l'oublier. Mais peut-être que c'était elle, le morceau de chocolat qu'il attendait.

« Je ne sais pas si c'est maman qui avait raison ou si c'est le lieutenant Dan... Je ne sais pas si nous avons chacun un destin ou si nous nous laissons porter par le hasard comme sur une brise... Mais je crois que c'est peut-être un peu des deux... peut-être un peu des deux arrive en même temps. »

Alors, Rémi ferma les yeux, et se laissa emporter par la brise.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top