Chapitre 27 : Vive le Roi... Ou pas
-Mais je n'ai pas envie d'être roi, moi ! s'exclama Ravish, outré au possible.
Dans la salle du trône, où il n'y avait, pour lors, que l'ancienne reine, Silna, Iris, Sakhar et Ravish, c'était la dispute.
-Moi non plus ! s'exclama Sakhar. J'ai été esclave dix ans, ce n'est pas pour me retrouver bloqué le cul sur une chaise à aider des citoyens qui m'ont craché à la gueule toute ma vie !
-Ce n'est pas une raison pour bloquer mon cul à moi sur la chaise ! explosa Ravish.
-Vous savez, on dit souvent que celui qui ne veut pas du trône est le plus apte à s'asseoir dessus, fit l'ancienne Reine d'une voix douce.
Répondant au nom de Lothna, elle était belle, très belle, même. Ravish l'avait peu côtoyée, mais il connaissait bien son histoire. Les crétins disaient qu'elle avait été choisie par le roi, selon un conte de fées. Ceux qui connaissaient le roi savaient qu'il l'avait prise pour reine sans son consentement, et qu'elle avait subi mille et un supplices entre ses mains. La seule chose qui lui avait permis de tenir était ses enfants.
-Lothna n'a pas tort, fit Silna. Ravish, tu es tout désigné pour le boulot.
-Mais ce qu'a dit la Reine peut tout aussi bien désigner Sakhar !
-Nan ! Je ne connais rien à la politique, je suis une brute épaisse et j'en ai rien à foutre du peuple. Avec moi comme roi, le pays sombrerait dans le chaos en un rien de temps.
-C'est beau de savoir le reconnaitre quand on est incapable, lança Iris d'un coin de la pièce, le sourire aux lèvres.
-Oh, toi ne fais pas suer ou je t'enterre encore une fois pour te calmer ! Et puis, Ravish... Tu sais comme moi que j'ai autre chose à gérer.
Un silence tomba sur la pièce. Finalement, l'ancien garde du roi se mit à maugréer, tout en faisant les cent pas. Il n'avait pas envie ! Mais vraiment pas envie !
-Et le Grand Prêtre des Premiers Croyants !? Il serait parfait, lui !
-Il serait plus qu'heureux d'avoir le pouvoir, c'est bien là le problème.
-La division entre le Temple et le pouvoir absolu est importante, intervint Silna. C'est pour cela que la Cité-Ydra est si prospère : je n'ai pas la main mise sur tout.
Ravish se remit à bougonner, sous l'œil intrigué de la Reine. Elle n'avait jamais vu quelqu'un aussi retors à l'idée de devenir souverain.
-Écoute, tu es la seule personne qui remplit toutes les conditions pour ce poste, lança Sakhar. J'ai une totale confiance en toi, tu ne fais pas partie de ma famille et tu es loin d'être stupide. Tu connais beaucoup de choses sur le pays et sa politique, tu sais qui sont les gens de la haute avec un cœur pourri. Tu sais quels sont nos objectifs !
-Ouais, ouais...
-En plus, tu as déjà couché avec Lubilla, ça fait déjà une alliée de poids, lança Silna avec un sourire moqueur.
Il la fusilla du regard.
-Lubilla ? Vous voulez dire la Reine d'Ydra ? lança Lothna avec étonnement.
-C'est une amie, expliqua Sakhar. Nous avons déjà Ydra pour alliée, étant donné que Silna est avec nous et Lubilla une bonne connaissance.
-Tu as couché avec toi aussi, je te ferais remarquer.
Il regarda Silna, toujours aussi moqueuse. Ravish, de son côté, se laissa tomber les fesses au bas du trône. Bon sang ! Il n'avait vraiment pas envie de ça ! Et pourtant, il le sentait venir gros comme un aéronef, il allait finir par céder.
-Au pire, je ne suis pas obligé de rester roi de substitution pendant des plombes, non ? Je pourrais passer la main ?
-Ouais. Mais crois-moi, avec les rebelles qui arrivent et les politiques qui vont revenir à l'assaut, tu vas avoir du boulot. Je vais faire passer un message par le biais des golems pour dire que je te désigne comme souverain par intérim. Ça te va ?
-Nan. Mais j'ai pas le choix, apparemment.
-Soit heureux, au moins tu vas pouvoir passer plus de temps avec Savinha.
-On vient de rompre, bordel ! Iris se la tape dans mon dos depuis des jours !
Sakhar ne sut pas quoi répondre à cela. La fille du feu avait un sourire radieux. Furieux, Ravish détourna le regard, pour tomber sur Lothna. Elle semblait angoissée. Pas étonnant, vu tout ce qui s'était passé. La guerre civile, la ville en feu, la mort de son mari, l'intervention d'un dieu... Tout cela, tous les habitants du pays l'avaient vu dans leur esprit. Une retransmission en direct, un peu comme une émission de radio, mais avec les images en plus.
-Ne vous en faites pas, soupira Ravish pour l'ancienne Reine. Vous pouvez rester au palais avec vos enfants, si vous le souhaitez. Et puis, vous devez bien connaitre la chienlit des conseillers du roi, non ? Vous allez devenir ma première conseillère, tiens.
-Bonne idée, approuva Sakhar. Heu... Vous voulez la bénédiction de Tarco ?
Tous se turent. Avec ce qui venait de se passer dans le temple, pas dit qu'elle accepte.
-Ou la bénédiction d'Aqua ? fit Silna avec un soupir résigné.
Iris ne proposa rien. D'un autre côté, Ravish se demanda si elle y connaissait quelque chose là-dedans, elle. Baiser oui, bénir, non !
Finalement, elle opta pour la bénédiction de Tarco, étant donné qu'il était son dieu tutélaire.
Ravish était donc roi intérimaire.
Ça le gonflait déjà...
*
Le soir même, debout sur les toits du palais pour contempler la ville en ruine, Sakhar attendait que Silna le rejoigne. Il ne lui fallut pas longtemps.
Belle dans sa tenue ydrasienne, elle lui fit un sourire sous le clair d'une lune pleine.
-Ça y est, tu es définitivement libre, Sakhar.
Il lui sourit tendrement, tout en venant lui prendre la main.
-Oui. C'est fini, murmura-t-il en posant son front contre le sien.
Ses doigts frais et léger caressèrent ses joues ombrées de barbe. Elle était pleine de douceur, en cet instant. Pourtant, il saisit ses mains, son expression se faisant un peu plus triste.
-Pourquoi ne pas avoir voulu me le dire, Silna ?
Haussant les sourcils, elle parut un peu perdue.
-De quoi parles-tu ? bafouilla-t-elle.
-Je l'ai compris depuis un moment déjà. Ne t'en fais pas, je ne t'en veux pas de m'avoir menti. Je comprends tes motivations, même si je ne saisis pas tout de la situation. Mais tu m'expliqueras tout quand tu le voudras. Quand tu le pourras.
Elle était devenue livide.
-Je... Comment...
-Tes refus alors que tu me désirais autant que je te désire, souffla-t-il. Ta distance tout en étant proche. Ton arrivée impromptue. Le fait que tu ne manges pas. Le fait que tu ne perdes pas de poids, malgré tout.
Contre toute attente, il vit des larmes perler au coin de ses yeux. Il caressa doucement sa joue.
-Je ne t'en veux pas, Silna. Tu avais tes obligations, et tu avais besoin que j'en finisse avec Chameka. C'est pour cela que je voulais aller si vite. Parce que j'avais compris.
-Sakhar, je...
-Tu n'as jamais réellement été là, n'est-ce pas ? murmura-t-il avec émotion, en passant une main dans son épaisse chevelure rousse. Tu es toujours là-bas, prisonnière de Wolff.
Elle ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, elle tentait de contenir ses larmes.
-J'imagine que ton corps doit être endormi, quelque part là-bas. C'est la bénédiction que tu avais posée sur moi qui t'a permis de t'incarner ailleurs, n'est-ce pas ? Ne t'en fais pas, Silna. Je ne t'en veux pas pour tes mensonges. Bien au contraire.
Doucement, il posa ses lèvres sur les siennes, en un baiser tendre, léger.
-Sakhar, je suis désolée...
-Ne t'en fais pas. Je vais t'arracher à ses griffes. J'arrive, mon amour. Alors, je t'en prie, retourne dans ton corps. Tu n'as plus à t'épuiser ici.
Il l'embrassa de nouveau, dans un ultime baiser. Le corps de Silna devint moins dense sous sa main, plus vaporeux. Quand il rouvrit les yeux, elle lui fit un dernier sourire, avant de se dissiper dans les cieux nocturnes de Maïssanna, telle une brume.
Elle retournait dans son corps. Loin de lui. Seule.
Et vulnérable.
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