Chapitre 17 : Une Famille Peu Commode
Dos à la porte de la cellule, Savinha regardait Wokabi avec une haine palpable. Dans l'art de faire parler, sa mère était pas mal dans son genre. Mais la femme sans cœur qui se tenait devant elles n'avait aucune résistance à la douleur. En dépit du fait qu'elle en ait infligé tant à son frère.
-Elle mériterait de crever, cracha-t-elle lorsque Mirnha se redressa.
Roulée en boule, la Prêtresse de la Terre ne faisait plus la fière. Il n'avait pas fallu grand-chose pour lui arracher toutes les informations désirées. À peine une gifle ou deux, un tirage de cheveux et cette garce s'était mise à pleurer comme une madeleine.
Alors, elle leur avait tout dit, du poison contre l'Elémentaire de la Terre aux noms de tous ceux qui avaient profité de la situation. Tous les lieux où les cérémonies avaient eu lieu. Toutes les personnes impliquées durant les années d'esclavage de Sakhar.
-Si tu veux avoir Silna sur le dos, grand bien te fasse, déclara Mirnha en ouvrant la porte de la cellule, afin qu'elles ressortent à l'air libre.
-Elle comprendrait.
-On parle de la Prêtresse Ecarlate, Savinha, pas de la première femme venue.
Effectivement, vu comme ça...
Elles refermèrent la porte, pour se diriger droit vers le cockpit, où Alivéne et Sirkham regardaient le monde devant eux. De nouvelles perspectives d'avenir, la découverte d'une nouvelle ville, la rencontre avec une Reine...
Tout du moins, c'était ce qu'ils pensaient jusqu'à ce que Mirnha braque un pistolet sur l'ydrasien, qui écarquilla les yeux. Encore plus lorsque Savinha en fit de même avec le pilote.
-Désolée, mais nous avons besoin de changer vos plans.
-Mais vous deviez aller à la sécurité de la Cité-État.
-La sécurité n'est pas notre priorité, déclara Mirnha d'une voix ferme. Je veux que vous nous déposiez au Repos.
La tête de Sirkham valait le détour ! Elles avaient tenu le petit dernier à l'écart de tout cela depuis le début, au départ parce qu'il n'était qu'un enfant, maintenant parce que le temps n'était plus à la formation et aux explications. Elles devaient agir vite. Sakhar avait déjà commencé à avancer. Si elles le pouvaient, elles lui diraient tout plus tard. Quand ce serait fini...
-Si vous voulez mourir, c'est votre problème, fit Alivéne en haussant les épaules.
-Moi, ça m'en pose un.
Savinha sursauta en découvrant Iris. Les mains dans les poches de sa veste de cuir, adossée au mur du cockpit, la Mercenaire Rouge la contemplait avec des yeux bien trop sérieux, en cet instant.
-Pourquoi, Iris ?
-On vous envoie à Ydra pour que vous ne dérangiez pas Sakhar. Si jamais vous vous faites attraper, vous risquez de tout gâcher.
-Tu n'es pas d'ici, siffla Savinha. Tu es une mercenaire. Qu'est-ce que ça peut bien te faire, hein ?
Se décollant du mur, l'Élémentaire se rapprocha. Évidemment. Immortelle, elle se moquait bien qu'elles soient armées. En vérité, elle semblait s'en foutre complètement. À l'inverse d'Alivéne et de Sirkham.
-Vous mettez les pieds dans quelque chose qui vous dépasse, les filles. Sakhar doit être libre. Il doit prendre le contrôle du pays.
Savinha fronça les sourcils.
-En quoi ça te concerne ?
-Et toi, ma belle ? Tu ne veux pas que ton frère soit libre ? Tu veux lui mettre des bâtons dans les roues en te faisant enlever !? Et il se passera quoi, hein !? Il retournera à son statut d'esclave !? Par ta faute !?
-Tu n'as qu'à venir nous protéger, si ça t'inquiète tant, rétorqua Mirnha avec calme.
Iris posa ses yeux incendiaires sur elle.
-Je ne suis pas censée être ici. Si je vous protège, je risque de trahir ma présence. Et ça non plus, ça ne rentre pas dans nos plans.
-Quels sont tes plans, Iris ? Qu'est-ce que tu as prévu de si grand pour que mon frère doive prendre le contrôle du pays ?
Savinha et elle se toisèrent. Un lent sourire étira les lèvres de l'Élémentaire.
-Et toi ? Qu'as-tu prévu pour que ça vaille le coup de risquer cette vie que Sakhar a protégé au prix de sa liberté ?
Elles se trouvaient dans une impasse. Finalement, ce fut Mirnha qui trouva la solution.
-Je suis prête à passer un marché avec toi, Iris. Tu nous accompagnes, puisque tu ne sembles pas vouloir nous laisser partir. Mais pas pour nous protéger. Si on se fait prendre, tue-nous.
La Mercenaire haussa un sourcil, les mains toujours dans les poches.
-Pourquoi ?
-Je préfère mourir que de laisser ces chiens poser une nouvelle fois les mains sur mon fils.
-Alors, va dans la sécurité d'Ydra.
-Je ne peux pas.
-Pourquoi, Mirnha ? Qu'est-ce que vous me cachez ?
Contre toute attente, la mère de Savinha posa son arme, pour planter son regard franc dans celui d'Iris.
-Parce que mon fils a besoin d'avoir le peuple à ses côtés, et je suis la seule à pouvoir le lui rallier entièrement.
*
Les villages tombaient les uns après les autres. Les forts étaient désertés par les soldats. Dans le sillage de Sakhar ne restaient que des citoyens libres, et des golems veillant à ce qu'ils le restent.
-Ce n'est pas trop fatiguant de laisser tous ces golems derrière toi ? s'enquit Ravish, au sommet de son chameau.
Ils voyageaient vers leur prochaine destination. Épuisé par les pourparlers avec les villageois et les longues discussions qui résultaient de l'intervention de Sakhar, Ravish se faisait plus penser à un médiateur, en ce moment. Voir même un barde. Au plus ça allait, au plus il mettait de temps à raconter la vie de ce crétin.
Quant à Silna, pour le moment, elle ne servait à peu près à rien. Mais il ne le lui dirait jamais, d'une part parce qu'il tenait à sa vie, d'autre part parce qu'il était tout de même à la bataille d'Ydra. Il l'avait vu se consumer pour sauver sa Cité. Et honnêtement, cela faisait combien de temps ? Une semaine, une semaine, deux semaines ? Un truc comme ça ? Il avait du mal à s'y retrouver, en ce moment. Bref, s'il y en avait bien une qui avait le droit de se la couler douce, c'était elle.
-C'est comme avec la barrière qui protège la Cité-État ?
-Nan, ce n'est pas pareil, tête de pioche.
-Eh oh, je ne suis pas un Elémentaire moi, il faut m'expliquer ! En plus, tu n'avais jamais fait ça avant !
Avant les évènements de Tirhn. Avant sa prise de liberté.
Avant ses retrouvailles avec Savinha... Ravish sourit bêtement en pensant à la jeune femme. Si belle, si ardente... Dire que pour ses beaux yeux il était allé aider ce gros niais de Sakhar ! Six ans loin d'elle, pour qu'elle reparte aussitôt ailleurs. Pour sa sécurité, certes, mais...
Il pensa soudain à une chose.
Sakhar l'avait envoyé vers une autre de ses maitresses. La Reine Lubilla.
Oh.
Il allait avoir des problèmes. Il s'en était peut-être un peu trop donné à cœur joie, ces six dernières années. Lui et sa libido exigeante !
-Je suis lié à la Terre, expliqua l'Élu de Tarco. Quand je forme un golem, je lui insuffle une partie infime de mes pouvoirs, qui se restaure plus tard chez moi. Ils n'ont pas une durée de vie infinie, mais ils devraient tenir... cinquante ans ?
-Ah ouais... Quand même. Ils tiennent plus longtemps que la majorité des gens du désert.
-Mmh... C'est une des premières choses à essayer d'améliorer. Qu'en penses-tu, Silna ?
La jeune femme leva le nez vers eux. Enroulée dans un turban pour se protéger du soleil brulant, elle planta ses yeux bleu vif dans ceux de Sakhar.
-Il faudrait surtout que tous aient accès à l'eau potable. Il va y avoir du travail.
-Tu te sentirais de faire cela avec moi ?
Ravish partit du principe qu'il valait mieux se taire. Ça entrait dans la catégorie "futur de couple". Or, il n'avait rien à faire là-dedans. Mieux valait prévoir sa prochaine dispute avec Savinha concernant le nombre de ses conquêtes ces six dernières années. Oh par Tarco.
Il était un homme mort !
-Je serais prête à aider la population de ton pays si ces connards te traitent avec respect. S'ils ne le font pas, ils peuvent tous crever.
Cette remarque provoqua l'hilarité de Sakhar. Oh moins, ils n'avaient pas perdu leur Silna ! Son sourire, Ravish le perdit lorsqu'il vit l'une des pierres bordant la route. Ils étaient presque arrivés.
-Sakhar, on y est.
-Je vois. En parlant de connards, Silna, j'ai décidé de régler tout de suite un problème majeur.
La Prêtresse haussa un sourcil.
-Lequel ?
-Détruire l'esclavagisme à Hossana.
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