Chapitre 15 : Les Compétences Spéciales


-Comment ça, tu as couché avec la sœur de Sakhar !? Tu ne peux pas tenir ta libido en laisse !?

Iris émit un bruit moqueur en posant les mains sur ses hanches.

-Toi par contre, tu devrais un peu lui lâcher la bride. Et puis quoi, Savinha était tout à fait consentante. Je ne vois pas où est le problème. En plus j'ai un témoin.

Stupéfaite, Silna regarda la fille du feu comme s'il lui avait poussé une deuxième tête.

-Un témoin ? Mais quel témoin ?

-Ravish.

Oh purée ! Il avait vraiment quelque chose avec les plans à trois, celui-là ! Entre Lubilla et Iris, ça commençait à bien faire ! Au fait, comment en étaient-ils arrivés à parler de ça ? Ah, oui. La famille de Sakhar partait pour Ydra.

Ils se trouvaient tous en dessous d'un dirigeable, parqué au-dessus du Temple de l'Apparition. Il appartenait aux Mercenaires Rouges, néanmoins ils avaient dû le banaliser. Car si à Ghania cela leur avait garanti un voyage tranquille, la Reine Lubilla aurait certainement ordonné qu'on l'abatte à vu. Et ce n'était pas franchement le but initial.

-Il est tellement bon au lit, soupira Iris en continuant leur conversation. J'avais oublié, depuis qu'il m'avait fait jeter en prison. Il a appris de nouveaux trucs en plus.

-Je m'en tape.

-Tu ne devrais pas. Sakhar a l'air insatiable dans son genre.

Aussitôt, Silna regarda en direction du colosse. Debout avec ses proches, ils étaient grande discussion. A priori, il n'avait pas reparlé à Sirkham depuis leur dispute du midi. Par contre, il avait passé un très long moment avec sa mère dans les jardins. Elle le savait, car elle avait attrapé un coup de soleil à faire le planton pour que personne ne vienne les gêner. Ça, elle ne l'avouerait jamais.

-Je ne comprends pas comment tu fais pour ne pas lui grimper dessus.

-Mais tu vas arrêter de parler de cul cinq minutes !? explosa Silna. C'est lourd à la fin !

Si des têtes se tournèrent dans leur direction, elle les ignora avec brio. Les mains sur les hanches, Iris éclata de rire.

-Et tu veux qu'on parle de quoi !? De Wolff et de la merde vers laquelle on avance ?

-Nan, tu peux la fermer aussi.

-Mais quel caractère tu as.

-Tu veux mon caractère dans la gueule ?

-Pas trop, ça fait mal à chaque fois. Tu ne retiens jamais tes coups sur moi.

Silna roula des yeux moqueurs en direction d'Iris, dont le demi-sourire en disait long.

-Comme si ça avait de l'importance. Je pourrais t'ouvrir comme un poisson que tu t'en foutrais éperdument.

Un frisson secoua sa sœur, qui porta par réflexe la main à son ventre.

-Beurk, ça fait mal. Tu te souviens que le Maitre m'avait laissée suspendue trois jours par les entrailles ?

-Je me souviens surtout du temps qu'il m'avait fallu pour te guérir, marmonna Silna. Tout s'était infecté. Quel crétin ce Maitre. Oh ! Bonsoir, Mirnha.

Souriant avec douceur, la mère de Sakhar était venue leur dire au revoir.

-Bonsoir, Prêtresse. Mercenaire. Je voulais vous remercier d'avoir aidé mon fils jusqu'ici.

-À vrai dire, c'est plutôt votre fils qui nous a sauvé la mise, à moi et à la Cité-État d'Ydra, rectifia-t-elle avec un sourire contrit. C'est... un gentil garçon.

Pouvait-elle réellement dire cela de l'Élémentaire de la Terre ? Lui, un gentil garçon ? Il avait fait une partie à trois avec une Reine et elle avait retrouvé une autre fois quatre ou cinq filles différentes dans son lit ! Ça n'avait rien de gentil, ça.

Voilà. Iris avait contaminé son esprit, avec toutes ses histoires de sexe.

-Oui. Il a bon cœur, comme son père. Yrthin serait enchanté de savoir que son ainé a trouvé une femme de votre acabit, ajouta-t-elle en lui effleurant gentiment la joue. Vous êtes jolie comme un cœur et vous avez le caractère pour tenir tête à mon fils.

Et les pouvoirs pour lui botter le cul s'il dépassait les bornes.

-Heu... Je... Nous...

-Je compte sur vous pour étriper les ordures qui ont fait du mal à Sakhar.

Ça pour, le coup, ça détonnait avec l'impression de douceur que dégageait Mirnha ! Elle avait dit cela avec un grand sourire. Soudain, un doute habita Silna.

-Heu... Là, vous ressemblez vachement à votre fils.

-Le même caractère de merde, approuva Iris.

Cela fit sourire la belle veuve. Savinha fit ses adieux elle aussi, ce qui lui valut de rouler une pelle à Iris, sous les yeux écarquillés de son frère. Heureusement, il n'eut pas le temps de hurler. Enfin, heureusement... C'était vite dit.

Car à peine les deux femmes furent-elles séparées qu'un tir de fusil fit éclater la tête d'Iris.

*

Personne n'était censé en ressortir vivant.

Ce fut un véritable déluge de balles qui s'abattit sur le parvis du Temple de l'Apparition. À la première détonation, Sakhar avait vu le crâne partir en mille morceaux. La seconde suivante, ça fusait dans tous les sens, de tous les côtés. Mais trop tard pour leurs opposants.

Une barrière d'acier avait aussitôt jailli du sol, enfermant tout le monde derrière un rempart de trois mètres de haut. Les projectiles ricochèrent dessus, formant des impacts, mais surtout, repartant à l'envoyeur. Des cris de douleurs retentirent. Sakhar en profita pour jeter un coup d'œil en direction de Silna. Elle semblait plus embêtée par l'air tétanisé de Savinha que par la tête explosée d'Iris. Ils regarderaient ça plus tard.

Car dés qu'ils comprirent pour la barrière en acier, leurs attaquants s'arrêtèrent. Il y eut quelques discussions. Dans peu de temps, ils lanceraient une grenade par-delà les remparts.

Se tournant vers son petit frère, dont les yeux écarquillés étaient rivés sur lui, Sakhar lui fit un sourire. Pour Sirkham, l'heure n'était plus à la rancœur. Pour lui non plus. Il avait essayé de voir les choses de son point de vue. De celui d'un jeune homme qui n'avait plus vu son frère depuis ses cinq ans. Un âge tendre où on occultait le plus souvent la cruauté de ce monde.

-Tu comprends mieux pourquoi je veux que tu partes ?

-Ouais... Je...

-Esclave ! beugla-t-on de l'autre côté de la barrière. Rends-toi et ta famille sera épargnée.

-Ça, expliqua Ravish juste à côté, ça veut dire qu'ils vont tous nous tuer si Sakhar baisse la barrière.

-Mais... Ce sont des soldats du roi, non ? Ils ne tiennent pas parole, comme toi ?

-Ce sont des types comme eux qui ont tenté de violer Savinha il y a dix ans, expliqua son frère. Tu crois vraiment qu'on peut leur faire confiance ?

-N... Non...

Un peu décontenancé par le fait qu'ils puissent discuter dans un moment pareil, Sirkham regarda son frère et son air décontracté. Comment pouvait-il être ainsi alors qu'ils risquaient de tous mourir !?

-Tu veux voir de quoi je suis capable ? demanda Sakhar.

L'adolescent haussa un sourcil. Même lui avait perçu le sous-entendu. Tu veux voir de quoi est capable l'esclave que je suis ?

Il en avait déjà eu un aperçu destructeur à Tirhn. Mais alors, le combat était Elémentaire contre Élémentaire.

-Oui. Je... Je crois en toi, Sakhar.

La grande main de son frère lui ébouriffa les cheveux. Son sourire plein d'assurance lui donna l'impression de faire face à un guerrier redoutable. C'était le cas, en vérité. Mais il n'en avait pas conscience.

-Alors je te présente les Gardiens de Mokha, fit-il en pointant son index vers le haut.

La seconde suivante, Sirkham vit une gigantesque silhouette, de six mètres de haut, se profiler par-dessus les remparts. Les yeux écarquillés, il la vit soulever une énorme lance... Et des hurlements de terreur retentirent de l'autre côté. D'un claquement de doigt, Sakhar fit tomber leur protection, qui retourna à la terre d'où elle venait.

Il découvrit alors le spectacle de dix colosses de terre, armés et en armure, qui ravageaient les rangs de leurs ennemis. Il y avait bien quarante soldats de la capitale, venus pour tous les tuer. Mais ce furent eux qui goutèrent à la terreur de la mort. Les colosses, qui étaient des golems bien plus poussés que ceux des Jeux, bougeaient comme des êtres de chairs et de sang. Vifs, combattifs, ils firent voler des soldats à une dizaine de mètres de haut, avant que la chute ne leur brise les os du corps. D'autres furent embrochés par les lances, d'autres tranchés par des épées énormes, et pourtant aiguisées comme des rasoirs.

En quelques minutes, tous furent morts.

Stupéfait, Sirkham considéra le carnage. Puis les dix gardiens se mirent en rang devant Sakhar, pour poser genou et poing à terre, en signe de déférence.

-Merci les gars, fit-il à leur adresse. Allez vous positionner aux remparts à intervalles réguliers. Je veux que vous protégiez la ville et les habitants. C'est clair ?

Les énormes têtes hochèrent du chef. Le lendemain matin, les habitants de Mokha découvriraient leurs nouveaux gardiens, forgés par le nouvel Elémentaire libre. Ce fut à ce moment qu'ils commencèrent à réellement croire en lui. Car il veillait sur eux même en son absence.

En attendant...

-Tout le monde va bien ?

-Pas Iris ! s'exclama Savinha, une note de désespoir dans la voix.

Tous se tournèrent vers le corps de la fille du feu. Gisant dans une marre de sang, elle ne bougeait plus. Merde ! Sa tête avait vraiment éclaté comme une pastèque trop mure ! En contemplant le corps, Sakhar se reprocha de ne pas être intervenu à temps. De ne pas...

-Oh dit, tu vas faire ta femmelette encore longtemps ? lança la Prêtresse de l'Eau en donnant un coup de pied au corps.

Tous la regardèrent d'un air estomaqué. Elle leur fit un doigt d'honneur, trop occupée par Iris.

-Allez debout, feignasse !

-Silna...

-Savinha, ta gueule. Iris, bouge ton cul !

Ce à quoi ils s'attendaient le moins, c'était que l'Elémentaire de Feu s'assoit, avec un râle ignoble, des morceaux d'os et de cervelle se rependant autour d'elle. Mirnha, sa fille et Ravish poussèrent des exclamations horrifiées, tandis que Sirkham s'accrochait au bras de son frère à peine surpris.

Tout le haut de la tête d'Iris avait disparu, laissant voir l'intérieur de sa cervelle d'oiseau. Pourtant, ses lèvres bougèrent pour lâcher :

-Tu me casses les ovaires ! Je ne peux même pas me poser tranquillement !? Je te signale que je ne suis pas censée être là. Autant dormir !

-Ouais, tu veux surtout faire ton intéressante.

-Tu peux parler, toi et ton sens de la mise en scène, râla l'autre en se redressant, légèrement chancelante. Tu peux me soigner, que je vois au moins autour de moi un peu plus vite ? J'ai comme l'impression d'avoir une oreille bouchée, aussi.

-Il t'en reste plus qu'une et ta grande gueule. Arrête de bouger !

-J'ai un petit problème d'équilibre avec une oreille interne en moins, je te ferais dire !

-Sakhar, tu peux la tenir s'il te plait ? demanda la Prêtresse en roulant des yeux exaspérés.

Comme il était le seul à ne pas être statufié devant cette scène hors norme, il alla saisir Iris par les épaules.

-Mmh, les mains de ton mec sur moi. Quel dommage que je ne puisse pas voir ta tête, Silna !

-Tu vas te taire, oui ? marmotta cette dernière en commençant à la soigner.

Le processus de guérison était bien plus rapide sur l'Élémentaire du Feu que sur un humain, visiblement. Il ne fallut pas longtemps pour que le beau visage de la fille du feu refasse son apparition, dénuée de toute cicatrice. Elle grimaça à la repousse des cheveux.

-La vache, ça fait aussi mal que la fois où je suis tombée du haut d'un temple.

-Ça t'apprendra à t'envoyer en l'air au-dessus du vide.

Apparemment, Silna savait de quoi elle parlait. Avec un soupir, elle regarda Sakhar, qui haussa un sourcil, dans l'attente d'une explication.

-Nous avons tous une compétence spéciale. Je peux soigner, ta peau est indestructible, et Iris est immortelle.

Oh.

Juste ça.

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