Sortie en pleine nuit
C'est la nuit. Je ne parviens pas à m'endormir. Ce soir, le dîner s'est passé en silence, l'ambiance était tendue. Je n'ai pas ouvert la bouche une seule fois, j'ai déjà fait pas mal de gaffes dans la journée, je ne tenais pas à remettre ça. D'autant plus que ma punition a été déposée : interdiction de sortir - comme si je ne faisais que ça de mon temps, tiens ! Toujours est-il que je n'arrive pas à fermer l'oeil. Je n'arrête pas de repenser aux évènements d'aujourd'hui ; même si j'ai dit à mes parents qu'ils avaient raison sur le fait que j'ai perdu connaissance pendant cinq heures dans la forêt, je suis sur que ça ne s'est pas passé et que je suis resté dans les bois cinq minutes. Pourtant... pourquoi quand je suis sorti de la forêt, la nuit allait tomber ? Alors qu'il faisait jour au moment où je suis parti ? Ce n'est pas possible que... oh, je ne sais plus.
Toc.
Je me redresse brusquement. Ce n'est pas à ma porte que l'on vient de frapper, mais à ma fenêtre. Je tends l'oreille, guettant un nouveau bruit. Après plusieurs secondes de silence, je me dis qu'à cause de la fatigue, j'ai dû rêver. Bien décidé à essayer de m'endormir, je m'enfouis sous les draps et ferme les yeux, en tentant de penser à autre chose qu'à...
Toc.
Je retire vivement la couette et saute de mon lit. Là, je suis certain de ne pas avoir imaginé ce coup. J'ouvre mes volets et épie le moindre mouvement. La lune éclaire bien l'orée de la forêt, mais je ne parviens pas à discerner d'où venait le bruit. C'est comme si quelqu'un avait frappé à...
TOC !
Je recule sous l'effet de la surprise. Je viens de me recevoir un caillou en plein sur le front. Je porte la main à mon visage : des petites gouttes de sang coulent sur mes doigts. La voix mêlée de peur et de colère, je crie :
- Qui est là ?!
Pas de réponse, évidemment. Je retente le coup, et cette fois, j'aperçois un mouvement dans les buissons. N'écoutant que mon instinct, je saute par-dessus le rebord de ma fenêtre et cours à travers la silhouette qui s'enfuit dans les bois. Alors que je franchis l'orée de la forêt, mon esprit s'embrouille, je suis pris de nausée. Cette sensation m'est familière, je la reconnais bien : c'est ce que j'ai ressenti tout à l'heure, entre les arbres. Je m'arrête, tentant de reprendre mon souffle, mais je n'y parviens pas et m'évanouit.
Je me réveille, étendu dans un endroit sombre. Seul un rai de lumière - celui de la lune - traverse l'entrée du terrier dans lequel je suis. C'est un grand terrier. Je me demande quel animal pourrait y vivre : il y a assez de place pour trois personnes de ma taille. Je...
- Horace ?
Alerté, je me sursaute et pousse un cri : derrière moi, une personne me fixe. Ma vue est encore brouillée, mais j'essaie tout de même de me concentrer sur ce visage. Quand ma vision devient plus nette, mon coeur fait un bond dans ma poitrine. Cette personne, c'est la fille la plus belle que j'ai jamais vu de toute ma vie. Sa peau est encore plus pâle que la mienne, elle a de grands yeux noirs et de longs cheveux blonds, presque blancs. Son corps maigrelet et fragile nage dans une longue robe légère, très claire. Elle ne porte pas de chaussures, et elle n'en a pas porté depuis longtemps - on le devine rien qu'en regardant ses pieds égratignés.
Je la scrute peut-être avec trop d'importance, car elle lève un sourcil et me demande :
- Que regardes-tu, comme ça ?
Par réflexe, elle croise les bras sur sa poitrine. Gêné, je m'empresse de répondre :
- Que... Quoi ? Non, pas du tout je ne faisais pas attention à... euh...
Je me passe une main sur les yeux, encore moins rassuré - mes joues rouges n'arrangent rien. Heureusement, je me reprends vite :
- Comment connais-tu mon prénom ?
C'est à son tour d'être embarrassée. Après quelques minutes de réflexion, elle se décide :
- J'ai entendu tes parents le dire dans ta maison...
- Mais... tu nous espionnes ? Qui sont tes parents et où habites-tu, en vrai ? C'est toi que j'ai vu l'autre jour, n'est-ce-pas ? Et...
- Horace, calme-toi, m'interrompt-elle. Je vais répondre à tes questions. Déjà, va plus doucement s'il-te-plaît. Bon, sache que je ne vous espionne pas... en tout cas je m'intéresse à vous.
- Je peux savoir pourquoi ? lancé-je d'un ton légèrement agressif.
- Désolée, je ne peux pas te le dire maintenant. Et j'habite dans cette forêt, seule. pour répondre à ton autre question : oui, c'est moi que tu as aperçu la... dernière fois.
Elle regarde ailleurs, comme si elle me cachait quelque chose d'important. Je cherche son regard, mais elle continue de m'éviter.
- Eh, oh. Il y a quelque chose que tu ne me dis pas.
- Horace... si je t'en parle, tu ne me croiras jamais.
Elle n'avait pas tort : même si je ne sais pas de quoi elle parle, depuis l'épisode des cinq-minutes-ou-cinq-heures-passées-dans-la-forêt, je ne sais plus quoi penser. Mais après tout ce que je viens de traverser, je suis au moins prêt à écouter ce qu'elle a à me dire :
- Dis-moi tout. Même si je ne te crois pas, j'aimerais entendre.
Alors qu'elle ouvre la bouche pour répondre, un tic-tac se fait entendre. Elle baisse les yeux sur son avant-bras, sur sa montre. C'est un très bel objet ; un cadran en or décoré de motifs précis et légers, des aiguilles aussi brillantes que des étoiles, tellement brillantes qu'elles en sont presque magique, et un bracelet... non. Non, il n'y a pas de bracelet. L'appareil est ancré dans le poignet de la jeune fille, dans sa peau. Surpris, je recule, légèrement affolé. Je n'ai pas le temps de lui poser de question qu'elle prend la parole :
- Oh non, c'est déjà l'heure... - elle porte son regard vers le mien - Horace, il faut que je te ramène chez toi : tes parents seront morts d'inquiétude.
- Mais non, je ne suis pas parti très longtemps, peut-être une heure. En plus, c'est la nuit : il me suffit de rentrer discrètement dans ma chambre, ni vu ni connu, et...
- Horace, non, non..., soupire t-elle en secouant la tête. Pour ta famille, tu as disparu depuis environ une semaine déjà.
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