Chapitre 9

En arrivant devant Voldemort, Severus entendit une traînée de chuchotements sur son passage. Il les ignora soigneusement tout en avançant vers le centre de la pièce, la tête haute, le visage fermé, vide de toute émotion.

Il était habitué à ce genre de comportement, depuis le temps. Il avait appris à ne plus faire attention, à faire comme s'il était seul et qu'il n'entendait rien. C'était ce qu'il avait subi toute sa vie après tout et il s'en moquait désormais.

Il y avait eu un bref répit, au moment de son entrée au sein des Mangemorts, comme pour ne pas le faire fuir. Quelques semaines où il avait été accueilli à bras ouverts, où il s'était intégré tant bien que mal à ce groupe de sangs-purs fortunés pour la plupart.

Puis les choses étaient revenues comme elles l'avaient toujours été. Il avait été poussé à l'écart des autres, toujours seul, toujours en dehors des conversations et toujours la cible des plaisanteries douteuses. Cependant, personne ne s'en prenait à lui ouvertement, comme à Poudlard.

Voldemort ne le permettrait pas.

Il était l'éternel petit nouveau — alors même que d'autres avaient rejoint leurs rangs —, celui qui avait la marque, mais qui ne risquait jamais sa vie, celui qui n'avait pas à tuer ou à se salir les mains. Il était jalousé pour ce statut particulier, mais il était également méprisé pour son inaction, comme s'il était trop faible pour mettre à mort leurs ennemis. Ses compétences en potions n'impressionnaient personne, mais tant qu'il ne s'agissait que de murmures et de regards noirs, il pouvait s'en accommoder et il s'estimait heureux de son sort.

Il avait conscience que le fond du problème était ailleurs : il était surtout le seul sang-mêlé. Il ne s'était pas étendu sur ses origines, mais Voldemort se plaisait régulièrement à rappeler qu'il était puissant, très puissant, pour un sorcier dont le sang était impur.

Ces remarques attisaient le ressentiment de ses camarades et Severus soupçonnait que le mage noir le faisait volontairement, comme s'il testait sa loyauté ou qu'il testait l'obéissance des autres Mangemorts.

Lorsqu'il était arrivé aux côtés de Lucius Malefoy, Severus avait cru que ce serait son manque d'argent qui serait pointé du doigt. Sur ce point cependant, il n'avait pas à se plaindre. Ses études lui avaient été payées, il était grassement rémunéré pour chaque potion qu'il brassait pour Voldemort ou l'un de ses fidèles, et les ingrédients — même les plus chers — lui étaient fournis, toujours d'une qualité irréprochable.

Rejoindre les Mangemorts avait amélioré ses finances, il devait le reconnaître... La pauvreté dont il avait souffert toute son enfance n'était plus qu'un mauvais souvenir.

Devant le siège où trônait son Maître, Severus sortit de ses pensées et il s'inclina respectueusement, sans jamais lever les yeux vers l'homme. Il tremblait légèrement maintenant que l'excitation était retombée après avoir entendu la prophétie, et il regrettait presque être venu immédiatement, son haleine sentant encore le whisky pur feu.

Il savait que Voldemort n'aimait pas être dévisagé, surtout depuis que son abus de la Magie noire se voyait sur ses traits, le défigurant. L'homme avait probablement été séduisant dans sa jeunesse, mais les sorts noirs avaient abîmé ses traits, comme si la laideur de son âme se reflétait sur son apparence physique. Le changement le plus marquant était ses yeux, autrefois bruns selon la rumeur, désormais d'un carmin brillant et effrayant.

Le mage noir n'aimait pas qu'on le fixe, comme s'il craignait recevoir des remarques sur son apparence ou comme s'il ne voulait pas lire le dégoût dans les yeux de ses interlocuteurs, et il préférait obliger ses disciples à baisser les yeux en signe de soumission. C'était aussi probablement une autre façon d'asseoir sa domination sur eux, de leur rappeler qu'il était leur Maître, et qu'il avait tous les droits sur eux. Ils étaient tous devenus ses esclaves, de leur plein gré.

Le cœur battant, Severus resta immobile, attendant le bon vouloir de son Maître. Les Mangemorts qui oubliaient ces règles simples recevaient des Doloris pour leur rappeler où était leur place — à ses pieds — et en général, personne ne faisait la même erreur deux fois.

Severus préférait être attentif et il faisait en sorte de suivre les règles, de se fondre dans le moule pour éviter une punition désagréable. Il n'avait pas l'amour de la douleur comme certains de ses compagnons et il avait besoin de toutes ses capacités pour brasser efficacement ses potions.

Après un long moment, le mage noir lui fit signe d'avancer, d'un geste impatient, et Severus s'empressa d'obéir, sans prononcer un seul mot. Il savait qu'il devait attendre d'y être invité pour parler et même s'il avait hâte de raconter ce qu'il avait surpris, Severus ne comptait pas briser les règles établies.

Après un long silence presque angoissant, Voldemort soupira, comme s'il regrettait de ne pas avoir pu le punir. Severus n'était pas stupide et il avait compris depuis le temps qu'il était mangemort que Voldemort aimait infliger la souffrance. Qu'il s'agisse de ses ennemis ou de ses alliés.

— Mon cher jeune potionniste... ma nouvelle recrue si prometteuse... Quelle est donc la raison qui te fait accourir ici comme si tu avais les chiens de l'enfer aux trousses ?

Il y eut quelques rires moqueurs derrière lui, mais Severus les ignora, restant parfaitement calme et maître de lui-même. Il se doutait qu'il était la cible de beaucoup de plaisanteries, rappelant son passé où il avait été sans cesse brimé par les Maraudeurs. Il se contenta de répondre, d'une voix posée loin de l'agitation qui le tenaillait.

— Maître. Je suis allé faire un tour du côté de Pré-au-Lard...

Voldemort eut un rire cruel et l'interrompit innocemment, se penchant vers lui pour l'observer avec attention.

— Ancienne nostalgie ?

Le jeune homme resta de glace et continua tranquillement comme s'il n'y avait pas eu d'interruption.

— Je me suis arrêté à la tête de sanglier et je me suis installé pour... pour y boire un verre. Dumbledore est alors entré.

Cette fois, l'intérêt du mage noir sembla piqué puisqu'il se pencha un peu plus en avant, les yeux plissés, soudain pleinement attentif. Son sourire avait disparu pour laisser place à une expression sérieuse, oubliant les plaisanteries moqueuses qu'il avait laissées échapper un peu plus tôt. Un des Mangemorts — un des frères Lestrange, que Severus n'arrivait pas encore à différencier — ricana moqueusement et marmonna.

— Et le vieux est venu boire une pinte avec toi ?

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