Même s'il pensait que ce serait impossible, Severus reprit sa vie, comme si rien n'avait eu lieu.

Son rôle d'espion était resté secret, tout comme son rôle de Mangemort. Le ministère avait décidé de garder ce qui s'était dit à son procès confidentiel, surtout sous l'impulsion de Dumbledore.

Le directeur de Poudlard avait insisté sur la possibilité que Voldemort puisse revenir et le traumatisme de ses exactions était encore suffisamment frais pour convaincre tous ces politiciens de suivre ses décisions.

Lorsqu'il entra dans sa salle de classe à la rentrée des vacances d'Halloween, les élèves ne le regardaient pas différemment. Il était toujours le professeur de potions exigeant et parfois terriblement injuste avec les Gryffondor, le directeur de maison de Serpentard.

Il aurait pu croire que tout ceci n'était qu'un cauchemar. Plus personne ne prononçait le nom du mage noir ou n'évoquait son existence. Les Mangemorts qui avaient été arrêtés et jugés avaient été envoyés à Azkaban où ils tomberaient dans l'oubli. Certains comme Lucius Malefoy s'en étaient sortis d'une pirouette, comptant sur leur fortune et leurs soutiens pour se blanchir.

Severus aurait pu témoigner contre Lucius, mais il avait pensé à son filleul. Lucius n'était peut-être pas un père attentionné, mais le petit Drago ne méritait pas de grandir en étant étiqueté « fils de criminel ». Tout comme Hope.

Il fut invité par les Malefoy pour le Noël suivant puisqu'il était le parrain de Drago. Il s'y rendit avec un peu d'appréhension, c'était la première fois qu'ils se rencontraient depuis la fin de Voldemort.

Narcissa accueillit Severus avec chaleur et elle l'enlaça, un peu plus longtemps que nécessaire, juste assez pour le remercier de ne pas avoir dénoncé Lucius. Visiblement, elle savait qu'il avait été jugé pour la marque sur son bras, mais elle ignorait la façon dont il avait réussi à s'en sortir sans passer par Azkaban.

Lucius était égal à lui-même, imposant et silencieux. Il ignorait les deux enfants qui jouaient ensemble, tête contre tête. Le contraste entre les cheveux noirs de Hope et les cheveux presque blancs de Drago était saisissant, et Severus ne put s'empêcher de sourire en les voyant ensemble.

L'humeur de Lucius s'assombrissait au fil du repas, mais Narcissa ne semblait pas s'en préoccuper. Elle continuait de discuter avec Severus, posant des questions sur Hope, sur ses cours à Poudlard ou même sur ses projets.

Au moment du coucher des enfants, Drago se mit à pleurnicher pour rester avec Hope, appréciant visiblement une petite compagne de son âge. Ce fut le moment où Lucius explosa, claquant sèchement sa canne sur le sol, ses yeux clairs brillant de fureur.

— Hors de question ! Elle est à peine mieux qu'une sang-de-bourbe !

Le silence qui suivit son éclat fut assourdissant alors que Drago fixait son père, effrayé et les yeux écarquillés. Severus gronda de colère, mais ce fut Narcissa qui intervint en premier.

Elle fit un pas vers son époux et le gifla sèchement, les lèvres pincées, deux taches rouges sur ses joues habituellement pâles. Puis, les mains crispées en poings, presque collée à Lucius, elle siffla, sans détourner les yeux.

— Plus jamais, Lucius ! Plus jamais je ne veux entendre ce genre de choses. Ne me pousse pas à bout ou je te jure que je partirai avec Drago et tu ne nous reverras jamais. Ma propre sœur est à Azkaban pour avoir torturé des gens devant leur enfant... Devant un être innocent de l'âge de notre fils ! Je n'hésiterai pas à témoigner pour que tu ailles la rejoindre si tu persistes à suivre ces stupidités !

Severus écarquilla les yeux, avant de prendre les enfants avec lui pour s'éloigner un peu. Aucun des deux petits n'avait besoin d'entendre ce genre de paroles, même s'ils n'en comprenaient pas encore le sens.

Lucius grogna, plissant les yeux, mais la seconde suivante, la baguette de Narcissa était pressée contre sa gorge. Elle semblait implacable, une furie guerrière, et Lucius cessa de lutter. Lorsqu'elle sentit sa reddition, elle ajouta, d'un ton plus mesuré, mais toujours tendue par la colère.

— N'oublie jamais que je suis une Black, Lucius. Je ne suis peut-être pas assoiffée de sang comme ma sœur, mais je suis parfaitement apte à me défendre. Mon fils n'aura jamais à supporter ces élucubrations sur la pureté du sang. Vois où cela mène : la mort, la désolation et la folie !

Lucius dévisagea sa femme longuement, comme s'il la voyait pour la première fois. Pourtant, Severus était certain que ce n'était pas une conversation inédite. Cependant, la détermination de Narcissa sembla payer puisqu'il hocha la tête avec raideur.

— Je serais dans mon bureau.

Il quitta la pièce rapidement, sans un regard en direction de Severus. Lorsqu'il fut parti, les épaules de Narcissa se relâchèrent et elle soupira.

— Désolée pour cette scène.

Severus secoua la tête.

— Non c'est à moi de te remercier d'avoir défendu ma fille. Je sais ce qu'il pense de son ascendance, mais je n'ai pas honte d'elle.

Narcissa plissa le nez, son regard passant sur les enfants, toujours proches l'un de l'autre.

— Il n'y a pas à avoir honte. La folie de ma sœur m'a ouvert les yeux sur la chimère que nous poursuivons. À force de vouloir garder notre sang pur, nous nous affaiblissons. Bellatrix a perdu l'esprit, il m'a fallu des années pour tomber enceinte... Andromeda a été reniée, mais elle n'a pu avoir qu'un seul enfant elle aussi. Mon cher cousin Régulus est mort à cause de ses choix et son frère... a abandonné sa famille. La lignée Black est mourante alors que... que nous voulions par-dessus tout rester purs.

Bien que surpris par son discours, Severus hocha la tête lentement. Après un moment de silence où chacun était plongé dans ses pensées, ils reprirent une conversation prudente. Ils avaient installé Drago et Hope sur un petit matelas dans un coin de la pièce, et ils somnolaient l'un contre l'autre.

Lorsqu'il rentra à Poudlard sans avoir revu Lucius, Severus décida qu'il avait passé un agréable Noël. Il décida également qu'il devrait se méfier de Lucius à l'avenir et surveiller de près son filleul. S'il pouvait éviter à Drago de devenir aussi obtus que son père, il le ferait avec plaisir.