Chapitre 17


Finalement, la satisfaction d'avoir enfin intégré un groupe et d'être reconnu pour ses qualités avait été de courte durée pour Severus.

Il n'avait pas vraiment eu le temps de s'habituer à la sensation, à se détendre et à s'ouvrir aux autres. Il n'avait pas savouré la paix soudaine dans sa vie, pas plus que sa réussite impressionnante à sa Maîtrise de potion. Son succès à ses examens lui semblait dérisoire alors qu'il prenait conscience qu'il avait tout ruiné.

C'était probablement un signe de plus qu'il n'était pas né pour être heureux. Il était fait pour suivre le malheur, pour être repoussé encore et encore, puis finir seul, à ressasser son passé minable.

Habitué à devoir échapper aux coups de son père chez lui et aux mauvais tours des maraudeurs à Poudlard, puis complètement immergé dans sa maîtrise de potions, il n'avait jamais vraiment réfléchi à ses opinions sur la politique du monde magique. Plus exactement, il n'avait pensé qu'à survivre, qu'à terminer la journée en cours sans trop de dégâts et d'être suffisamment en forme pour la journée suivante. Parfois, il échouait et tout son être se tendait vers un seul but : résister. Respirer et se faire minuscule, ne pas se faire remarquer le temps de guérir un peu. Rester en vie. Prouver qu'il avait sa place dans le monde, d'une façon ou d'une autre, même s'il n'y croyait pas lui-même.

Il se moquait bien du sort des nés-moldus ou des exigences des sangs-purs. Il n'appartenait ni à l'un ni à l'autre des deux camps, il avait un pied dans chacun. Sa mère avait perdu toute envie de pratiquer la magie quand il était né. Son père y avait veillé, à coup de poings et de ceinture. Lorsqu'il était né, elle était si soumise qu'elle n'était capable de rien faire sans instructions, même s'occuper d'un enfant.

Severus ne l'avait vu s'animer qu'une fois : lorsqu'il avait eu son premier accident de magie, lorsqu'elle avait compris que son garçon était un sorcier. Elle avait semblé joyeuse et elle avait tout fait pour le cacher à son père. Dès qu'il avait su lire, elle lui avait donné en cachette tous ses livres traitant de magie, pour qu'il découvre ce nouveau monde.

Bien évidemment, Eileen avait été punie pour avoir enfanté un enfant sorcier et lorsque son père avait terminé de la corriger, elle n'était plus qu'une enveloppe vide. Severus s'était accroché à ses livres et y avait trouvé le réconfort, apprenant patiemment, rêvant de devenir puissant et surtout plus fort que son père pour enfin pouvoir se défendre.

Le jeune homme songea brièvement que s'il ne l'avait pas tué, Tobias se serait parfaitement entendu avec Bellatrix. Ils auraient pu parler torture et résistance de l'esprit humain pendant des heures...

Severus avait toujours cherché sa place sans la trouver. C'était probablement pour cette raison qu'il avait suivi Voldemort après Poudlard. Puisqu'il était brillant en potions, extrêmement brillant, le mage noir l'avait accueilli dans ses rangs malgré son père moldu. Il n'avait pas été le bienvenu au début, malgré les apparences. Il avait dû prouver qu'il était fort et puissant, qu'il savait se défendre seul. Il avait dû gagner sa place. Voldemort l'avait imposé comme potionniste attitré de leur camp, puis il l'avait laissé se débrouiller avec ses Mangemorts, probablement pour s'assurer qu'il pouvait faire face à n'importe quelle situation.

Il avait réussi bien sûr. Il avait arraché du respect, mais le prix était bien trop élevé. La vie de Lily était probablement la seule chose au monde qu'il ne pouvait pas sacrifier.

En prenant la marque, Severus s'était retrouvé au milieu de sangs-purs convaincus par les idéologies extrêmes, décidés à obtenir un maximum de privilèges. Ils voulaient diriger le monde magique parce qu'ils se sentaient supérieurs.

Si quelqu'un lui avait posé la question à ce sujet, il aurait haussé les épaules, avec indifférence. Tant qu'il pouvait vivre tranquillement sans être inquiété, n'importe qui pouvait avoir le pouvoir dans le monde magique. Tant qu'il avait de la puissance et sa liberté, Severus ne s'intéressait pas au reste. En contrepartie, il avait appris à vivre sur le qui-vive, à ne jamais faire confiance et à ne jamais tourner le dos à ses « collègues » d'infortune. Il était bien placé pour savoir qu'une trahison était vite arrivée.

Les attaques contre le monde magique le laissaient indifférent : il n'avait pas à y participer après tout et il partait du principe que seuls les imprudents risquaient leurs vies. Lucius avait vaguement évoqué des combats brefs entre des sorciers voulant arrêter Voldemort et les Mangemorts, rien de plus.

Au pire, les cibles des Mangemorts étaient ceux qui avaient regardé les Maraudeurs le torturer encore et encore, sans jamais l'aider. Sans dire un mot, sans faire un geste. Détournant juste le regard. Il faisait désormais la même chose. Il détournait le regard sur leurs souffrances.

Severus, le nez dans ses chaudrons, ne prenait pas la peine de se renseigner ou de lire la Gazette. Rien de tout ça ne le concernait.

Il avait fallu que Lily soit en danger à cause de lui pour qu'il ouvre les yeux. Pour qu'il se rende soudain compte de la situation et des erreurs qu'il avait commises.

Même s'il ne croyait pas au bien et au mal, il ne pouvait pas accepter que sa douce amie soit visée et qu'il ne puisse rien faire pour la protéger. Il aurait pu tout faire pour gagner ce droit, mais Voldemort le lui avait refusé, le punissant de s'inquiéter pour la seule personne au monde à lui avoir offert de l'affection.

Bien sûr, il aurait aimé pouvoir plaider qu'il avait été trompé et qu'il ne savait pas... Cependant, ce serait mentir. La réalité était qu'il n'avait pas voulu savoir. Il n'avait pas cherché d'informations avant de rejoindre Voldemort, comme toute personne sensée le ferait.

Il avait juste plongé à pieds joints, les yeux fermés, sans se préoccuper du prix qu'il aurait à payer ensuite.

Il était avide de vengeance, il voulait voir le sang couler. Il avait tendu son bras parce que Voldemort était l'ennemi de Dumbledore et de sa petite armée de Gryffondor. Parce qu'il voulait obtenir un peu de reconnaissance, être autre chose qu'un souffre-douleur.

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