Chapitre 13
Après avoir longuement pleuré, en silence, Severus était resté effondré sur le sol de sa maison d'enfance, le regard perdu dans le vide, immobile. Hagard.
Même s'il semblait inerte, son esprit tournait à plein régime, alors qu'il cherchait une solution, une façon de protéger Lily, de la sauver.
Elle l'avait peut-être rayé de sa vie, elle avait peut-être épousé James Potter et fait un enfant avec lui, mais il continuait de l'aimer, probablement plus qu'autrefois encore. Il ne pouvait pas juste l'ignorer ou prétendre qu'elle ne risquait rien. Il ne pouvait pas juste détourner le regard en se convainquant qu'elle allait bien, alors qu'il avait placé une cible géante sur son bébé...
Severus était prêt à offrir sa vie pour l'aider et pour réparer ses erreurs. Bien ou mal, lumière ou ténèbres, il était prêt à tout pourvu que Lily ne soit plus en danger.
Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, des années plus tôt, dans ce parc minable de l'impasse du Tisseur, Severus s'était juré qu'il donnerait tout pour cette fille rousse, la première à lui témoigner de l'attention et de l'amitié. Il l'avait peut-être perdue quelques années plus tôt, mais il n'avait jamais pu l'oublier, sa petite fée rousse, malgré tout ce qu'il avait pu prétendre.
Il ne pouvait pas imaginer vivre dans un monde où elle ne serait plus.
Severus avait toujours eu un esprit méthodique, organisé. Après s'être calmé, il retourna le problème dans tous les sens, inlassablement, cherchant ce qu'il pourrait faire, et finalement, une seule solution s'imposa à lui. Le jeune homme grimaça, amer, conscient que ce serait probablement la première décision détestable d'une longue série qu'il devrait supporter, à cause de ses erreurs.
Dumbledore.
Il n'aimait pas le directeur de Poudlard, loin de là, pas après qu'il l'ait sacrifié pour privilégier ses chers Gryffondor. Jamais les maraudeurs n'avaient eu la moindre punition pour avoir fait de sa scolarité un enfer. Jamais le vieil homme n'avait tendu la main vers un Serpentard, préférant les voir tous comme des causes perdues, préférant à la place élever son ancienne maison sur un piédestal. C'était ce vieux fou qui répétait encore et encore que les rouge et or étaient la maison du courage, fermant les yeux sur leurs défauts. Il ne se rendait même pas compte qu'il poussait nombre de Serpentard vers Voldemort par son comportement — à moins qu'il n'en soit conscient et agisse de cette façon pour prouver que tous les Serpentard étaient réellement destinés à rejoindre les ténèbres.
Dumbledore l'avait toujours regardé comme s'il était un criminel en devenir et ne lui avait jamais laissé le bénéfice du doute. Au contraire, alors qu'il était la victime, c'était lui qui était le plus souvent envoyé en retenue ou la cible des sermons et reproches, comme s'il était celui qui initiait les bagarres ou comme s'il faisait exprès d'être la cible des plaisanteries cruelles des Maraudeurs. Il avait vite compris la leçon et il ne se plaignait même plus, se contentant d'attaquer en réponse. Severus préférait après tout être mis en retenue pour avoir riposté plutôt que pour avoir été humilié...
Il ne comptait pas pardonner le directeur de Poudlard pour ça, mais il aurait besoin de lui pour protéger Lily. Sa scolarité désastreuse lui semblait insignifiante en comparaison de la vie de celle qui avait été son amie.
Sa seule amie.
Severus pensa que s'il offrait quelque chose en contrepartie au directeur de Poudlard, le vieil homme se plierait à son unique exigence. Après tout, les Potter étaient proches de lui, il ne devrait pas faire trop de difficultés à accepter de protéger Lily et sa famille... Il se doutait bien que l'insupportable James Potter et leur mouflet seraient compris dans le lot, mais c'était probablement le prix à supporter pour aider son amie.
C'était probablement l'ironie monstrueuse du destin que de devoir payer ainsi la dette de vie qu'il avait envers James Potter, après que celui-ci l'ait sauvé d'une plaisanterie des Maraudeurs qui avait mal tourné.
Évoquer cette dette suffit à faire naître la chair de poule sur son corps, alors qu'il se souvenait de cette nuit, quelques années plus tôt, lorsqu'il s'était retrouvé face au terrible secret de Rémus Lupin. Severus n'avait jamais pu oublier le regard sanguinaire du loup-garou sur lui, son grondement bas, ses muscles se tendant pour bondir sur lui. Puis, Potter était arrivé, affolé et l'avait attiré à sa suite, le bousculant en direction de Poudlard avant de prendre sa forme animagus — un immense cerf — pour distraire le monstre.
Severus avait détesté être redevable vis-à-vis de ce prétentieux pour l'avoir secouru. C'était Black qui l'avait envoyé dans les bras du loup-garou, volontairement. Non seulement il se retrouvait lié par une dette de vie à James Potter, mais en plus Dumbledore l'avait sévèrement réprimandé pour avoir bravé le couvre-feu et lui avait donné des retenues alors qu'il tremblait encore, terrorisé.
Le jeune homme avait mis des années à ne plus faire de cauchemars au sujet de cette nuit terrible, alimentant sa haine envers les Mauraudeurs.
Severus ferma les yeux, empli d'amertume. Dumbledore allait adorer avoir un allié au cœur des Mangemorts. Ce n'était un secret pour personne que le directeur de Poudlard avait pour objectif de stopper l'avancée du mage noir, par n'importe quel moyen. Aucun sacrifice n'était trop grand pour son plus grand bien, surtout lorsqu'il s'agissait des autres.
En offrant ses services, Severus mettrait sa propre vie en danger, il en était parfaitement conscient. S'il était pris, il serait torturé jusqu'à la folie.
Ou tué dans le meilleur des cas — être tué rapidement serait de la miséricorde compte tenu de la personnalité du seigneur des ténèbres.
Cependant, il n'avait plus rien qui le retenait dans ce monde et la mort ne l'effrayait pas. Il était seul comme toujours, orphelin et il n'avait pas le moindre ami proche. Personne ne le pleurerait et cette idée ne le gênait pas autant qu'elle le devrait.
À l'instant où Severus rencontrerait Dumbledore, les Mangemorts deviendraient ses ennemis mortels.
Il savait déjà que le camp de la lumière ne lui ferait jamais confiance à cause de la marque qu'il portait sur son bras et il savait qu'il serait éternellement un paria dans le monde magique.
Son destin était scellé.
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