Le jour était levé depuis un long moment déjà. Ses chauds rayons illuminaient d'or fauve les feuilles écarlates des arbres. Les créatures de la forêt vaquaient à leurs paisibles occupations alors que les volatiles du ciel sifflotaient dans les branches. 

Quelques fleurs tardives s'étaient ouvertes délicatement aux premières clartés et la plupart des elfes, matinaux, s'étaient levés tôt pour commencer leur journée. Qui, aux cuisines, qui à la forge, qui aux jardins.. 

Thranduil, lui, avait dû s'extirper de son lit difficilement pour rejoindre ses conseillers. Pour une fois, il aurait bien aimé dormir davantage. Cela faisait presque un siècle qu'il n'avait pas aussi bien dormi. 

D'un pas mesuré, il s'était dirigé vers la salle du conseil et y avait pris place, parcourait rapidement du regard les premiers dossiers de la journée. Déjà, quelques directives avaient été mises en place pour organiser le départ du peuple pour les Havres Gris. La préparations des vivres et du matériel nécessaire avait déjà débuté. 

Avec un soupir, Thranduil s'était appuyé sur son dossier de fauteuil. 

— Nous nous retrouverons bientôt.. Melda heri. 

Au moment où il achevait ces mots, les conseillers étaient entrés et le souverain d'Eryn Lasgalen avait bien vite commencé son travail avec application. 

Vers le milieu du jour, quand l'astre diurne eut atteint son zénith, la salle du conseil fut enfin désertée par tous à l'exception du roi. 

Des coups discrets se firent entendre à la porte.

— Puis-je entrer Mellon nin ? Demanda une voix que Thranduil reconnut dans l'instant.

— Bien sûr, entrez !

Elrond poussa la porte et entra dans la pièce, refermant le battant derrière lui. 

— Pan mae, Mellon ? Demanda l'elfe brun. (Comment vas-tu, Ami?)

— Mae, Elrond, im veren le gevedi. (Bien, Elrond, je suis heureux.)

Le sage d'Imladris lui répondit qu'il l'était aussi puis ils marchèrent côte à côte un moment avant d'aborder le sujet du départ des elfes pour Valinor.

— Legolas m'a avoué qu'il voulait voyager dans tout Arda avant de partir. Dit Thranduil à Elrond.

— Je m'en doutais. 

— Pourquoi donc ? 

Elrond regarda par la fenêtre et murmura :

— Elenwë et Arwen sont très proches. Sans nul doute qu'elles souhaitent se voir autant que possible avant.. Et puis.. J'ai entendu dire que Legolas et Elenwë ont promis de rester le temps du règne d'Aragorn en Gondor. En revanche, je doute qu'ils veuillent rester jusqu'à assister à leur mort. 

Thranduil sentit la tristesse d'Elrond et lui serra affectueusement le bras. Les mots ne seraient d'aucune utilité pour apaiser sa peine alors le roi Sinda préféra changer de sujet de conversation. 

— Elrond.. N'auriez-vous pas vu nos deux jeunes époux ce matin ? 

L'elfe brun pencha légèrement la tête sur le côté. 

— Non je ne les ai guère aperçu.. Sûrement sont-ils encore endormis.. Leur nuit n'a pas du être très longue. 

Thranduil sourit à Elrond qui sourit en retour. 

— J'ai hâte de voir à quoi ressemblera le mélange de ces deux-là. 

Ils extrapolèrent un moment autour d'une discussion des plus futiles qui leur remonta le moral. 

***

En effet, bien que l'heure du déjeuner soit largement passée, les deux époux dormaient encore. Leur chambre, vaste et richement meublée. Les rayons du soleil pénétraient dans la pièce par l'immense porte vitrée qui donnait sur un balcon. 

Elenwë, encore profondément plongée dans le sommeil, était blottie dans les bras de Legolas qui papillonna des paupières avant que son regard ne redevienne net. Il tourna sa tête sur le côté et sourit en voyant son épouse dormir encore. Elle était si belle, rayonnante d'une joie profonde. Ses longs cheveux blanc-argent étaient un peu en bataille et ses yeux gris étaient encore ternes, preuve évidente de la profondeur de son sommeil.

Il porta timidement la main à sa joue et la caressa avec douceur. Malgré les quelques cicatrices qui étaient présentes sur son corps, il la trouvait sublime. Et mieux que ça. Chaque trace de blessure lui rappela à quel point il avait de la chance qu'elle soit sienne aujourd'hui et à quel point il ferait tout pour ne jamais la perdre. 

Le regard d'Elenwë s'éclaircit et se clarifia et Legolas la serra contre lui pour l'embrasser. 

— Suilad, Melleth nin, murmura t-il en souriant. (Bonjour, mon amour)

 Elenwë lui sourit largement en retour et chuchota doucement :

— Legolas.. 

Elle était heureuse de se réveiller et de se souvenir que rien de tout ce qu'il s'était produit n'était un rêve. Rien. Tout avait été réel. Legolas l'aimait, tout comme elle l'aimait en retour et leur passion de cette nuit avait bien montré tant à l'un qu'à l'autre, la force de leur amour. 

Legolas décerna dans les pupilles de son épouse une pure lueur de bonheur et tendit lentement sa main, venant la déposer sur son ventre. Il caressa légèrement sa peau et elle frémit avant de rire doucement. 

— Ayiii, Legolas.. Tu as les doigts froids ! Gémit-elle en se tortillant. 

Il sourit en coin et chatouilla son ventre de son autre main. Elenwë finit par le supplier d'arrêter et il l'embrassa et la regarda avant de déclarer :

—  Melin ceni hin lîn síla i 'eladhach (J'aime voir briller tes yeux quand tu ris)

L'elleth rougit légèrement et se redressa en disant :

— Nous devrions nous lever à présent non ? Dit-elle changeant subtilement de sujet de conversation. As-tu une idée de l'heure, melleth ?

— Hum.., fit Legolas en s'étirant sous les draps, je dirais qu'il doit être un peu plus tard que midi.. 

L'elfine eut l'air stupéfait. 

— Ohlala.. Je ne me suis jamais levée aussi tard de toute ma vie.. 

Elle sortit du lit, se couvrit d'un peignoir pour cacher sa nudité et se dirigea vers la salle d'eau, refermant la porte. 

Legolas se leva aussi et se dirigea vers la porte qui venait de se fermer. 

— Elenwë.. Chuchota t-il. Puis-je venir ? 

— Non ! Déclara t-elle, en vengeance pour les chatouilles.

Le prince sylvestre poussa son meilleur soupir et murmura à la porte. 

— Melleth nin.. S'il te plaît ? 

Elenwë finit par céder et tous deux se préparèrent avant de s'habiller pour la journée.  

Quand les deux époux daignèrent enfin sortir de leurs appartements, Legolas prit doucement la main de son épouse dans la sienne avant de lui murmurer qu'il était plus heureux que jamais. 

Ce à quoi l'elleth répondit qu'elle était également très heureuse. 

Le jeune couple marchait tranquillement, une aura de joie pure semblait les entourer. Ils se promenèrent longuement dans les jardins puis dans la forêt avant de revenir vers les cavernes pour l'heure du dîner. Ils y retrouvèrent avec joie leurs amis et leur famille. Les invités étaient partis dans la journée, laissant au couples quelques cadeaux d'adieux. Faramir, Eowyn et la plupart des elfes s'étaient retirés dans leur demeure. 

Seuls restaient Elrond et ses fils, Aragorn et Arwen. 

Le dîner, rassemblant les personnes citées au dessus, ainsi que le jeune couple, Gimli et Thranduil, se passa dans un calme relatif.

Ils discutèrent de leurs projets pour les jours à venir. Il s'avéra que le roi et la reine du Gondor allaient dès l'aube retourner à Minas Tirith, et qu'Elrond et ses fils partiraient également aux premières lueurs pour rejoindre Imladris. 

— C'est donc ici notre dernière soirée tous ensemble ? Dit soudain Gimli. 

— Pourquoi dites-vous cela ? Demanda Elrohir. 

Le nain sourit un peu tristement en disant :

— Le Seigneur Elrond et les derniers elfes d'Imladris ne tarderont pas à partir pour les Havres.. Le roi Thranduil fera rapidement de même tandis qu'Aragorn retourne régner en son pays. Legolas, Elenwë et moi allons parcourir la Terre du Milieu.. Cela nous révèle que nous n'aurons plus d'autres occasion de nous voir tous ensemble. 

Arwen baissa les yeux vers ses pieds et Elenwë vit Aragorn passer un bras autour de sa taille tendrement. 

— Cela est vrai, dit alors Thranduil. Ne gâchons pas cette soirée en ayant ainsi de tristes pensées. 

Lorsque quelques heures plus tard les convives se séparèrent, ils comprirent tous à quel point Gimli avait raison. Tout ce passa comme ils l'avaient annoncé. 

Thranduil hâta les préparatifs de départ et envoya les premiers convois d'elfes vers la mer. 

Elrond envoya également tous les elfes de Fondcombe ainsi que ses fils qui prirent l'un des premiers bateaux. 

Eomer, Faramir et Eowyn moururent, laissant derrière eux quelques enfants déjà adultes ou parents, qui volaient de leurs propres ailes. Et sur le tertre qui accueillait la dépouille d'Eomer, les éternelles simbelmynë poussèrent en grand nombre, tout comme sur le tertre de Théoden et de Théodred. 

Aragorn et Arwen ne tardèrent pas à accueillir leur enfant et bien sûr, Elrond s'y rendit pour connaître son premier petit fils. 

Mais peu à peu, l'âge prit le couple souverain du Gondor et Elrond rejoignit les Havres, accompagnés de Galadriel et Celeborn. 

À présent, ne restaient en Arda que quelques elfes sylvestres. 

C'est à cette période là qu'atterrit à Eryn Lasgalen une jeune femme Aélis, qui vola en peu de temps le cœur et l'affection du roi. Elle s'avéra assez vite être en réalité une elfe qui prit la route vers les Havres avec eux.

Mais hélas pour Thranduil, il fallut qu'il attende d'avoir atteint Valinor, de s'être séparé d'Aélis, que cette dernière se fut suicidée pour qu'il comprenne enfin qu'elle n'était autre qu'Evranï, réincarnée qui lui était revenue. Quand les Valars la ramenèrent une ultime fois, il la reconnut tout à fait et son bonheur fut alors presque complet. 

Legolas et Elenwë, accompagnés de Gimli, vécurent encore quelques années en Arda, visitant les splendeurs de cette Terre avant de la quitter définitivement. Quand la fin d'Aragorn et d'Arwen arriva, les trois amis allèrent leur faire leur adieux avant de rejoindre les havres gris. Ils embarquèrent alors tous trois sur le dernier bateau qui quittait la Terre du Milieu, croisant de peu, sans le vouloir, une jeune elfe oubliée, Earwen. 

Alors qu'au loin, le rivage de la Terre du milieu disparaissait, Legolas vint enrouler son bras autour de la taille de son épouse en embrassant son front. 

— Voilà un siècle écoulé depuis cette fameuse dernière soirée en Eryn Lasgalen.. Nous allons enfin retrouver les nôtres.

Gimli avait souri en disant :

— Mouais.. Heureusement que je retrouverais là bas Frodon et Bilbon sinon je me sentirais seul.. 

Elenwë regarda avec nostalgie la Terre qui verrait la mort d'Arwen et d'Aragorn disparaître à l'horizon.