Chapitre 4 - Marion
Je suis tirée de mon sommeil par une mère peu soucieuse de mon bien-être qui m'arrache mes couvertures sans plus de cérémonie.
- Hé ! protesté-je en essayant vainement de récupérer mon bien.
Evidemment, avec des muscles endormis et des idées encore embrumées par mes rêves - une histoire de biche - je n'ai aucune chance et je retombe bien vite sur mes oreillers, sans parvenir à ramener ma couette sur ne serait-ce que le bout de mes pauvres petits pieds désormais exposés à la fraîcheur matinale.
Je grogne. Et puis me rappelle que les vacances sont terminées depuis hier et je saute de mon lit. Quand j'entends les sonnettes de mes quatre amis, je suis fin prête et je claque violemment la porte derrière moi après avoir balancé mon sac sur mon épaule et crié "J'y vais !" le plus fort possible. Luna a pensé à son vélo et Camille me sourit pendant que j'enfourche le mien avec entrain, heureuse (comme toujours) de la - de les retrouver. Mes amis sont... décidément bien trop géniaux pour que je trouve un moyen de les décrire.
Camille me dépasse, débordant de joie comme à son habitude, ses courtes mèches brunes tantôt balayées par un coup de vent, tantôt rabattues sur son front par un autre.
Mon regard croise celui de Dan et j'ai l'impression qu'il me fixe depuis déjà quelques instants. Pourquoi est-ce que ça me met si mal à l'aise ? Sans doute parce qu'il sait. Je lui fais assez confiance pour me douter qu'il n'en a parlé à personne, mais ça n'en est pas moins gênant pour autant.
Arrête de me regarder comme ça tout de suite ! je gronde intérieurement.
Ça m'étonnerait qu'il ait saisi le message, mais il détourne néanmoins les yeux, juste à temps pour prendre un virage particulièrement serré.
La matinée passe, puis c'est la pause. Pour avoir une place au CDI, nous nous dépêchons et dès l'instant où la cloche sonne, nous nous précipitons vers cet endroit merveilleux où se situent les objets les plus susceptibles de nous aider à résoudre "Le Mystère du Pendentif de Bronze qui brillait dans le noir" (c'est Vic qui a inventé cette formule et il a passé trois heures à s'en vanter) : les ordinateurs. Et accessoirement, les livres, même si je ne pense pas que nous y trouvions quoi que ce soit.
Après être entré dans la bibliothèque du collège "en bravant bien des dangers au péril de nos vies" - comme s'évertue à le faire remarquer Vic, ce qui fait soupirer tout le monde - on décide de se séparer en deux groupes. Luna et Vic se désignent immédiatement pour les recherches dans les livres, et je reste donc avec Camille et Dan pour les recherches informatiques.
- Vous savez quoi ? lance soudain ce dernier. Je vais aller les aider. On avancera plus vite et puis, vous n'avez pas besoin de moi pour taper "pierre qui brille dans le noir" sur Internet.
Il accompagne sa déclaration d'un regard appuyé dans ma direction. Bon sang, mais il ne peut pas être plus discret ? Me promettant de l'étrangler très prochainement, je jette un coup d'œil à Camille tout en espérant qu'elle n'ait rien remarqué. Mais tout ce que je décèle dans son regard, c'est un air déçu alors qu'elle observe Dan s'éloigner dans les rayonnages. Mon cœur se serre.
Bien sûr, j'avais déjà remarqué qu'elle rougit en sa présence, qu'elle lui sourit toujours un peu plus à lui. C'est à cause de Dan que je ne peux rien espérer de Camille et pourtant il est le seul à qui je me sois confiée - pas par choix, mais je ne peux plus revenir en arrière, maintenant.
On s'installe toute les deux devant un ordinateur et on commence les recherches. En une demi-heure, j'ai déjà tapé une trentaine de mots-clés différents, cliqué sur trois fois plus de liens et lu une centaine d'articles, sans succès. J'ai pris quelques notes par-ci par-là, mais rien de très intéressant.
C'est très contrariant de chercher dans le vide, mais ça ne fait que renforcer ma détermination.
- Alors ? lance soudain la voix de Luna dans notre dos.
- Rien, zéro... je réponds avec exaspération.
- Nothing, nada, appuie Camille. Mais toi, tu ne devrais pas chercher avec les autres ?
- Si, mais j'avais oublié que j'avais ramené les notes de mes parents. Du coup, je viens les lire à votre table. Il y aura certainement quelque chose sur le sujet, ça m'étonnerai qu'ils n'aient jamais remarqué que la pierre brillait dans le noir sans raison apparente.
- C'est vrai, j'approuve distraitement en me replongeant dans un énième document.
Au bout de quelques minutes, je suis de nouveau déconcentrée par une exclamation de Luna.
- Qu'est-ce qu'il y a, demande Camille.
- C'est écrit en grec ancien...
- Et c'est si surprenant ? demande Camille. Ta mère était historienne, non ?
- Mais ce sont les notes de mon père, et lui était chercheur !
Je reste un instant perplexe.
- Peut-être, j'avance prudemment, que ce sont juste des symboles, comme dans les équations...
Mon amie secoue la tête.
- Il y a trois pages écrites rien qu'en grec !
- Tu comptes traduire ça ? s'enquiers Camille. Tu t'y connais un peu en grec, non ?
- Pas assez pour déchiffrer ces trois pages, objecte-t-elle avec une pointe de regret.
- Mais tu peux emprunter un dico, fais-je remarquer. On est au CDI !
Le visage de Luna s'éclaire.
- Ça c'est une bonne idée !
Aussitôt, elle se lève et revient en un temps record avec trois gros pavés. Comme nos recherches, à Camille et moi n'ont pas abouti à quoi que ce soit, nous décidons d'aider notre amie, c'est à dire que je me plonge dans les pages de rapport restantes et que Camille tape des mots sur google traduction.
J'essaie de me concentrer mais avec trois pages manquantes, je ne comprends pas grand-chose. De leur côté, les filles ne sont pas plus avancées : après avoir recopié deux phrases avec l'alphabet français, elles s'aperçoivent que les mots n'existent pas. Apparemment, en plus d'être écrites dans une langue archaïque, les notes sont codées.
Quand la cloche sonne à la fin de l'heure, les garçons nous rejoignent et nous annoncent - sans surprise - qu'ils n'ont rien trouvé.
- Et vous ? demande Vic.
- Rien sur Internet, lui répond sa sœur.
- Rien dans les notes de Richard compréhensibles, je continue, agacée.
- Et les pages de grec ancien sont codées, complète Luna.
Dan soupire, dépité.
- Super...
- En fait, c'est vrai que c'est plutôt bon signe.
Tout le monde se retourne avec stupéfaction vers Camille.
- Comme c'est codé, tout le monde ne peut pas le déchiffrer, explique-t-elle.
- Continue...
- Donc c'est qu'il y est question de choses secrètes, voir mystérieuses, comme par exemple une petite pierre qui émet de la lumière !
- Mais ça ne nous dit pas comment décoder ces notes, je ronchonne.
- Arrête d'être aussi pessimiste, me gronde gentiment Camille.
Je ne réponds rien, beaucoup plus touchée par sa remarque que je ne devrais l'être. Me voit-elle vraiment comme quelqu'un qui se plaint tout le temps pour toutes les raisons possibles et imaginables ? Je suis vraiment nulle.
Quand je redresse la tête, je croise encore le regard indéchiffrable de Dan. Décidément, il faut que j'ai une petite discussion avec lui...
Mais la journée se termine sans que j'aie l'occasion de l'aborder en tête à tête et je me retrouve quelques heures plus tard dans ma salle de bain à me préparer pour la nuit. Je repose ma brosse à dent avec un soupir et observe mon reflet dans le miroir. Comme tout les soirs, ma peau sombre a quelques boutons, on ne distingue pas mes pupilles du noir de mes yeux, mes joues sont trop rondes et mes tresses fluo pèsent lourd sur ma tête.
J'inspire un bon coup et passe mon visage sous l'eau froide du lavabo. Les secondes passent sans que j'entende autre chose que le ruissellement de l'eau sur mes joues. L'espace d'un instant, j'envisage de ne pas me redresser et de rester dans cette position, jusqu'à ce que le manque d'air et l'instinct de survie prennent le dessus. Quand je m'essuie le visage, j'ai les yeux gonflés comme si j'avais pleuré.
Je me blottis sous mes couvertures après avoir rapidement préparé mon sac mais je tarde à m'endormir. Le regard déçu de Camille quand Dan s'est éloigné me hante, se superposant à son rire, ses coups d'œil et ses joues rougissantes... Autant d'attentions qui ne me sont pas destinées. Et par dessus, sa voix qui répète, de plus en plus sévèrement : Arrête d'être aussi pessimiste !
J'enfouis ma tête dans mes mains. Je me déteste, autant que je déteste Dan d'être aussi gentil. Si seulement je pouvais déchaîner toute ma rage contre lui ! Ce serait tellement plus simple... mais c'est impossible, j'en suis incapable.
Les épaules secouées de sanglots, je bourre mon oreiller de coups de poings, déversant toute ma colère et mon amertume dans ce pauvre coussin humide de larmes.
Je finis par sombrer dans les ténèbres d'un sommeil agité. Les images, sons et couleurs s'enchaînent si vite dans mon esprit que je n'ai pas le temps de comprendre le moindre petit élément de ce tourbillon infernal.
Je me réveille en sursaut et sans que je puisse l'expliquer, une image s'impose à moi, celle d'une biche argentée qui me fixe impatiemment dans une clairière. Je l'ai déjà vue... Je cligne des yeux et la vision s'estompe. J'appuie sur mon réveil ; il est trois heures du matin. Pestant contre ce qui m'a tiré de mes rêves kaléidoscopiques, je me retourne et me rendors presque aussitôt.
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