Chapitre 18 - Marion

Ça fait bien dix minutes que Camille et Dan discutent à l'écart et je n'en peux plus. Ça me ronge de l'intérieur, je ne devrais pas être jalouse, je sais bien que Dan l'a rejetée mais elle l'aime encore et ça me fait si mal. En plus de ça je m'en veux, j'ai bien vu qu'elle contemplait l'eau avec terreur tout à l'heure mais je n'ai pas pu être avec elle assez vite. À la place, c'est Dan qui est arrivé et ça m'énerve tellement.

Je n'arrive pas à savoir si à lui je lui en veux. Je n'étais pas là au bon moment, lui si... J'essaie de me raisonner, au moins elle n'est pas seule avec sa peur, je devrais être contente.

À la place je dois faire mine de rien et m'amuser avec Vic et Luna avant que nous ne retournions tous avec Camille et Dan. Je ne peux pas m'empêcher de leur jeter des coups d'œil, je les vois rire et je me force à sourire alors que je voudrais pleurer.

- C'est quoi cette marque autour de ton cou ? demande soudain Vic à Luna.

En effet je n'osais pas le lui demander. Je ne l'avais pas remarquée avant à cause de ses T-shirts, mais son maillot de bain laisse exposée une longue trace rougeâtre, comme si sa peau était irritée.

- Oh ça ! Ce doit être à cause du pendentif je suppose... parfois, quand il fait de la lumière, la chaîne à laquelle je l'ai passé chauffe...

- Tu veux dire qu'il chauffe en plus de faire de la lumière ?

- Euh, non, juste la chaînette...

Nous échangeons un regard inquiet avec Vic. Cette affaire est de plus en plus bizarre.

- Et tu ne t'es jamais dit qu'il vaudrait mieux l'enlever ?

- J'aime pas l'enlever, c'est désagréable, c'est comme... un sentiment d'insécurité.

Nouvel échange de regard.

- Viens Luna on va rejoindre les autres, décide Vic. On a des chose à te raconter.

Je retiens un soupire de soulagement. Enfin ! Si j'avais su qu'il suffisait de lancer la discussion sur les brûlures de Luna... Je m'admoneste une claque mentale. C'est pas le moment, c'est grave ce qui se passe.

Nous nous installons à l'ombre à côté d'eux et je cherche le regard de Dan. Il me rassure d'un micro hochement de tête. « Il ne s'est rien passé ne t'en fais pas ». Je déteste devoir me reposer autant sur lui.

- Vous pensez que le pendentif est dangereux ? réagit brusquement Luna lorsque nous lui expliquons nos déductions.

- C'est ce qu'il semblerait. En tout cas il faut s'en méfier.

- Mais enfin ça n'a aucun sens ! C'est grâce à lui qu'on s'en est tiré la dernière fois !

- Enfin, Lu', Marion et toi vous vous êtes évanouies à cause de lui !

- On n'est pas sûrs que ce soit à cause du pendentif ! Ça ne m'était jamais arrivé !

- C'est après l'avoir touché que j'ai été plongée dans des cauchemars, relevé-je.

En un éclair je les revois.

La forêt.

Le temple.

La statue.

Qui n'en est pas une.

Sa main géante qui se rapproche... Comme une immense serre de rapace.

Je secoue la tête pour chasser ces images. Luna ne me paraît pas dans son état normal, elle est affolée, presque angoissée. J'ai l'impression qu'elle refuse de voir le danger que représente cet objet. Et c'est peut-être ce qui m'inquiète le plus.

- Comment vous pouvez dire ça ? s'énerve-t-elle. C'est un lien vers Artémis, c'est sûr, elle nous a aidé parce que je le portais, et on a pu sauver Dan ! Parfois quand je m'endors, j'entends une voix rassurante et...

- Et c'est sans doute à cause de ce lien avec Artémis que tu fais des rêves pires que les nôtres, objecte Dan. J'ai bien réfléchi et ça fait sens : c'est depuis que tu le portes que tu ne veux plus dormir.

- Mais NON ! proteste Luna. Tu n'as RIEN compris. Il me protège !

- De quoi exactement ? demande Camille, perplexe.

- De rêves encore pires ! Je le sais !

- Et ta brûlure alors ? attaque à son tour Vic. Tu ne vas pas dire que c'est normal, ça !

- Le pendentif ne brûle pas ! crie-t-elle. C'est la chaîne !

- C'est justement super bizarre. On sait en quel matériau il est fait, ce pendentif ?

Personne ne répond, parce qu'il n'y a rien à répondre. Bien évidemment qu'on ne sait pas. On ne s'était même pas posé la question. Luna nous fixe tous, elle à l'air au bord des larmes, il faut absolument faire quelque chose elle semble d'avoir perdu toute logique !

- Dites... supplie-t-elle. Vous n'allez pas me l'enlever, hein ?

- Ce serait plus prudent, interviens-je et les autres acquiescent.

Un éclair de rage passe dans ses yeux et elle se précipite vers moi en hurlant.

- NON !

- Luna ! crie Camille.

Par réflexe, je tends les bras devant moi pour prévenir la collision mais c'est inutile : Dan a ceinturé Luna et il la tient fermement par derrière pour l'empêcher d'avancer. Elle se débat et se tord dans tous les sens mais il tient bon.

- EH OH ! la secoue-t-il. T'as fini ? Réveille toi, Lu', c'est Marion !

J'y crois pas elle a failli me sauter dessus. Que m'aurait-elle fait, alors ? Est-ce qu'elle m'aurait frappée ?

- Lâche moi Dan, grogne-t-elle.

- Pas tant que tu ne te calmes pas.

- Lâche moi ! Tu entends ?! Lâche moi !

Dan fait abstraction de ses protestations et annonce :

- Je propose qu'on mette le médaillon dans une valise fermée à clef pendant deux jours. Si Luna ne fait plus de cauchemars et qu'elle sort de cet état d'hystérie, ça prouvera qu'il a à voir avec tout ça, et on pourra peut-être réfléchir à autre chose.

- Je suis ok avec cette idée, annoncé-je à peu près en même temps que les jumeaux qui acceptent aussi.

- Mais vous ne comprenez pas, geint Luna. Et si on tombe à nouveau sur des monstres, hein ?

- Bon... c'est pas tout à fait faux, admet Camille.

- Dans ce cas, faudrait le garder avec nous, suggéré-je. Mais limiter les contacts, le laisser dans une poche ou un sac par exemple, et changer régulièrement de personne qui s'en occupe.

- En tout cas, Luna ne doit plus l'approcher pendant deux jours, histoire qu'on voit ce que ça change, précise Vic.

- Non ! hurle-t-elle. C'est dangereux, votre idée est dangereuse on ne s'en sortira pas !

Elle repart dans son délire, le regard vide, et tente d'échapper au contrôle de Dan mais il resserre aussitôt son emprise.

- Eh, Luna ! l'appelle-t-il. Luna ! Tu te rends compte de l'état dans lequel tu es ? Merde, Luna ! N'importe qui se rendrait compte qu'il y a un truc qui cloche !

- Je vais parfaitement bien, gronde-t-elle en lui donnant un brusque coup de coude dans l'estomac, à l'endroit où il a encore des traces de sa blessure.

Il encaisse avec un grognement de protestation.

- Maintenant lâche-moi, ordonne Luna, et il obéit d'un air hébété.

Elle nous tourne le dos et s'éloigne d'un pas chancelant sur le sentier qui part de la crique, s'enfonçant sous les arbres.

- Tout va bien, Dan ? demande Vic.

- Ça va... Mais elle ! Elle s'est braquée dès qu'on a abordé le sujet, et à la fin c'est devenu une vraie furie...

- Aucun de nous ne devra garder le pendentif aussi longtemps que Luna.

- C'est clair ! Et il faudra faire attention, si elle reste dans cet état elle va vouloir le récupérer.

- Il est sur le bateau pour l'instant ?

- Oui.

- Bon. Ça vaut mieux.

- Vous pensez qu'elle est partie où ?

- Aucune idée. Je pense qu'elle a besoin d'être un peu seule. Ça ira probablement mieux quand elle reviendra, affirme Camille.

- Elle ne risque pas plutôt de se perdre ?

Un silence suit mon hypothèse.

- Bon, décide Vic. Si elle n'est pas là dans une demi-heure on va la chercher. De toute façon on va devoir rentrer sur le bateau d'ici peu. Faudra trouver une explication pour Maddie et Paul, aussi...

- Effectivement. Pff... elle réagissait vraiment trop bizarrement, soupire Dan.

- C'est la faute de ce pendentif de malheur qui lui a retourné le cerveau, grommelé-je.

- Faut vraiment faire gaffe à ce truc.

Nous nous rasseyons en silence, chacun méditant sur ce qui vient de se passer. Luna... la pauvre est bien plus affectée que nous depuis le début, même en prenant en compte mes pétages de plombs et le traumatisme de Camille et Dan. Elle doit supporter bien plus que nous, probablement à cause de ce médaillon, et malgré ça elle s'est toujours efforcée de faire bonne figure.

Ses cauchemars...

Merde, j'ai totalement oublié de lui parler du cauchemar ! Aussitôt je lance le sujet avec les autres et, sans surprise, nous avons tous vu la même chose. Le temple noir, la foule d'ombre...

Qu'est-ce qui a bien pu provoquer cette évolution des rêves ? Est-ce le temps qui passe, et notre délai qui se réduit ? Ou la distance qui nous sépare d'Éphèse qui s'efface peu à peu ?

Quoi qu'il en soit, dans les deux cas on peut s'attendre à ce que, d'ici notre arrivée, ils empirent encore.

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