chapitre 62: divergence de point de vue
Läya se réveilla une fois de plus en sursaut. Elle s'éjecta du lit pour tomber sur la moquette de sa chambre. Elle avait averti son beau-père qu'elle lui rendrait visite le lundi, souhaitant profiter de son weekend. Elle n'avait profité de rien, chaque fois qu'elle s'endormait, elle faisait face à la créature et se réveillait emprisonnée dans sa couette. Minuit avait même failli devoir l'en extraire à coup de crocs et de griffes. Epuisée aussi nerveusement que physiquement, la jeune fille avait avancée sa venue au dimanche, ce qui avait ravi son beau-père,qui voulait lui parler de beaucoup de choses et lui présenter des amis.
Abandonnant l'idée de se rendormir malgré l'heure matinale, Läya se leva.
"Je suis désolée, dit-elle à Minuit. Je t'empêche de dormir à sauter partout comme ça.
- Ce n'est pas grave. Je peux dormir n'importe quand pour rattraper. C'est pour toi que je m'inquiète. J'espérais que rentrer à la maison t'aiderait. Il faut que tu en parles à Ralf.
- Oui, je vais le faire. Mais pas de suite, je vais aller courir d'abord. Tu veux venir ?
- Où que tu ailles, je vais aussi."
La chasseuse eut un sourire ému et serra le félin dans ses bras. Elle s'habilla et sortie discrètement de la maison, comme à son habitude, bravant la nuit et le froid qui allait de paire.
Elles coururent longtemps. Läya pour se vider la tête ; Minuit, pour ne pas la laisser seule. Galopant à ses cotés, elle regarda sa maîtresse. Depuis la mort de sa mère, elle avait changé, s'étant légèrement renfermée surelle même. Et songea à tout ce qu'elle vivait en ce moment. Elle avait appris beaucoup de choses, qu'elle gérait admirablement bien pour une personne si jeune. Mais ce qui mettait du baume au cœur de la panthère, c'était de voir que sa petite protégée, sa maîtresse chérie, sortait de son cocon grâce à ses rencontres. Elle avait quelques copines au lycée mais ce n'est pas à elles que songeait le félin. Non, ses pensées allait à de toutes autres personnes, qu'elle n'aurait jamais cru considérer comme tel. L'équipe de démons qui leur avait été confié ramenait peu à peu la jeune fille vers son ancienne joie de vivre. Alors que toute leur vie était consacré à l'extermination de ces espèces, Minuit était convaincue que jamais Läya n'avait été aussi proche de quelqu'un, même du vivant de Nalhy. La jeune fille avait besoin d'eux pour se remémorer tous les moments passés avec sa mère et eux avaient besoin d'elle pour survivre à la guerre qui approchait. Ce qui avait le plus étonné le félin, fut la rapidité de la jeune fille à accorder sa confiance, qui avait toujours été si regardante quant à ses relations. Elle avait vu sa maîtresse promettre sa mort à ces démons, les encourager, leur présenter son dos, puis relâcher sa garde dans les bras de l'un d'eux au point de s'y endormir. Elle l'avait vu jouer avec le Prince et ses yeux qui brillaient en sa présence. Mais elle garda tout pour elle, Läya n'étant pas prête à l'accepter pour l'instant.
En rentrant enfin à la maison, elles furent surprises de la trouver animée alors que 7 heures sonnait à peine. En montant dans leur chambre, elles virent plusieurs personne dans le salon et en croisèrent d'autres dans le couloir de l'étage. Les regards qu'attira Minuit était au mieux curieux, au pire méfiant.
"Qui sont tous ces gens, dans notre maison ? demanda le félin, après que Läya soit sortie de la douche.
- Je n'en sais pas plus que toi. Sûrement les amis dont m'a parlé Ralf, répondit la jeune fille en s'habillant d'un jean clair et d'un sous pull vert à manche longue qui mettait ses yeux en valeur.
- Je n'aime pas ça du tout." gronda Minuit qui voyait d'un très mauvais œil l'invasion de sa maison.
Elles redescendirent à la cuisine pour petit déjeuner mais Ralf les arrêta en y entrant également.
"Déjà levée ma grande ? C'est bien, tu vas pouvoir y assister, dit-il.
- Assister à quoi ? demanda Läya, perplexe.
- A la commémoration d'un héros, qui s'est vaillamment battu et qui nous manquera.
- Je pourrais te parler après ? interrogea la jeune fille, en saisissant son courage à deux mains.
- Bien-sûr, tu peux toujours me parler, répondit-il avec bienveillance.
- J'ai le temps de déjeuner ?
- Ralf, on t'attend, les interrompit un homme venu du salon.
- J'arrive, Dek. On déjeunera tous ensemble après. Viens." dit-il en prenant sa belle-fille par les épaules pour suivre l'inconnu.
Sur un des fauteuils du salon, il attrapa deux capes noires et en posa une sur les épaules de Läya avant de faire de même pour lui. La jeune fille constata que la quinzaine de personnes réunis dans la pièce portaient tous la même.
"De qui est-ce la commémoration ? demanda-elle
- De lui, désigna le vieux chasseur, en pointant du doigt un jeune homme entre 20 et 25 ans, que Läya n'avait pas vu jusque là puisqu'il était à genoux au centre du cercle de personne. L'air hagard, les mains ouvertes, paumes vers le ciel à côté de ses cuisses, il ne semblait pas conscient de son environnement.
- Mais il est vivant. Ce sont les morts que l'on commémore, d'habitude, remarqua Läya.
- Non, il ne l'est plus. Il a été mordu par un vampire en défendant son partenaire. Ce dernier à pu le ramener ici, que nous lui offrions une mort digne, tant qu'il est encore humain.
- Vous allez le tuer ?! s'exclama la jeune fille, choquée.
- Nous lui épargnons une vie de monstre assoiffé de sang. Ce métier n'est pas un jeu, Läya. Il y a des risques. Et ceci fait parti des risques que nous avons tous accepter de prendre. Nous donnons notre vie au service d'une cause plus grande. Chut, maintenant. Romain va prendre la parole."
Läya regarda l'homme qui s'était placé derrière le condamné. Mesurant 1m85, de larges épaules, il paraissait immense à coté du jeune homme. Des mèches blanches tombaient sur le front de son visage carré. Ses yeux marrons n'exprimaient que froideur et le pli dur de sa bouche n'arrangeait rien. Son nez tordu et les griffures sur sa joue gauche achevèrent de le rendre antipathique à la jeune fille bien qu'elle ne le connaisse aucunement.
"Chasseurs, frères et sœurs, mes amis, commença t-il. Nous sommes tous là pour honorer le courage d'Iñigo, qui s'est sacrifié pour sauver Jonas alors qu'ils pourchassaient une créature des ténèbres, que nous avons tous jurer de détruire, pour permettre à nos enfants et aux enfants de nos enfants de grandir en paix et sécurité. Jonas, dit-il en regardant le concerné, approche. Veux-tu lui faire l'honneur toi même ?"
Le jeune homme qui s'était avancé paraissait bien jeune avec ses yeux rougis de larmes et la tristesse qui tassait son corps. Sa main tremblait alors qu'il s'emparait du poignard tendu par Romain. Il allongea son partenaire qui se laissa faire comme un pantin, s'agenouilla près de lui et plaça le poignard au dessus de son cœur. Au moment de frapper, il n'eut pas le courage et laissa retomber sa main. Plusieurs chasseurs firent un pas mais Romain les arrêta et ils reculèrent.
"Je ne peux pas, gémit le bourreau involontaire, il est comme mon frère. Il m'a sauvé la vie, je ne peux pas la lui prendre.
- Jonas, ne le laisse pas devenir un monstre, l'encouragea Romain. Il a donné sa vie pour toi, tu devras vivre pour lui. Offre lui la chance de reposer auprès des siens. Laisse le s'en aller tant qu'il est le héros que nous connaissons."
Le jeune homme reprit position, inspira un grand coup, et frappa en plein cœur. La victime ouvrit des yeux effarés et soupira. Sa tête bascula sur le côté pendant que Jonas pleurait.
"Pardonne moi, mon frère. Merci pour ta vie.
- Merci pour ta vie, reprirent les chasseurs.
- Iñigo peut reposer en paix auprès de nos ancêtres et héros tombés au combat, reprit le maître de cérémonie. Une vie s'éteint mais la lutte ne s'achève pas pour autant. Un de nos frères est mort. Afin que ce ne soit pas en vain, nous allons reprendre le combat et nous allons gagner !
- Pour nos frères tombés, nous gagnerons !" clamèrent en chœur les chasseurs, d'un ton enflammé.
Il y eu une minute de silence, perturbé par les pleurs de Jonas, puis un homme et une femme vinrent l'aider a se relever tandis que quatre autres placèrent le corps dans un cercueil, le poignard toujours dans le cœur, et le sortirent de la pièce. Läya était affreusement choquée par ce qui venait de se dérouler sous ses yeux. Un jeune homme venait de mourir assassiné et personne n'avait réagit. Elle savait Ralf extrême dans sa haine contre les espèces surnaturelles mais pas à ce point. Elle n'était plus du tout sûre de vouloir lui confier ses problèmes. Il l'a ferait tuer comme Iñigo, persuadé de lui rendre service. Elle lança un regard éploré et déçu à son beau-père tandis qu'un chasseur venait les saluer. Elle regrettait d'être venue.
"Bonjour, Ralf. C'est bien triste ce qui vient d'arriver.
- Salut, Eric. Oui, c'était un brave garçon et un bon combattant. Il va falloir l'annoncer à sa mère. Voici Läya, ma belle-fille. Vous vous connaissez, je crois."
La jeune fille regarda enfin le chasseur qui leur parlait et cru que ça mâchoire allait se décrocher. Que faisait le président des élèves en cape dans son salon ? Avec un air beaucoup moins niais qu'au lycée, d'ailleurs.
"Eric ? Tu es chasseur ? demanda-elle, estomaquée.
- Bonjour, Läya, rit le jeune homme. Oui enfin, je m'entraîne pour le devenir, comme toi apparemment. J'aurais dû m'en douter pour la fille de Nalhy. Il y a quelque chose d'elle en toi.
- Tu as connu ma mère ? Je vais de surprise en surprise.
- Tous le monde connait ta mère. Elle était notre modèle à tous. C'est elle qui nous a réunis et organisés.
- Je ne suis pas certaine que le meurtre d'innocents ai fait parti de son enseignement, rétorqua la jeune fille en fronçant les sourcils.
- Tu veux parler d'Iñigo ... c'est dommage mais c'est mieux comme ça, acquiesça Eric. Il n'aurait pas voulu devenir un monstre.
- Il n'avait pas l'air en état de donner son avis. Et il ne serait peut-être pas devenu un monstre. Je me demande si tu connais la vraie signification de ce mot, railla Läya en détournant le regard.
- Läya ... Je comprends ton point de vue, déplora le délégué, mais nous tuons ces créatures, ce n'est pas pour grossir leurs rangs avec nos amis. La première fois, j'en ai été malade. Mais après j'ai compris pourquoi nous agissions ainsi et j'en ai pris mon parti. Nalhy ...
- Je me souviens maintenant, le coupa la jeune fille. Ce regard que tu m'as lancé la première fois qu'on s'est vu ! Tu savais qui j'étais ! Tu savais et tu n'as rien dit !
- Je n'étais pas sûr. Et je ne savais pas si toi, tu connaissais l'existence des démons.
- Ma mère m'a entraînée toute ma vie à les combattre, comment aurais-je pu ne pas savoir ? Est-ce que Aurelle aussi est chasseuse ?
- Non, pas elle. Elle ne sait rien du tout et parfois je le regrette. Peut-être serait-elle moins superficielle. Mon père non plus ne sait pas. De toute façon, il n'y croirait pas. Il trouverait une explication scientifique et se voilerait la face. Je suis venu avec ma mère. C'est elle qui m'a initié.
- Tant mieux pour toi. Veuillez m'excuser, j'ai faim, lâcha Läya, d'une voix tranchante pour couper court à la conversation.
- Tu as raison, dit Ralf qui sentait monter l'eau dans le gaz, allons déjeuner.
- Ralf, appela une voix féminine.
- Cassidy, sourit ce dernier, justement nous parlions de toi. Je te présente Läya, ma belle-fille. Läya, voici Cassidy, la mère d'Eric.
- Bonjour." salua la jeune chasseuse.
La femme était plus petite qu'elle, ce qui n'était pas rare quand on mesurait 1m75. Elle avait transmis à son fils ses cheveux blonds et ses yeux clairs. Et Läya voyait Aurelle dans sa bouche et son nez.
"Quelle perte tragique, commença Cassidy.
- Tragique, oui. Excusez-moi."répéta Läya, qui n'avait envie de subir une deuxième propagande fanatique.
Minuit, qui s'était faite oublier dans un coin, se glissa à ses côtés quand la jeune fille, après être passé par la cuisine prendre un fruit, quitta la maison.
~~~~~
Dure réalité que Läya vient de prendre en pleine face.
Il se pourrait que son très estimé beau père lui préfère sa fonction.
Comment va-t-elle gérer cette nouvelle complication ?
Nous ferons connaissance au prochain chapitre des treize chasseurs restants.
Merci de votre lecture, à la prochaine ^^
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