Chapitre 8 : Tensions (Lucie)

A l'heure du déjeuner, je rejoignis Raphaël à la cafétéria, et afin d'avoir plus d'intimité, nous nous installâmes à une table à l'écart des autres. Le brouhaha qui régnait dans cet endroit me donnait mal à la tête. Raphaël me conta en détails, sa première matinée de cours, qu'il avait trouvé à la fois intéressante du point de vue des cours et révélatrice ''de l'incapacité du genre humain à se concentrer totalement sur ce qu'il fait''.  Il faisait bien entendu allusion au fait que des femmes, élèves comme professeurs, le regardaient avec le plus grand intérêt.

En comprenant cela, je fus prise d'un fou rire incontrôlable. Je m'imaginais déjà la tête de ses admiratrices quand elles s'apercevraient qu'elles n'avaient aucune chance avec lui.

Une fois qu'il eut fini, se fut à mon tour de déclamer le récit de ma matinée. Je n'omis aucuns détails. Surtout celui, qui disait que notre cible avait exprimé un franc intérêt pour ma personne. A ces mots une ombre voilà, l'espace d'un instant, les yeux bleus de mon camarade. Il avait pourtant avoué bien malgré lui, que cet intérêt pouvait peut être jouer en notre faveur.

Nous étions tellement absorbé par mon récit, qu'aucun de nous ne vit Anakim s'approcher, avant qu'il soit à notre hauteur.

« Je suis désolé de vous déranger, mais est ce que je pourrais m'asseoir avec vous ? demanda-t-il, en me regardant avec insistance. »

Raphaël me lança un regard, afin de me faire comprendre que même si il n'était pas d'accord, on se devait de le faire. Je fis signe à Anakim de s'asseoir sur la chaise vide à côté de moi. Il tira celle-ci vers lui et s'assit.

« Raphaël je te présente Anakim. Anakim, Raphaël, les présentais-je pour la forme.

- Content de te connaître, fit Raphaël en tendant une main vers le déchu.

- De même, lui répondit celui-ci en acceptant sa main, qu'il serra un peu trop vigoureusement à mon goût. »

J'observais, mal à l'aise, mes deux camarades de table se défier du regard. Je devais faire quelque chose :

« Alors, tu le trouves comment ce lycée ? demandais-je à Anakim.

- Plutôt cool je dois dire. C'est la première fois qu'un professeur ne me colle pas dès mon premier bavardage.»

Je le dévisageais un instant. Il rigolait, n'est-ce-pas ? Lorsque je m'aperçus qu'il riait sous cape, je me détendis instantanément.

« Oui, moi aussi c'est la première fois !  souriais-je. »

Je vis Raphaël se tendre sur sa chaise. Il n'arrivait pas à rire de ces bêtises d'adolescents. Pourtant il fallait qu'il y arrive pour se fondre dans la masse.

« Et toi Raphaël, tu n'as pas trop parlé en cours ? lui demandais-je sur le ton de la confidence. »

Tout d'abord il me dévisagea sans comprendre, mais quand la lumière se fit en lui, il reprit :

« Bien sûr que non ! Tu sais que je peux me montrer aussi muet qu'une tombe... »

J'éclatais de rire et Anakim pouffa. Puis il s'arrêta à l'instant où il croisa les yeux bleus de mon Archange préféré. Et d'un coup plus personne ne dit rien.

Nous avons fini de manger dans le silence le plus total. Cette première rencontre entre Raphaël et Anakim, m'avait un peu perturbé. Tous deux étaient resté là, à se fixer dans le blanc des yeux, et aucun ne baissaient les siens.

En voyant ça, j'avais levé les yeux au ciel, et avais soupiré. Ça c'était bien les hommes ! Prêt à s'entre tuer dès la première rencontre ! Bien que ce ne serait pas un mal, plus vite je rentrerais, mieux je me sentirais. Mais, il y avait trois raisons qui nous poussaient à ne pas le tuer sur le champ : D'une part, il y avait trop de monde dans cette cantine. D'autre part, l'attaquer maintenant ne servirait à rien, puisqu'il s'échapperait et on ne pourrait rien y faire. Et dernièrement, on nous avait demandé de récolter des informations sur lui, donc on ne pouvait décemment pas le tuer tout de suite.

Conclusion, les inconvénients dépassaient de loin les avantages. Enfin, de mon point de vue, qui n'était pas forcement le meilleur dans cette affaire. Croyez-moi.

***

Après le déjeuner, nous sommes retourné en classe. Je ne fus pas surprise de voir Anakim venir s'asseoir près de moi en mathématiques. Je détournais les yeux pour me concentrer sur le tableau, à la vue du magnifique sourire qu'il arborait. Je commençais à croire qu'il ne se départait jamais de son sourire. Peut être était-ce le cas après tout ?

A la fin du cours, Anakim a glissé dans ma poche un petit papier. Il me suffit d'un seul coup d'œil pour apercevoir une série de chiffre écrit à l'encre noir. Son numéro de téléphone. J'ai relevé les yeux,mais s'était trop tard, il était partit. J'ai fourré le bout de papier dans ma poche et suis sortis de la classe. Je me frayais un chemin dans le couloir plein de monde, descendis les escaliers quatre à quatre, pour enfin réussir à atteindre la porte du bâtiment.

Je suis sortie le plus vite possible pour rejoindre l'entrée principale du lycée. Je n'attendis pas Raphaël qui était encore en cours d'éducation physique. J'aperçus la voiture de Marie garée au coin de la rue. Je me dirigeais vers elle à grandes enjambées. Il me tardait de rentrer pour me reposer après cette journée riche en émotions.

J'ouvris la portière et me glissais sur le siège à côté de Marie.

« Raphaël n'est pas avec toi ? me questionna-t-elle.

- Non il a encore une demi-heure de sport, lui expliquais-je.

- A très bien, on rentre dans ce cas. »

Sur ces mots, elle démarra et s'engagea sur la route principale.

« Comment c'est passée ta journée ? demanda-t-elle, comme une mère le demanderait à sa fille.

- Plutôt bien. Surtout lorsque l'on sait que je n'avais pas mis les pieds dans un lycée depuis plus de cinquante ans ! »

Le visage de Marie afficha un sourire éblouissant, mais elle ne dit rien.

« Ça ne va pas ? demandais-je.

- Je ne me fais toujours pas à l'idée que tu sois plus âgé que moi, répondit-elle.

- Moi aussi, avouais-je.

- C'est tout de même étrange, renchérit-elle. Lorsque tu as quitté la Terre je n'avais même pas cinq ans. Je te voyais comme une grande sœur à l'époque, et aujourd'hui quand je te regarde, je te vois comme une fille à protéger.

- Je sais. J'ai aussi trouvé cela étrange lorsque j'ai rencontré mon père pour la première fois, lui dis-je.

- Je m'en doute. Avoir un père qui semble avoir le même âge que vous... Mon pauvre Arthur a faillit nous faire un malaise, tellement le choc a été grand !

- Je peux le comprendre ! Mais pour toi aussi cela doit être difficile d'accepter le fait que ton fils soit immortel et pas toi ? Tout comme le fait que son père soit immortel.

- Au début oui, admit-elle. Ça a été dure pour moi d'accepter qu'une vie normale n'était pas possible pour Luc et moi. Tout comme le fait que lui ne vieillisse pas, alors que moi si. Puis le temps a passé et j'ai fini par réaliser que mon amour pour Luc, aussi fort soit-il, n'est rien comparé à l'amour que je porte à mon fils. Je suis sûre que beaucoup de mères aimeraient que, tout comme le mien, leur fils ait la chance de vivre pour l'éternité. Mais pour moi le plus important c'est que mon fils soit heureux. »

Je détournais les yeux vers la fenêtre, afin que Marie ne puisse pas voir mes larmes couler. Ma mère avait-elle vu les choses de cette manière elle aussi ? Ma voix tremblait légèrement lorsque je repris la parole.

« Tu penses que ma mère a résonné comme cela en me voyant partir ?

- Je n'ai pas beaucoup connu ta mère. Mais je sais que tu représentais beaucoup pour elle et je suis sûre, qu'a l'époque, même si elle était triste de te voir la quitter, elle savait que ta place était auprès de ton père. Et que l'éternité qu'il t'offrait, était toujours plus beau que la vie que tu aurais pu avoir sur Terre.

- Je n'en suis pas convaincue. Pourquoi une vie d'immortelle, serait meilleur que la vie que j'aurai pu avoir en restant avec elle sur Terre ? Elle n'en savait rien, marmonnais-je.

- Peut être. Mais pour elle la vie que ton père pouvait t'offrir était une chance incroyable. Et je peux tout à fait la comprendre. »

Je ne répliquais rien, consciente qu'elle avait probablement raison.

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