Chapitre 42 : Séance (Lucie)

Heure indéterminée, Royaume des Anges, Zone Nord

Je me réveillais, allongée sur un lit, dans le noir le plus complet, avec en prime toujours une migraine aussi atroce. Pour dire, je n'avais jamais eu aussi mal au crâne de toute ma vie ! Je m'asseyais et j'ai poussé un grognement lorsque ma tête percuta le mur derrière moi. Je sentis alors le matelas tanguer à ma droite. Quelqu'un venait de s'asseoir.

« Qui est-ce ? demandais-je, par peur d'être toujours retenue en Enfer .

-C'est papa, me répondit une voix douce. »

Sentant mon mal de tête s'évaporer, je sautais au cou de mon père. Mon gentil petit papa qui était venu me chercher jusqu'en Enfer !

« Mon trésor, si tu savais comme je suis heureux que tu sois de retour, murmura-t-il. »

Je sentis une larme couler sur mon épaule. Il pleurait. Je m'aperçus qu'en réalité il ne faisait pas sombre dans la pièce, mais que l'on m'avait seulement appliqué un linge sur les yeux.

« Tu peux enlever ce truc qui me cache la vue, s'il-te-plaît ? »

Mon père pouffa et me retira soigneusement le bandeau. J'étais enfin chez moi. Je poussais un soupir de contentement, puis demandais àmon père :

« Où sont Raphaël et Anakim ?

- En salle du Conseil pour Marcus et Raphaël. Anakim, en ce qui le concerne, est sous haute surveillance au Mélarice. Enfin... Peut être est-il déjà en salle du Conseil à l'heure qu'il est... Je n'en sais rien à vrai dire. »

Je lui lançais un regard troublé.

« Pourquoi Marcus se trouve-t-il là-bas ? le questionnais-je.

- Il a accompagné Raphaël et Anakim en Enfer, m'expliqua mon père. »

Waouh... Marcus était venu en Enfer me chercher ? Je n'aurais jamais cru cela possible. Pas qu'il ne soit pas courageux, mais seulement pasempreint à bafouer les lois, même pour sauver une amie. Enfin... Maintenant au moins je sais qu'il est capable de contourner les règles.

« Ils vont être jugés, continua mon père que j'écoutais distraitement.

- Pour quel délit ?

- Raphaël et Marcus sont parti te chercher sans l'approbation du Conseil. Quant à Anakim, même si son lien qui l'unissait à Satan n'existe plus, il reste un ange déchu, donc notre ennemi.

- Il a contribué à me sauver la vie ! m'emportais-je.

- Je sais. J'ai d'ailleurs réussi à convaincre le Conseil de te laisser témoigner, lors de la Séance. »

Pour la petite histoire les anges aussi ont une justice. Elle n'est d'ailleurs pas si différente de la justice humaine. Mise à part qu'il n'existe pas (et n'a jamais existé) la peine capitale chez nous. Par ailleurs, une Séance ressemble à peu de choses près à un procès. Seule différence notable, tous ceux assistants au jugement participent, chacun a le droit de voter et d'exposer son avis si il y a été autorisé. L'unanimité était aussi importante, car chez nous la sanction étant choisie par l'une des personnes directement concernée par l'audience, telle que la victime, il fallait que chaque personne présente soit d'accord avec elle pourque la sanction s'applique.

Bon, ce système n'était pas le plus démocratique, mais il avait le mérite de fonctionner.

« OK. Et elle commence quand cette Séance ?

- Elle doit déjà avoir commencée, répondit mon père.

- Quoi ? m'énervais-je.

- Tu dormais si bien, je ne voulais pas te réveiller ! se défendit-il.

- Mais maintenant je suis réveillée, donc on y va.

- Tu es certaine de ne pas vouloir dormir encore un peu ? rétorqua mon père.

- Tu n'essaierais pas de m'amadouer pour que je ne participe pas à cette Séance, par hasard ?

- Moi ? Jamais ! fit-il en haussant les sourcils.

- Ouais, c'est ça, je te crois va, raillais-je. »

***

Dix minutes. Voici le temps qu'il nous fallu pour aller du Palais de l'Archange jusqu'au Corps des Gardes. Le temps de changer de vêtements, traverser le parc des Trônes et nous étions arrivé.

Devant l'entrée, je levais la tête pour regarder le mot inscrit sur la façade nord : UNION. En effet, il y avait eu des unions plus qu'improbables ces derniers temps. Et j'avais le sentiment que nous en verrions passer d'autres : telle que moi volant au secoursd'un ange déchu. Qui l'eut cru ?

Alors que mon père et moi montions les marches qui nous menaient au Conseil, je me rendis compte à quel point cet endroit m'avait manqué. Et surtout la peur que j'avais eu de ne jamais le revoir. Mais tout était fini. Du moins je le croyais...

Mon père passa devant moi afin d'ouvrir la porte et attendit que je sois entrée pour la refermer. A l'intérieur, je levais les yeux sur l'assemblée extraordinaire présente dans la pièce. Les regards convergèrent en direction de mon père et moi, et je me sentis comme une petite fille insignifiante et honteuse. Mais au moins la Séance n'avait pas encore débutée !

La salle avait été réaménagé pour le procès. De chaque côté de l'immense pièce quatre bancs alignés les uns derrière lesautres, étaient disposés, tels les boxes d'un tribunal. Tout aufond, à la place des sièges habituels du Conseil, un seul et unique siège, tapissé de feuilles d'or, était légèrement surélevé pour que tous puissent le voir.

« Lucie... résonna la voix de Gabriel. Viens t'asseoir près de moi. »

J'obtempérais et vins m'installer à ses côtés sur le banc des témoins qui se trouvait juste en face de Raphaël et de Marcus. A côté de celui-cise trouvait une place vacante, certainement celle réservée à Anakim, qui n'était pas encore arrivé.

Je sentais le poids du regard de Raphaël sur moi. Et bien que j'eus envie de lui sauter dans les bras, j'en étais incapable. Quand je le voyais je perdais toute objectivité, et j'avais pour le moment besoin d'être objectif. Je décidais donc de me focaliser sur autre chose.

Beaucoup d'anges étaient présents, des Puissances, des Archanges, des Trônes et même quelques Anges Ordinaires. La grande majorité assistait à la Séance en tant que public, mais d'autres étaient là comme témoins, comme Gabriel et moi, ou d'accusateur, comme Uriel et un autre membre du Conseil dont j'ignorais le nom.

Je sentis Gabriel me prendre les mains et les serrait fort dans les siennes. Je lui lançais un regard interrogateur auquel il répondit par un sourire que je lui rendis.

« Je suis si content que tu sois revenue saine et sauve mon enfant, murmura-t-il doucement en serrant mes mains un peu plus fort avant de les relâcher. »

Il se tourna ensuite vers mon père, assit à l'autre bout de la salle sur le banc des jurées. Celui-ci croisa son regard et un échangemu et eut lieu, un échange qui se termina par mon père détournant les yeux pour fixer la porte. Celle-ci s'ouvrit dans un grand fracas et laissa apparaître Anakim menotté, accompagné par deux Gardes. Il balaya la pièce d'un regard et nos yeux se rencontrèrent ce qui le fit sourire.

Anakim prit place aux côtés de Marcus et de Raphaël, et baissa les yeux sur ses pieds à l'instant où il fut assis. « Pourquoi ai-je de sérieux doutes sur la possibilité qu'il s'en sorte vivant ? pensais-je. A oui ! m'exclamais-je, intérieurement. Je me souviens maintenant ! Parce que jusqu'à preuve du contraire, c'est un ange déchu. »

Quelqu'un frappa dans ses mains et dans un même mouvement chacun observa cette personne assise sur le siège tapissait d'or. Je ne le connaissait pas, mais je l'avais déjà vu à plusieurs reprises. C'était un Trônes, tout de blanc vêtu, ses long cheveux blonds retombant encascade sur ses larges épaules et son torse massif. Son beau visage aux traits fins, surmonté de deux yeux marrons clairs qui reflétaient une douceur infini, étaient en total contradiction avec son grand corps puissant.

Malheureusement pour lui, aujourd'hui, il devait se montrer ferme, intransigeant, pour tenir son rôle de Maître de Séance.

« Que la Séance commence ! lança-t-il, d'une voix puissante. »

Les anges qui se trouvaient encore debout s'assirent et les conversations se turent. Plus aucun bruit ne résonnait dans la pièce, toussemblaient mort. Le Maître de Séance se leva et Anakim, Raphaël et Marcus l'imitèrent dans la seconde.

« L'Archange Raphaël et l'Ange de Première Classe Marcus seront les premiers àêtre jugés, annonça-t-il. »

Anakim se rassit doucement, à ses côtés Marcus se contracta imperceptiblement, alors que de son côté Raphaël restait droit comme un I, imperturbable.

« Vous avez tout deux quittés le Royaumes des Anges sans l'accord de vos supérieurs, reconnaissez-vous ce fait ? reprit le Maître de Séance.

- Oui, répondirent simultanément les intéressés.

- Nous sommes donc ici aujourd'hui, pour lever le voile sur les raisons qui vous ont poussés à agir de la sorte. Êtes-vous prêt à coopérer ?

- Oui, répondirent-ils d'une voix blanche.

- Marcus, il y a contre vous un autre chef accusation, autrement plus grave que celui-ci. Niez-vous qu'en revenant de votre dangereuse expédition, vous avez amené l'ange déchu répondant au nom d'Anakim ? questionna le Trônes.

- Je ne le nie pas, marmonna mon ami. »

Je le regardais éberluée. Alors, c'était lui qui avait amené Anakim ici ? Pourquoi prendre un tel risque ?

« Marcus nous vous écoutons. A vous la parole. Racontez nous toute l'histoire depuis le début. »

Mon ami s'exécuta de bonne grâce. Il nous raconta tout, à partir du moment où Raphaël était arrivé seul au Royaume et qu'il avait comprit que quelque chose de grave m'était arrivée. Raphaël l'écouta avec attention, toujours aussi imperturbable.

Marcus expliqua par quels moyens ils étaient arrivés à s'infiltrer en Enfer, et je ne fus pas étonné de voir Anakim se crisper à côté de lui. Peut être avait-il espéré que cette partie de l'histoire resterait secrète ?

Aufur et à mesure qu'il narrait son histoire, surtout la partie concernant ma libération, j'eus de plus en plus de sympathie àl'égard d'Anakim, lui qui s'était retourné contre son propre camppour me libérer. Même mon père et Gabriel semblaient étonnés parle courage du déchu. Puis Marcus en vint à l'épisode où il avait amené Anakim, il nous expliqua qu'il n'avait pas eut le choix, sinon il serait mort, tué par les siens pour avoir contribué à ma libération. Ma mère avait peut être raison finalement. Ce qu'il avait fait, il l'avait peut être fait pour moi.

« Raphaël à vous, fit le Maître de Séance, une fois que Marcus eut terminé son récit. »

Raphaël inspira profondément, se leva, et commença son récit à notre nomination pour la mission sur Terre. Je savais très bien ce qu'il s'était passé, vu que j'y étais, mais il était tout de même plaisant de connaître le point de vue de Raphaël sur les récents événements. Je m'autorisais de temps à autres des coups d'œil àAnakim qui s'était tassé sur lui même, en entendant ce pourquoi nous étions venu sur Terre. Mais ce qui l'ébranla plus que tout, fut le passage où Raphaël et moi l'avions drogué pour obtenir des renseignements. Il avait contracté la mâchoire et l'espace d'une seconde, je cru qu'il allait se casser les dents.

Puis mon Archange préféré en vint à un épisode que je ne pus que trouver intéressant.

« Pourquoi n'êtes-vous pas resté au Royaume, certains membres du Conseil vous auraient peut être accompagnés ? le questionna le Trônes.

- Parce que j'étais en colère. Même plus, furieux, déclara-t-il.

- Pourquoi étiez-vous dans cet état ? lui demanda le Trônes.

- Parce qu'ils le savaient, ils le savaient tous ! Mais ils ne me l'avaient pas dit. Et à cause de cela, Lucie a été enlevée ! hurla-t-il.

- Que savaient-ils et que vous vous ignoriez ? l'incita à continuer le Trônes.

- Pour la prophétie. Les démons avaient peut être une prophétie qui leur promettait qu'un jour une reine viendrait et leur conférait plus de pouvoirs. Mais nous avions également la nôtre et elle aussi faisait allusion à cette reine. Sauf que nous savions trèsprécisément qui elle était et ce qu'elle pourrait faire : soit détruire Satan, soit le rendre plus fort. Mais pour que Satan la trouve, il fallait déjà la mettre sur son chemin et quoi de mieux que de l'envoyer sur Terre pour une mission où il était justement question d'un démon cherchant désespérément sa future reine, déclara-t-il d'un ton amer. »

Tout le monde retenu son souffle, moi la première. Mes mains se mirent à trembler de rage. Ils savaient pour moi, et ils m'avaient laissé y aller ? Au risque que j'y perde la vie ? Tous cela était donc un vaste complot ?

Gabriel essaya de m'attraper par les bras afin de me maintenir assise, maisil était trop tard. Je me levais et fusillais mon père du regard. Il baissa les yeux sur ses pieds, penaud. Personne ne parla, chacun digérant le mensonge dont ils avaient été victime. Le Conseils avait tout depuis le début...

Je m'apprêtais à descendre voir mon père, afin d'éviter de me donner en spectacle devant tout le monde, mais Gabriel me barra la route. Il ne voulait pas me laisser passer ? Très bien, alors je dirais ce que j'avais à dire à haute voix.

« Papa ! criais-je. »

Il posa son regard sur moi et je vis ses yeux larmoyer. Mon père était peut être l'un des meilleurs guerriers du Royaume, mais il était aussi l'un des plus sensible, surtout quand il s'agissait de sa fille. Je savais que j'allais regretter ce que je m'apprêtais à faire, mais à cet instant précis je voulais blesser mon père, tout comme il venait de me blesser.

« Tu le savais ! hurlais-je à son intention, sortant par la même occasion tous les anges de leur torpeur. »

Il ne me répondit pas, mais son silence fut suffisamment éloquent.

« Pourquoi ?demandais-je simplement.

- Je ne pouvais pas faire autrement... tenta-t-il de m'expliquer.

- Pourquoi ? Pourquoi ne pouvais-tu pas faire autrement ?

- Ma chérie, ce n'est pas le moment, rétorqua-t-il. Nous en parlerons plus tard, essaya-t-il de me convaincre.

-Au contraire. C'est le moment idéal je trouve ! Toutes les personnes présentes veulent savoir pour quelles raisons les membres du Conseil ne leurs ont rien dit. »

Autour de moi, les anges opinèrent du chef, ils attendaient la vérité, tout comme moi. Je baissais la tête sur Gabriel qui venait de se rasseoir. Il était très en colère, je ne l'avais jamais vu comme ça, pas avec moi en tout cas.

Je détournais les yeux, pour les braquer de nouveau sur mon père, déterminée.

« Depuis quand savais-tu que j'étais l'objet de cette prophétie ? continuais-je, la voix pleine de sanglots.

- Depuis ta naissance, répondit-il. »

Il le savait depuis ma naissance ? Autant dire depuis toujours ! Je venais de passer les cinquante dernières années auprès d'un menteur et d'un manipulateur ! Ma mère devait se sentir trahi elle aussi.

« Pourquoi m'as-tu fais ça, papa ? demandais-je, d'une voix suraiguë.

- Il fallait sauver la lumière Lucie. Peu importe ce que l'on devait sacrifier pour y arriver, lâcha-t-il abruptement. »

Il eût un élan de consternation dans l'assemblée, aucun ne comprenaient. Anakim, Raphaël et Marcus nous regardaient tour à tour, déconcertés.

« Même au prix de la vie de ta propre fille ? murmurais-je si faiblement, que je n'étais pas certaine qu'il m'eut entendu. »

Je ne pouvais plus rester ici. C'était beaucoup trop difficile. Alors je sortis. J'avais conscience que tous me regardaient, mais je m'enfichais éperdument. Gabriel n'essaya pas de me retenir, personne n'essaya. Et alors que je m'apprêtais à quitter la salle pour de bon, je croisais le regard embué de larmes de mon père.

Mais je ne fis pas marche arrière, je détournais les yeux et sortais de la pièce.


HS

Alors que pensez-vous de la réaction de Lucie à l'égard de son père ?
Pensez-vous qu'elle à eu tord ? Raison ?

Dîtes-moi tout !

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