Chapitre 41 : Renforts (Marcus)

Le combat faisait rage. Les démons étant supérieurs en nombre, celui-ci n'en était que plus ardu. Sur le sol tâché de sang, les cadavres de démons tombés au combat le parsemaient. Marcus faisait son possible pour les repousser, mais malgré sa lutte acharnée, il en arrivait toujours plus. Et peu à peu la fatigue vint se rajouter à la douleur qu'engendrait le manque de lumière Céleste.

Alors qu'il commençait à perdre confiance sur l'issu de cette histoire, une lumière éblouissante jaillit de nulle part. Les démons reculèrent, incapable de demeurer proche de la lumière qui leur brûlait les yeux. L'ange quant à lui ne bougea pas d'un millimètre, sous le choc. « La lumière Céleste, en Enfer ? Que fait-elle ici ? se demanda-t-il. »

Puis la réponse lui apparut quand deux silhouettes se détachèrent du halo lumineux. Deux Archanges se trouvaient là : Michel et Remielle. Tous deux se tenaient droits, leur lance à la main ,regardant par dessus l'épaule de Marcus, les démons qui reculaient. A côté de lui, il vit Raphaël se raidir. A l'autre bout du couloir, Anakim était perceptiblement tendu. Pourtant aucun ne pipa mot.

Profitant de la vulnérabilité de leurs ennemis, certains démons s'avancèrent dans leur direction, des sourires carnassiers étirant leurs lèvres. Sortant de sa torpeur, Marcus se remit en garde, aussitôt imité par Raphaël et Anakim ainsi que les deux nouveaux venus. Un démonim prudent fut le premier à se foncer droit sur Michel. Celui-ci l'esquiva avant de lui transpercer la poitrine de sa lance. A partir de là, les combats reprirent en s'intensifiant.

Marcus n'aurait su dire depuis combien de temps ils se battaient. Mais aux mines de ses compagnons, il aurait dit des heures. Il tourna la tête vers Anakim qui progressait en direction de la salle où Satan s'était enfermé avec Lucie. « Lucie... lui susurra une petite voix. » Prenant alors exemple sur le déchu, il redoubla d'efforts afin d'accéder à la pièce.

Anakim avait presque réussi à atteindre la porte, lorsqu'un démon lui asséna un coup de couteau au visage. Une ligne écarlate vint alors lui barrer le front. Surprit celui-ci en laissa tomber son épée. Sans arme pour se défendre, il ne put qu'esquiver les coups du démon qui poussait de grands cris.

Puis une lance sortit de nulle part vint se planter droit dans le torse du gêneur, qui tomba en arrière dans une marre de sang. Marcus se retourna et fut surprit de constater que ce n'était autre que Michel qui venait de sauver Anakim.

L'Archange traversa le couloir en se défendant avec une dague qu'il avait à la ceinture. Il rejoignit Anakim et se plaça à ses côtés, celui-ci ramassa son épée et extirpa par la même occasion la lance de Michel du corps sans vie du démon.

Marcus décida alors de les rejoindre pour les aider. Une fois à leur hauteur, il tua tous les démons qui essayaient de passer dans le couloir.

« Va chercher Lucie ! ordonna Michel à Anakim en lui donnant une fiole que le déchu mit dans une poche de son pantalon. Donne lui ça, elle sera quoi en faire. »

Comme Anakim ne réagissait pas, interloqué par ce que venait de faire l'Archange. Michel lui cria :

« Maintenant ! On te couvre ! »

Le déchu sortit de son immobilité et reprit son épée avant de se planter devant la porte pour essayer de la défoncer.

Raphaël et Remielle traversèrent la mêler de démons pour venir leur prêter main forte. Tous les quatre formèrent un barrage qui s'étendait sur toute la largeur du couloir. Ainsi aucuns démons ne passeraient. « Non, aucuns ! certifia intérieurement Marcus. »

Alors que les combats continuaient et que les démons étaient plus acharnés que jamais, un énorme bruit se fit entendre. Anakim venait d'emboutir la porte. Bizarrement Marcus se sentit libéré d'un poids énorme. Il avait fait confiance à Anakim et pour le moment il n'avait pas eu à le regretter.

Il aurait cru qu'il les laisserait tomber Raphaël et lui, à la seconde où Satan était apparu, mais au lieu de rejoindre son roi, il était resté avec eux. Les raisons qui l'avaient poussé à faire cela échappaient à l'ange. Il n'aurait pas été capable de ce courage à sa place. Et il le respectait pour ça.

Les minutes s'écoulaient à un rythme effréné. L'ange avait sa lance poissée de sang et sa tunique en partie déchirée. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour ce rendre compte que la grande majorité des démons qu'ils combattaient été des phénix. Si bien qu'à chaque fois qu'il en tuait un, celui-ci renaissait quelques minutes plus tard sous les traits d'un adolescent d'une quinzaine d'année. Si bien qu'au final, il y avait toujours le même nombre de démons à combattre.

Quand bien même Michel et Remielle étaient plus fort et entraînés que lui, ils avaient eux aussi de plus en plus de mal à tenir la cadence. Sentant bien qu'ils ne tiendraient plus longtemps, Marcus fit ce qu'il faisait toujours dans ce genre de situations. Il se mit à prier. Inutile de prime abord, cela l'aidait cependant à se calmer et à se concentrer sur l'essentiel.

« S'il-vous-plaît, faîtes qu'Anakim se dépêche et qu'il ramène Lucie vivante. Par pitié, supplia-t-il. »

C'est alors que quelque chose changea, tout le monde le perçu. Les démons reculèrent de quelques pas, aux aguets. Quelque chose venait de se réveiller. Une force longtemps refoulée, faisait vibrer l'air. Marcus ne ressentit aucune peur. Il connaissait bien cette énergie, ainsi que la personne qui la possédait.

Lucie...

Quelques instants plus tard, Anakim émergea dans le couloir, Lucie évanouit dans ses bras. De son épée accrochée à sa ceinture, dégoulinait quelques gouttes de sang qui laissaient une traînée écarlate sur son sillage. En regardant mieux, on pouvait s'apercevoir que le sang ne venait pas seulement de son épée, mais aussi de Lucie inerte dans les bras d'Anakim, ses cheveux noirs corbeau tachaient de sang.

Marcus vit aux coins de ses yeux fermés, un filet de sang glissait lentement jusque dans son cou. Il aurait dû s'inquiéter pour elle,mais il avait vu autre chose. Ses ailes. Ses magnifiques ailes, aux plumes d'un blanc immaculé. Et cela le rassura. Car si elle était morte, ses plumes seraient devenues jaunes ou seraient tout simplement tombées. Il n'en était rien, par conséquent elle allait s'en sortir.

Lorsque Anakim arriva à leur hauteur, il confia Lucie à son père, qui la serra délicatement contre lui. L'Archange était tellement soulagé de revoir sa fille en vie, que l'espace d''un instant, il oublia qu'il se trouvait en Enfer, encerclé par une horde de démons assoiffés de sang. Voyant que Michel relâchait sa garde, Marcus s'approcha de lui de telle sorte à se trouver entre lui et les démons.

Mais au grand désarroi de Marcus, leurs ennemis avaient l'air désorientés, comme si ils ne savaient plus quoi faire. Certains criaient, d'autres tombèrent au sol en observant leurs mains. Mais plus aucun ne leur prêtaient attention.

« Profitons de leur agitation pour sortir de là, proposa Remielle.

-Tu as raison. Nous devrions partir tout de suite, concéda Raphaël qui venait de se rapprocher. »

Anakim qui se tenait à côté de Michel, décrocha de sa ceinture une dague et la tendit à Raphaël.

« Prends là. Je pense qu'elle pourra t'être utile pour ouvrir un portail. »

L'Archange lui lança un regard interrogateur, qui fit lever les yeux au ciel au déchu. Il fourra la dague dans sa main et lui expliqua rapidement :

« En la connectant à une autre dague, elle pourra ouvrir un portail assez grand pour que l'on puisse passer.

- Je sais. Mais ta dague est une dague démoniaque. Ça ne va pas marcher, répliqua Raphaël.

- Faux. Cette dague n'est plus une dague de démon, le contredit Anakim.

- Et depuis quand ? demanda Marcus. »

Anakim lui présenta son bras droit vierge du tatouage le liant à Satan et à l'Enfer.

« Il n'y a rien, observa Marcus.

- Justement. Cela veut dire que je ne suis plus un démon, enfin plus un démon comme eux, ajouta-t-il en désignant les phénix à quelques pas d'eux.

- Je ne comprends pas.

- Il se trouve que...

- Il se trouve que le temps presse et que l'on devrait partir avant qu'ils ne nous attaquent, le coupa Remielle en lui adressant un regard sévère.

-Tout à fait d'accord, approuva Michel. Surtout que ma fille a besoin d'être soignée au plus vite ! »

Pendant que Raphaël et Remielle s'affairaient à ouvrir un portail pourre partir au Royaume des Anges, les démons reprenaient leur esprit et convergeaient sur eux.

« Il serait possible d'aller un peu plus vite, s'il-vous-plaît ? demanda Marcus en avalant la bile qu'il n'avait pas.

- On fait aussi vite que l'on peut ! lui cria Raphaël.

- Pas la peine de crier ! »

Anakim vint se poster à ses côtés et dégaina son épée.

« Tu es prêt à te battre, angelot ? le questionna-t-il.

- Plus que prêt !

- Alors à mon signal, on fonce dans le tas, OK ?

- OK.

- Un. Deux. TROIS ! »

Ils se jetèrent dans la foule de démons, près à mourir, pour laisser le plus de temps possible à leurs compagnons. Lorsqu'un coup de vent se fit sentir dans son dos, Marcus tourna la tête en direction de Remielle. Ses yeux furent attirés par un petit halo de lumière qui venait d'apparaître entre Raphaël et Remielle. « Dépêchez-vous ! Il faut traverser le portail avant qu'il ne disparaisse ! tonnait la voix de Remielle dans sa tête. »

L'ange se tourna vers Anakim qui lui aussi avait entendu l'ordre muet de l'Archange. Ils coururent dans sa direction, tout en évitant les lances et les épées des démons qui leur barraient la route.

Michel fut le premier à franchir le portail avec sa fille dans les bras, puis Remielle le franchit à son tour, non sans avoir lancé un regard en arrière.

« Dépêchez-vous ! hurla Raphaël qui les attendait. »

Marcus avançait aussi vite qu'il pouvait, mais voyant que le halo de lumière faiblissait, il fit signe à Raphaël de traverser sans eux. Celui-ci n'hésita pas longtemps avant d'obtempérer. L'ange atteignit le portail où il attendit Anakim qui se tenait quelques mètres derrière lui.

Mais voyant que celui-ci hésitait à les suivre, l'ange lui cria :

« Viens avec nous, sinon tu vas mourir !

- Je ne sais pas si je peux, rétorqua Anakim.

- On s'en fiche, le principal c'est de sortir vivant d'ici ! »

Sans attendre qu'Anakim se décide, Marcus l'attrapa par le bras et le poussa sans ménagement avant de traverser à son tour.

***

Lorsque Marcus atterrit de l'autre côté, il tomba sur le sol tapis de feuilles du parc des Trônes. Derrière lui, le portail créé par Remielle et Raphaël disparût soudainement. L'ange resta quelques secondes allongé à plat ventre, avant de trouver la force de se relever.

Il vit alors Anakim à genoux, les yeux fermés et le visage tourné vers la cime des arbres. Il semblait si paisible, la brise caressant ses cheveux bouclé les rejetant en arrière.

« Cela va faire si longtemps que je ne suis pas revenu dans cet endroit, déclara-t-il tout en gardant les yeux fermés.

- Cela a dû être difficile... Ça fait toujours mal de quitter cet endroit même pour peu de temps, admit l'ange.

- Oui... souffla le déchu. »

Marcus se tourna vers Remielle et Raphaël qui discutaient tout en jetant quelques regards en biais à Anakim. L'ange balaya du regard la route pour trouver Michel et Lucie mais ne les vit pas.

« Où sont Michel et Lucie ? demanda-t-il à l'intention des deux Archanges.

- Michel est parti emmener Lucie dans l'aile médical, lui répondit Raphaël.

- Tant mieux... Et au fait, nous attendons quoi ici au juste ? demanda Marcus conscient d'agacer l'Archange qui le foudroya de ses yeux bleus.

- A ton avis ? lui cria Raphaël. »

Évidemment. Quelle question idiote !

« La Garde... soupira-t-il.

- Arrête de lui faire peur, Raphaël ! gronda Remielle qui lui lança un regard plein de reproche.

- Je n'essaie pas de lui faire peur ! se défendit celui-ci.

- Alors arrête d'être désagréable ! Lucie va s'en sortir ! Tu n'as pas besoin de t'énerver ! »

Lorsque Remielle décidait de jouer la mère autoritaire, tous avaient l'obligation de l'écouter et de lui obéir. Après tout, elle était un peu comme une mère pour la plupart des anges.

Anakim, toujours à genoux sur le sol, avait rouvert les yeux et observait du coin de l'œil les trois autres se disputer. Marcus posa sa main sur son épaule et lui dit :

« Peut être devrais-tu te relever, non ?

- Ouais, tu as raison angelot. »

Des bruits de pas s'élevèrent comme un grondement dans la forêt, annonçant l'arrivée de la Garde. Une dizaine d'Anges Guerriers formèrent un cercle autour du petit groupe. Vêtu de leurs armures de combat, ils paraissaient plus imposants que jamais.

« Venez avec nous, lança l'un d'entre eux, un grand brun aux yeux noisettes. Il ne vous sera fait aucun mal le temps que vous nous suivez sans opposer de résistance. »

Il ne parlait pas à l'ensemble du groupe en disant cela, mais Anakim. Le déchu n'opposa aucune résistance et s'avança vers eux d'un pas nonchalant. Une fois à leur hauteur, deux Gardes le prirent chacun par un bras, le dépossédant par la même occasion de son arme.

« Doucement mes braves, je viens juste de sortir de l'Enfer voyez-vous, et j'ai un peu mal aux articulations. Alors merci de faire attention,déclara-t-il, sur un ton farceur.

-Emmenez-le au Mélarice et veillez à ce qu'il soit sous haute surveillance. Sinon j'ai bien peur qu'il ne nous poignarde dans le dos, prévint leur chef. Trouvez-lui des vêtements propres et faîtes-lui prendre un bain. »

Les Gardes acquiescèrent et s'en allèrent en tenant fermement Anakim. Alors qu'il voyait disparaître le déchu au loin, Marcus prit conscience qu'il aurait probablement des ennuis. Il allait sans doute être jugé par le Conseil pour trahison. Non seulement il avait traversé la Porte sans autorisation, mais en plus il avait ramené un ange déchu avec lui ! « Cela m'apprendra à avoir pitié de tout le monde ! se réprimanda-t-il. »

Il vit un Garde s'approcher de lui et deux autres de Raphaël et Remielle, ils ne les touchèrent pas mais ils se postèrent à leurs côtés afin de les garder sous contrôle.

« On y va ! Direction le Corps des Gardes, le Palais de l'Archange puis la salle du Conseil, déclara le chef. »

Remielle vint se poster à côté de l'ange et lui glissa à l'oreille :

« Il ne faut pas t'inquiéter. Ils ne vont rien te faire, petit ange. »

Marcus croisa le regard de Raphaël et celui-ci hocha la tête en signe d'approbation. Mais contrairement à ce qu'on pouvait croire, Marcus n'avait pas peur des Gardes, il avait peur du Conseil, peur de ce qu'il pourrait bien décider comme sanction à son encontre.

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