6h30 du matin, Terre, Nord-Ouest de la France

Anakim était assit dans son fauteuil, contemplant les bûches de bois qui se consumaient tranquillement dans la cheminée. Depuis qu'il avait abandonné son appartement pour cette grande maison à l'écart de tout, il passait énormément de temps assit dans le silence à réfléchir.

En cet instant, il ressassait, pour la centième fois au moins, les événements survenue lors du bal d'hiver. « Tu t'es évanoui, lui avait affirmé Lucie. » Cette histoire était farfelue, il le savait très bien. Pourtant, il n'avait fait aucun commentaire.

L'évanouissement est une faiblesse humaine. Or, il n'était pas humain, c'était un ange déchu. On avait dû l'assommer. Mais cela voudrait dire que la douce Lucie lui avait menti. Ce doutait-elle de quelque chose ? Impossible. Les humains ne savent rien, ils ne croyaient plus en l'existence du supérieur.

Pourtant, il y avait eu le dessin qu'il lui avait fait. Anakim dessinait très peu, cependant en observant Lucie ce jour-là, il avait été prit d'une certaine frénésie. Peut-être aurait-il dû en référer à son maître, pourtant il n'en avait ressenti le besoin. Ce dessin était son secret depuis de longs mois. Il y pensait régulièrement,tous les jours en fait. « Et si ce dessin représentait autre chose que le simple mal de vivre de Lucie ? se demandait-il souvent. »

Anakim ne savait plus quoi penser. Selon lui, ce crayonnage, sans grande valeur apparente, était la preuve irréfutable, que Lucie n'était pas à sa place avec le commun des mortels. Malheureusement, il se révélait difficile de comprendre le message caché derrière les représentations d'un Ange de la Mort. L'interprétation d'une œuvre aussi personnelle lui avait, et lui donnait toujours, autant de fils à retors. Alors comment pouvait-il être sûr de lui ? Voilà le problème justement, il ne l'était pas.

Malgré son apparence douce et fragile, Lucie était forte, intelligente,butée et diaboliquement belle. Au fur et à mesure que le temps passait, et qu'il apprenait à la connaître, quelque chose s'était éveillé en lui. Une émotion qu'il était certain d'avoir déjà expérimenté auparavant, à l'époque où il était un Ange de la Mort puissant. L'amitié peut-être ?

Toujours absorbé par ses pensées, il ne sentit pas l'air se mettre à vibrer d'une malveillance nouvelle autour de lui, comme pour le prévenir d'une arrivée imminente. Anakim fut happée par ce mal, cette douleur presque insupportable le ramenant à la réalité. Puis, dans une seule brise, le feu de cheminée s'éteignit pour faire place un être.

Anakim se leva d'un bond et exécuta une révérence maladroite à celui qui lui faisait face.

« Comment se porte notre petite entreprise ? demanda Satan en avançant d'un pas feutré dans sa direction.

- Plutôt bien, répondit-il prudemment.

- Pourtant, cela ne va pas assez vite, conclut l'autre avec froideur.

- Peut-être voulez vous vous asseoir ? proposa Anakim afin de calmer le jeu.

- Je serais bref, dit Satan éludant la proposition de son vassal. Je peux certes encore attendre, mais il y a de l'agitation chez nos ennemis. J'ai bien peur qu'ils aient découvert nos plans, et ne cherchent à m'enlever ce qui m'appartient de droit. Je souhaite donc que tu me l'apportes ce soir minuit dernier délais.

- Bien seigneur, obtempéra Anakim qui était devenu pâle.

- Ne me fais pas regretter notre petit arrangement, veux-tu ? fit Satan en adressant en sourire fielleux à son vassal. »

Puis il disparut, et la cheminée se ralluma. Anakim ne s'assit pas, ne bougea pas. Il resta planté là, telle une statue de marbre ; ses pensées se bousculant dans sa tête. Il poussa un cri de frustration, puis retomba mollement dans le fauteuil. Il savait que cela devait se terminer ainsi. Il ne pensait simplement pas que cela arriverait aussi tôt...

A contrecœur, il sortit son portable de la poche droite de son pantalon. Il était 7 heures du matin, dans une heure et demi Lucie marcherait dans les rues presque désertes en direction du lycée. C'est à ce moment précis qu'il frapperait. C'était l'unique raison pour laquelle il avait été envoyé là.

Alors pour quelle raison l'idée même que Lucie se retrouve en Enfer pour l'éternité, lui faisait si mal au cœur ?