Chapitre 6. Les Voyages

Le rêve prit fin. Tom se réveilla de ce rêve tourmenté. Il venait quelques instants plus tôt de promettre à Marine qu'il allait la sortir de son asile psychiatrique. Mais comment allait-il s'y prendre ? Il y réfléchit toute la journée mais il ne pouvait rien échafauder sans en connaître plus sur l'endroit. Il s'endormit avec l'espoir que Marine lui en dise un peu plus, même s'il imaginait bien la douleur qu'elle ressentait. Quand il entra dans le rêve, il aperçut une fille au longs cheveux blancs voler au-dessus d'une grande colline sous un soleil couchant. Elle avait derrière elle deux grandes ailes de papillon de toutes les couleurs. En le voyant arriver avec ses yeux timides, Marine comprit ce qu'elle devait faire. Elle fit alors apparaître un grand canapé rouge sur la colline et invita Tom à s'asseoir à côté d'elle. Le garçon regarda l'horizon, sans savoir comment aborder le sujet mais c'est Marine qui commença d'elle-même. La tête baissée, elle lui raconta toute son histoire.

"Je m'appelle Marine, c'est tout ce que je sais sur moi, commença-t-elle avec une petite voix. Mes parents m'ont fait interner quand j'avais cinq ans. Je ne me souviens pas vraiment d'eux. Tout ce dont je me rappelle c'est leur réaction quand je leur ai dit que je rencontrais des gens dans mes rêves. J'étais toute petite alors je ne comprenais pas bien ce qu'il se passait. Bien entendu, il ne m'ont pas cru, alors je leur ai donné de plus en plus de détails. Je leur décrivais mes voyages dans les rêves de personnes ne parlant pas la même langue que moi ou bien des personnes aux rêves profondément terrifiants. Des mots horribles sortaient de ma bouche innocente, des mots qu'un enfant n'aurait jamais dû prononcer. Je passais parfois mes nuits comme spectatrice de rêves érotiques d'autres personnes. Je t'ai jamais parlé de ceux-là car ils sont vraiment horribles. Les pires fantasmes assouvis devant mes yeux, ça a de quoi te marquer. Mais à l'époque, je racontais ces rêves à tout le monde, à mes amis, à mes professeurs, parce que je pensais que c'était normal. A mesure que je leur décrivais les atrocités que je voyais, mes parents ont fini par me faire enfermer à Sainte-Lucie, un hôpital psychiatrique du milieu de la France. Et depuis, je suis le même traitement tous les jours, enfin plutôt toutes les nuits. Mais bon j'imagine que leur traitement ne marche pas, vu que je suis toujours ici. C'est qu'un prétexte pour faire des expériences sur moi. Chaque soir je m'allonge sur un lit d'hôpital, et tout un tas d'appareils scannent mon cerveau qui voyage dans les rêves. J'ai pas beaucoup d'amis là-bas, les rêves, c'est le seul endroit où je n'ai jamais pu m'amuser. Tu es mon premier ami depuis très longtemps. Voilà."

Marine se tourna enfin vers Tom pour constater son regard effaré. Tant d'horreur étaient arrivés à cette fille. Elle n'avait jamais vécu d'enfance, depuis son plus jeune âge elle avait été projetée contre son gré dans l'esprit d'autres personnes, ce qu'elle y avait vu avait dû la changer à jamais. Tom n'avait jamais imaginé que les voyages dans les rêves des autres de Marine puissent l'avoir autant affecté. Que lui répondre désormais, Marine était en fait drastiquement différente de lui. Elle avait eu une enfance totalement différente, en fait elle n'en avait même pas eu.

"Je vais te sortir de là, dit soudain Tom. Je le jure."

Les larmes montèrent aux yeux gris de Marine.

"Tu peux encore avoir une enfance, tu peux encore aller au lycée comme moi, il suffit que tu sorte de là."

Sa voix était pleine de détermination, il attrapa la douce main de Marine qui tremblait. Il pouvait presque sentir son vrai pouls. Tom ne parlait plus à la Marine qui se trouvait dans ses rêves, mais à la fille qui se trouvait en ce moment même sur un lit d'hôpital, le cerveau branché à tout un tas de scanners.

Les deux nuits qui suivirent, les deux adolescents échafaudèrent un plan pour sortir Marine de sa prison. En réalité, il n'était pas si difficile de sortir de Sainte-Lucie, seulement Marine n'avait évidemment jamais tenté l'expérience étant donné que personne ne l'aurait aidée une fois dehors.

"Tu es sûr de vouloir le faire ? demanda Marine avant que tous deux ne se réveillent.

-Bien sur que oui, je ne peux pas te laisser dans cette asile sans rien faire.

-Mais pourquoi ?

-C'est simple, j'ai plus envie d'attendre de m'endormir pour te retrouver."

Sur ces mots ils se réveillèrent tous deux, l'un dans sa chambre, et l'autre au cœur d'une froide salle blanche.

Tom devait s'empresser de s'habiller ce matin, il était motivé comme jamais auparavant à sortir de chez lui. Il prévoyait son voyage depuis déjà 3 jours. Pour convaincre ses parents qu'il devait s'absenter tout le week-end, il prétexta aller chez son cousin comme il le faisait parfois. Ceux-ci ne furent donc pas surpris par ce voyage imprévu. Lorsqu'il allait chez son cousin, les parents de Tom achetaient eux-mêmes ses billets de bus. Le fait que Tom ne soit pas majeur ne fut donc pas un problème, en revanche, il allait devoir trouver lui-même un endroit où loger dans la région d'Aubrac où il se rendait.

Il se rendit donc à l'arrêt du car de voyage qui devait le transporter, après avoir dit au revoir à ses parents. Le grand car blanc l'attendait déjà, et plusieurs personnes y avaient déposé leurs bagages dans la soute. Tom, lui, n'avait qu'un sac à dos de randonnée avec de simples affaires et quelques collations. Il montra son billet au chauffeur qui ne fit pas beaucoup attention à lui, et se plaça au fond du bus. Quelques minutes plus tard, le moteur grondant du bus démarra et Tom vit sa ville natale disparaître au loin. Il ne pouvait désormais plus reculer. Il repensa à Marine et à leur première rencontre. Tant de choses s'étaient passées depuis. Il était tombé amoureux d'elle et elle était tombée amoureuse de lui. Ils avaient passé des nuits entières à danser dans les nuages et à jouer ensemble, à toutes sortes de jeux tous plus fous les uns que les autres. Tom espérait que tout cela n'était pas fini. Le stress commença à monter en lui. Il s'apprêtait à faire évader son amie d'un asile psychiatrique dans lequel elle vit depuis toute petite. C'était sans aucun doute illégal. Et comment Marine allait-elle réagir face au monde qui l'entoure ? 

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