Chapitre 6
Une semaine s'est passée depuis mon retour en France. Sept jours. Cent soixante-huit heures. Dix-miles quatre-vingt minutes. Six cent quatre miles huit cent secondes. Une semaine passée à rester dans mon lit et à manger le strict nécessaire pour le bébé. C'est également une semaine passée à cacher ma grossesse à mes parents, repoussant l'annonce de celle-ci. Peut-être par peur de leurs réactions ou tout simplement car le fait d'élever un enfant sans père à ses côtés soit trop difficile pour moi. Je sais que je dois leurs annoncer la nouvelle. Ma décision est prise depuis un moment déjà. Cet enfant, je vais le garder et l'élever avec tout mon amour. Le problème, c'est que j'ai peur de le perdre lui aussi. J'ai déjà perdu l'amour de ma vie alors perdre mon enfant, mon être, ma chaire, m'anéantirai. Seulement, aujourd'hui, il faut leur dire. La dernière fois que j'ai repoussé l'échéance d'une annonce avec beaucoup d'ampleur, c'était le jour où je leur ai annoncé que j'étais bisexuelle. La nouvelle avait été bien digérée, certe, mais là, c'est différent. Ce n'est plus le fait d'aimer les filles et les garçons. C'est le fait qu'ils vont devenir grands-parents plus tôt que prévus.
Au dîner, je décide que le moment est venu pour leur annoncer. Nous mangeons une quiche avec de la salade. La télé diffuse le journal du soir. La fenêtre est ouverte ce qui apporte une lueur d'été dans la pièce. L'ambiance est paisible.
- Maman, papa, j'ai quelque chose à vous annoncer. Ne me coupez pas s'il vous plaît. Je suis enceinte et je ne compte pas abandonner mon enfant. C'est la dernière chose vivante qui me reste d'Yvann. Je l'aimais plus que tout et je ne pourrais jamais m'en séparer, dis-je en posant une de mes mains sur le ventre.
Mes parents sont abasourdis par la nouvelle. Ils se regardent dans les yeux, ma mère prend une grande inspiration puis ouvre la bouche, comme si elle voulait parler mais que les mots ne sortais pas. C'est finalement mon père qui prend la parole :
- Nous comprenons ton choix, et nous t'aiderons, ne t'en fais pas pour ça. Mais il est hors de question que tu abandonnes tes études et tes rêves !
- Ne vous en faites pas pour ça, ce n'est pas mon intention, répondis-je les larmes au bord des yeux.
Je les enlace et finis par avouer à haute voix une vérité que je n'est encore jamais avouée.
- Je suis terrifiée, dis-je en laissant les larmes couler sur mes joues.
***
Le lundi suivant, je dois retourner au lycée. Revenir en France avait déjà été un défi pour moi. Mais le lycée, c'est un challenge. Cela veut dire revoir du monde. Observer la pitié que les gens ont lorsqu'ils vous regardent.
De plus, peu de personnes sont au courant de notre mariage. Cela a été un petit mariage, en petit comité entourés des personnes qui comptent le plus pour nous.
***
Aujourd'hui, c'est le grand jour. Je me marie avec Yvann ! Il est vrai que nous sommes jeunes. Mais lorsque vous avez trouvé votre âme soeur, le temps ou l'âge ne comptent plus.
Nous sommes dans une petite chapelle, à Hawaï. Seuls nos parents, mes sœurs, mon neveu, ma nièce, ainsi que nos témoins respectifs sont présents. Pour ma part, il s'agit de Léa et Ethan. Je considère Léa comme ma sœur jumelle et Ethan comme un frère. C'est pour ces raisons que je les ai choisis. Yvann, lui, a choisi Julien. C'est son meilleur ami d'enfance, tout comme Lya. Ce sont les seules personnes au courant de notre union.
La cérémonie était magique. Je n'oublierais jamais les mots prononcés par Yvann, et je pense que lui aussi n'oubliera jamais les miens.
« Julia Sylvia Piatto, je te prends pour épouse aujourd'hui, devant les personnes qui comptent le plus pour nous, même s'il y en a encore beaucoup d'autres. Julia, le premier jour où je t'ai rencontré, je t'ai tout de suite aimé. Tu étais, tu es, et tu seras toujours, une jeune femme magnifique, pleine de joie de vivre et d'ambitions. Une femme avec des rêves plein la tête, les plus fous les uns des autres. Tu es drôle, intelligente et complètement folle par moments, si ce n'est tout le temps. C'est ce que j'aime chez toi. Mais ce que je préfère, c'est qu'on peut te taquiner à longueur de journée, tu ne t'en lasseras jamais. Julia, tu es mon âme sœur. Mon tout et sans toi, je ne sais pas comment je pourrais vivre. C'est pour toutes ces raisons que je décide de passer le restant de mes jours à tes côtés. Jusqu'à ce que le mort nous sépare, et même après. ».
Après avoir fait la fête avec nos invités, nous sommes partis dans notre petit coin de paradis. Au bord d'une rivière, au milieu de la forêt hawaïenne. Nous avons passé notre temps à nous baigner, à danser, regarder les étoiles et faire l'amour. Cette nuit de noces était juste exceptionnelle.
***
Cette journée et cette nuit-là resteront gravées dans ma mémoire à tout jamais. Nous avons décidé de ne jamais dévoiler le lieu ou encore les activités de notre nuit de noces. « Ces souvenirs seront emportés avec notre mort. ». A présent ils seront emportés avec la mienne.
Lorsque le bus s'arrête au lycée, tous mes beaux souvenirs sont chassés par la foule remplie d'adolescents entrant dans l'établissement. Ils sont chassés lorsque j'entre dans le bâtiment. Lorsque je pars faire justifier mon absence avec comme motif : urgence familiale. Les personnes me regardent avec jugement, mais je les ignore. Je pars retrouver mes amis.
Dès que je me retrouve à leur hauteur, avant même de les saluer, je leur dis :
̶ Pas de pitié. Tout va bien. Je vais bien.
Ils ne comprennent pas au début, on le lit sur leurs visages, mais ils ne disent rien. Je ne voulais pas les agresser dès le matin, je ne veux simplement pas affronter leurs questions et leurs paroles réconfortantes. Je ne veux pas affronter les : « Comment tu vas ? », « T'es sûr que tu vas bien ? », « Tu sais, c'est normal de vouloir pleurer dans un moment pareil. ». Cela rendrait l'évènement trop réel.
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