Chapitre 14
Ces deux dernières semaines se sont enchaîné révisions et épreuves. Ça ne s'arrêtait plus. On travaillait du matin au soir. On appréhendait les épreuves. On stressait et on stresse toujours. Au lycée, s'était la course aux fiches de révision. La chasse à sa place au CDI. La tension était extrême. Après avoir passé les épreuves écrites et le grand oral, il ne me reste plus que mon épreuve de danse. J'ai travaillé dur pour que ma chorégraphie soit parfaite. J'espère avoir une bonne note.
Je me prépare dans les vestiaires. J'enfile le costume que ma professeur de danse m'a prêté. C'est une robe noire fluide. Elle cache mon ventre arrondi. Elle est magnifique, juste parfaite. Je me lâche les cheveux, puis je me maquille légèrement. J'enfile mes pédilles. Je stresse. Je dois passer dans moins de cinq minutes. Ethan, Safia, Frédéric, Lydia, Pierre, Eva, et même Léa sont là pour me regarder.
Ethan m'a même annoncé qu'il allait filmer pour envoyer sur le groupe de la bande. Lui et Shelby sont proche maintenant. Je ne sais pas s'ils vont se mettre ensemble, mais en tout cas, je l'espère. Ils vont vraiment bien ensemble.
C'est mon tour. Je salue les jurés, puis je me place. La musique retentit. Je compte les temps avant de commencer à danser. Enfin, je danse. J'exécute les mouvements appris. Je laisse le contrôle de mon corps à mes émotions. Je fais ressortir de moi chaque émotion que je ressens. La tristesse. L'angoisse. La peur. La colère. La joie. L'abandon. Toutes mes émotions sortent. Elles déferlent d'un seul coup d'en un engrenage de pas, de sauts et de tours.
A la fin de ma prestation, les jurés sont sous le choc. Certains ont les larmes aux yeux. Je n'ai jamais dansé comme ça. C'est la première fois en douze ans que je fais ressortir mes émotions dans la danse. La première fois en douze ans que je danse aussi bien. Je suis étonnée de moi-même.
J'essuie les larmes qui dévalent mes joues, en vain. Elles redoublent d'intensité. Je ne peux plus les retenir. Je ne peux plus les cacher. Je viens de démolir le mur que j'ai bâti autour de mon cœur. Des semaines de travail. De remise en question. De chagrin. D'appréhension. De peur. D'incompréhension. Tout ça sans aucune larme. Pas une seule depuis que j'ai appris la mort de l'amour de ma vie. Du père de ma fille. Cet être qui grandit dans mon ventre. Il n'y a pas eu de larmes à son enterrement. Pas de larmes, non plus, seule dans ma chambre. Pas de larmes à nos deux ans. Pas de larmes du tout. Aucune. Jamais. Mais il ne faut jamais dire jamais. La preuve en est que maintenant les larmes ne cessent de couler sur mon visage. Elles ne s'arrêtent plus. Elles coulent à flots. Elles reflètent toutes mes émotions des dernières semaines. Toutes en quelques larmes.
Je m'excuse auprès des jurés. Je retourne dans les vestiaires. J'ai dû mal à respirer. J'essaie d'essuyer mes larmes d'un geste rageur, mais je n'y arrive pas. Je fais les cent pas asseyant, en vain, de retrouver une respiration normale. Une main sur mon ventre fait de petits cercles pour calmer le bébé. Je ne sais plus au bout de combien de temps, mais des bras viennent m'entourer. Puis d'autres. J'ai laissé tomber ma main. Ma respiration reprend un rythme régulier. Mes larmes ont cessé de couler. Je remercie mes amis d'un hochement de tête, incapable de prononcer un mot. Ils me laissent me changer. Après mettre démaquillé, rhabillé, je récupère mes affaires et je vais rejoindre mes amis dehors. Je leur indique que je rentre chez moi.
Dans le bus, je ne fais pas attention à ce qui m'entoure. Je rentre chez moi. Mes parents ne cherchent même pas à comprendre pourquoi je rentre plus tôt. Ils le voient rien qu'à mon visage et à ma façon de marcher. Je monte directement dans ma chambre. Je ne sais pas quelle heure il est, mais je m'en fiche. J'ai besoin parlé à quelqu'un qui peut comprendre ce que je ressens. Il n'y a qu'une personne qui peut en être capable. Bob. Au bout de trois sonneries, il répond.
̶ Hey, ça va ? Me demande-t-il.
̶ Salut. Fais-je avec une voix enrouée. Pas trop en fait.
̶Qu'est-ce qui se passe ? Dit-il d'une voix inquiète.
̶ Il me manque. Il me manque tellement. Si tu savais. Je pense à lui tout le temps. Quand je réussis quelque chose, j'ai qu'une envie, lui dire. Mais je ne peux pas parce qu'il n'est plus là. Dis-je en recommençant à pleurer.
̶ Ne t'inquiète pas. Ça ira. Tu vas voir. Et puis quand tu voudras partager quelque chose, t'as qu'à l'envoyer au groupe, ou à moi. Comme tu veux.
̶ C'est gentil. Mais comment on fait pour garder un bébé en vie si nous-même la vie ne nous dit plus rien ? Comment on fait pour trouver un prénom, des vêtements, des meubles ? Je suis seule. J'ai plus personne sur qui compter. Yvann est mort et moi aussi. Je ne vis plus depuis qu'il est parti. Je survis. Juste pour le bébé que je porte. Je ne sais même pas si je vais le garder. Je ne sais même pas si j'arriverai à la voir grandir.
̶ Eh, eh, eh. Tu vas la voir grandir. Tu vas la voir grandir parce que tu seras toujours en vie et que la gardera. Tu n'es pas toute seule. Regarde-nous. Lya, Elizabeth, Arya, Shelby, Ethan, Julien, Tessa, Orlando, moi. On va tous t'aider parce que t'es notre amie. On n'a pas envie de te voir partir. On t'aime trop pour ça. Alors tu vas me ranger ces idées de ta tête et tu vas te reprendre en main. Tu vas arrêter de pleurer. Tu vas préparer ton déménagement et ta rentrée au MIT. Tu vas sourire et tu vas arrêter de survivre. Tu vas vivre et profiter de la vie. C'est ce que tu sais faire de mieux. Amuse-toi ! Part ! Voyage ! Réalise tes rêves parce que c'est ton but dans la vie ! Prouve au monde entier qui tu es ! D'accord ?
̶ D'accord. Je fais en essuyant mes larmes et en retrouvant le sourire.
Après avoir raccroché en lui promettant de ne rien faire de dangereux, je me commande un billet d'avion. Dès que les cours seront terminés, je partirai. J'irai m'isoler parce que j'en ai besoin. Je dois faire mon deuil au calme. Dans un endroit remplis de verdure et de souvenirs.
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