Chapitre 10

Depuis que l'interview a été diffusée, mon téléphone n'arrête pas de vibrer. Je reçois tellement de notifications que j'ai dû l'éteindre pour être un peu tranquille. Une seule phrase s'est transformée en un véritable mouvement. Qui aurait cru ? Certainement pas moi. Je sais que je suis une personne qui peut avoir de l'influence, mais je ne pensais pas à ce point. La toile est en feu. Les hashtags et les mentions fusent dans tous les sens.

#journée_sans_masque

@Julia.sc

#je_montre_ce_que_je_ressens_vraiment

Autant de tweets que de messages de mes amis. Apparemment, j'ai créé un véritable buzz. Ce n'était pas mon but, bien sûr, mais si les gens pouvaient être un peu plus attentifs aux émotions des autres, je n'aurais pas fait cela pour rien, même si ce n'était pas voulu.

Lundi, chacun d'entre nous montrera ce qu'il ressent. Montre la personne qu'il est vraiment. Que la société, que ses amis ou que sa famille soit contre. Personne ne doit dicter qui on est et qui on veut être. Soyons nous-même, au moins juste pour une journée. La journée sans masque, et ça, c'est aujourd'hui.

En arrivant au lycée ce matin, les étudiants me regardaient, me lançaient des sourires auxquels je répondais poliment. Je n'étais pas comme d'habitude. Cela se voyait très bien. Je n'ai pas revêtu un de mes éternels jeans délavés, ou un de mes beaux petits hauts d'été. Non. Je portais un simple jean noir, avec un débardeur noir, rien de plus classique. Tout ça accompagné d'un sweat à zip, celui d'Yvann. J'avais laissé mon sac à main noir pour mon sac à dos du collège. Enfin, j'ai accroché autour de mon cou l'alliance de mon mari. Mes bagues de mariage, elles, sont mises en évidence pour la première fois au lycée. Personne n'est au courant que je suis marié avec Yvann. Nous avons décidé de garder le secret jusqu'à la fin de l'année pour éviter les remarques désobligeantes de certains étudiants. On n'a pas besoin de ça lorsqu'on passe le bac. Malheureusement, je suis malgré tout le centre de l'attention. Loin de là de me déconcentrer, mais certaines personnes voudront forcement me rabaisser. La chose qu'ils ne savent pas, c'est que les remarques pessimistes ne m'atteignent plus depuis plusieurs années. Ils parleront seulement dans le vide. Qu'ils économisent de la salive, ce sera mieux pour tout le monde.

Lorsque je rejoins mon groupe d'amis, ceux-ci me regardent de haut en bas avant de prendre la parole.

̶ Eh bée, qui aurait cru que tu allais de transformer en madame tout en noir du jour au lendemain. Commença Ethan.

̶ Pas toi, on dirait. Répondis-je.

̶ Elle est magnifique la bague que tu as. Tu l'as acheté où ? Me demanda ensuite Safia.

̶ Je ne l'ai pas acheté. C'est ma bague de fiançailles. Yvann m'a fait sa demande à Noël. C'est un bijou de famille qui se transmet de génération en génération. J'espère que je pourrais le faire moi aussi. Dis-je un voile d'une voix monotone.

̶ Attend, ça veut dire que vous auriez dû vous marier ? S'esclaffa mon amie.

Voyant mon expression, Ethan répondis à ma place.

̶ Ils se sont déjà marié en fait. A la Saint-Valentin. J'étais un des témoins de Julia.

̶ Pourquoi tu ne nous en as pas parlé ? Intervient Lydia.

̶ Par ce que c'était sensé rester secret jusqu'à la fin de l'année. On organisait une fête avec toute notre famille et tous nos amis pour cet été.

Pour ma plus grande joie, la sonnerie qui annonça le début des cours mit un terme à notre conversation.

****

Le repas arrive vite. Trop vite. Je traîne les pieds jusqu'au réfectoire. La faim n'est toujours pas réapparue depuis sa mort, alors je mange le nécessaire pour rester en bonne santé, c'est tout. Ce midi, je mange avec Pierre. Je joue avec le contenant de mon assiette quand il se décide à prendre la parole.

̶ T'es en train de retomber dans l'anorexie ?

̶ Quoi ?

̶ Je te demande si tu es en train de retomber dans l'anorexie.

̶ Non, je ne ferai plus jamais cette erreur. Pourquoi ?

̶ Parce que je ne te vois pas manger.

̶ J'ai juste pas faim. Je me suis fait la promesse de ne pas retourner dans ce cercle infernal, ce n'est pas pour la rompre à la première difficulté.

Je me souviens encore du jour où j'ai décidé de m'en sortir. J'avais fait une crise d'angoisse, plus forte que les autres. Elle a été le déclic, mon déclic pour guérir.

Flash-back :

Je suis allongé dans mon lit. Comme tous les soirs, Ana me rabaisse. Je n'en peux plus. Cette voix me rend dingue. Elle est constamment avec moi. Elle me dit quoi faire et quoi manger. Mais ce soir, c'est différent. Elle est plus tenace, plus forte que les autres fois. Je n'arrive plus à me contrôler. Les larmes commencent à noyer mes joues creusées. Ma respiration s'accélère. J'ai l'impression d'étouffer. Mes mains tremblent tellement que je ne pourrais rien tenir. J'ai l'impression de mourir. Et puis, il y a cette voix. Elle est toujours là, toujours présente. Elle ne fait qu'aggraver la situation. Mes ongles rentrent dans ma peau. Je suis épuisée.

Je ne sais pas combien de temps je reste là, le regard dans le vide. Lorsque je reprends conscience, ma respiration s'est calmée. La voix est pari, même si, je le sais, ce n'est que pour que quelques heures. Puis, d'un coup, c'est le déclic. Je décide de mettre un terme à toutes ces angoisses, cette pression quotidienne sur mon poids et sur mon alimentation. Je me fais une seule promesse.

̶ Je ne laisserai plus jamais Ana dicter ma vie. Je vais sortir de ce cercle infernal et je vais guérir. Je vais m'aimer comme je suis.

Fin flash-back

Cette période a été la pire de ma vie. Me guérir a été difficile, mais j'ai finalement fini par réussir. Je me suis sortie de là. Il y a eu des hauts et des bas, mais j'ai réussi. Je déconseille cette maladie à tout le monde. Ne rentrez pas dans ce cercle infernal, vous n'en verrez pas le bout. Aimez-vous tel que vous êtes. Ne vous fiez pas aux regards des autres. Il n'y a que vous pour juger de votre beauté, même si, au fond, on est tous beaux.

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