CHAPITRE 2

 « Encore cinq minutes maman » marmonna Mia, réveillée par les rayons du soleil. Sa mère avait déjà ouvert les rideaux ? La matinée devait être très avancée... « J'ai gaspillé tellement de temps de ma journée » pensa la jeune fille. « Tellement de temps .... De TEMPS ! Le voyage temporel ! » réalisa-t-elle en ouvrant brusquement les yeux, à présent totalement éveillée. Plissant les paupières pour s'accoutumer à la luminosité, elle observa le lieu dans lequel elle se trouvait et qui n'était définitivement pas sa chambre. Elle distingua les murs sombres et rapprochés d'une étroite ruelle qui, heureusement, était vide. Elle se redressa sur ses coudes, se leva, et, par réflexe, sortit de sa poche son smartphone pour se géolocaliser avant de se rappeler que ce dernier n'était pas encore sensé exister en 1995. Elle poussa un long soupir puis se morigéna : elle avait choisi ce voyage, elle avait choisi cette année, c'était à elle de s'adapter ! « J'ai voyagé dans le temps, mais pas dans l'espace... » murmura-t-elle pour elle-même. « Donc je suis toujours à Paris. Il me faut donc localiser et rejoindre la tour Eiffel pour être en terrain connu ! » Toujours avec cet objectif en tête, elle s'engagea dans le dédale de rues qui s'ouvrait devant elle.

***

Deux heures plus tard, elle n'était pas plus avancée : elle errait toujours dans le labyrinthe inextricable de [ruelles] dans lequel elle avait été téléportée. Le soleil commençait à se coucher et les ombres s'allongeaient, projetant des silhouettes menaçantes autour d'elle. Le vent se faufilait dans chaque interstice, apportant dans un étrange murmure les miasmes nauséabonds des faubourgs. Commençant à paniquer, Mia se mit à courir à toutes jambes, tournant au hasard à chaque croisement. Au bout de quelques minutes, désespérée, essoufflée et à bout de forces, elle se laissa tomber le long d'un mur et se mit à pleurer.

« Psssst ! Par ici ! » Entendit-elle quelques instants plus tard. Tournant la tête, elle aperçut une jeune fille qui devait avoir à peu près son âge. Elle portait un chemisier blanc très légèrement décolleté, une jupe longue orange flamboyant et des converses blanches. Mia trouvait la jupe magnifique. Elle admirait les délicates broderies qui s'étalaient sur le bord inférieur lorsque l'adolescente qui l'avait interpellée la sortit de sa contemplation en ajoutant : « allez, viens ! »

Elle obtempéra et suivit sa nouvelle guide sans vraiment savoir où celle-ci la menait.

Cette dernière lui demanda ce qu'elle faisait toute seule dans les coupe-gorges à cette heure-ci, interloquée par tant d'imprudence.

« Je me suis perdue » avoua Mia, honteuse et reconnaissante envers sa sauveuse, qui lui avait peut-être évité un énorme danger. « Eh bien, tu as eu de la chance que je te trouve ! Cet endroit est très mal famé, une fois la nuit tombée !" Répondit cette dernière.

« tu as besoin que je t'aide à retrouver ton chemin ? je peux te raccompagner chez toi si tu veux, je connais bien ce coin. » Ajouta-t-elle, soucieuse. "Euuuuu" improvisa l'intéressée « Je ne peux pas retourner chez moi, c'est dangereux ! Mais peux-tu m'aider à retrouver la Tour Eiffel ?

- Oh, tu as fugué ? Ta famille est violente ? Mince, c'est vrai que dans ces conditions tu ne peux pas rentrer chez toi.... et Tour Eiffel est vraiment loin d'ici.... tu veux venir chez moi pour cette nuit ?

-eu, d'accord"

***

"Super, merci papa !" S'exclama la jeune fille - qui, Mia l'avait appris entre temps, s'appelait Marie - en embrassant son père.

"Tu peux dormir ici !" Ajouta-t-elle à l'attention de sa nouvelle amie.

Cette dernière, soulagée d'avoir un toit pour la nuit, accompagna son hôte et l'aida à installer un lit de camps dans sa chambre. Les deux jeunes filles discutèrent longuement, leurs voix emplissant l'air de la salle à manger durant le repas et l'espace de la petite chambre qu'elles partageaient. Elles se comprenaient entièrement et avaient l'impression de se connaître depuis toujours. Leur discussion dériva tellement qu'elles ne parvenaient plus à se souvenir ou elle avait commencé. Elles finirent par s'endormir, un grand sourire aux lèvres et une nouvelle amie dans le cœur.

Le lendemain matin, Marie débarqua dans la chambre avec une expression triomphante sur le visage et deux paires de rollers dans les mains. Se rappelant qu'elle était venue pour vivre les tensions du peuple, sur le terrain, et non pas faire du patin à roulettes, Mia s'apprêtait à décliner cette invitation muette lorsqu'elle se ravisa au dernier moment : après ces trois jours, elle ne verrait plus jamais son amie, autant en profiter ! Elle passa donc toute la matinée et une partie de l'après-midi à patiner avec sa camarade, qui avait pour ceci troqué sa jupe contre un jean délavé. Marie jouait le rôle de la guide touristique dans les rues du Paris de 1995, décrivant chaque bâtiment avec force de ragots.

"Et ici, mon lieu préféré !" S'exclama-t-elle en passant devant un vidéoclub. "Oh, j'ai une idée !" Ajouta-t-elle. "Ça te dirait qu'on loue une cassette pour ce soir ? Mon père est d'accord pour sue tu restes une nuit de plus !"

"Carrément !" Répondit Mia, contaminée par l'enthousiasme communicatif de sa comparse.

Elles s'engouffrèrent alors dans la boutique de location à la recherche d'un film à regarder. Mia s'amusa de voir des films anciens pour elle figurer dans les "nouveautés". Elle observait les cassettes lorsque Marie poussa un cri de joie. "mon film préféré est disponible ! Je veux trop te le montrer !" Dit-elle, tout excitée.

"Eu, d'accord !" Accepta la jeune fille du 21ème siècle en regardant le film en question de plus près. Il s'intitulait "retour vers le futur" et présentait une jaquette colorée. Voulant faire plaisir à son amie, elle accepta son choix et elles rentrèrent. Elles passèrent donc la soirée à regarder ce film, qui s'avérait parler de voyage dans le temps. Marie ne cessait de faire des commentaires sur l'impossibilité des voyages temporels et l'amusement que cela devait représenter de retourner dans le passé, sans remarquer l'inconfort de sa camarade. Éreintées par leur journée, elles finirent toutes les deux par s'endormir devant la télévision.

Durant son deuxième et avant-dernier-jour en 1995-son voyage dans le temps se terminant le lendemain matin, à l'heure à laquelle il avait commencé, c'est-à-dire environ 10 heures- Mia eu l'occasion de discuter avec le père de Marie. Il lui expliqua que l'école de sa fille était déjà en grève et que lui-même quittait régulièrement son travail pour aller manifester. La jeune fille ne s'était même pas rendue compte de l'absence d'école pour son amie en plein milieu de la période scolaire. Résistant à l'envie de prendre des notes, de peur de paraître suspecte, elle buvait les paroles de l'homme et tentait d'en mémoriser le plus possible. Il lui fit part de ses craintes quant aux nouvelles mesures économiques, puis elle se lança avec Marie dans une discussion passionnée autour de la musique, et plus particulièrement sur le groupe Nirvana. Le temps passa tellement vite que personne ne vit la journée s'écouler, et tous furent surpris par l'arrivée du soir.

Les deux jeunes filles regagnèrent la chambre et Mia s'apprêtait à s'endormir lorsqu'elle se rappela soudainement quelque chose : elle devait rejoindre l'endroit exact où elle avait atterri deux jours auparavant avant le lendemain matin 10h pour être renvoyée au bon endroit dans le présent. Se redressant sur son oreiller, elle demanda à sa camarade si celle-ci se souvenait du lieu précis où elle l'avait trouvée. Cette dernière la rassura en lui affirmant que oui et lui promis de l'aider à retrouver la zone en question.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top