3 || Le garçon au pull orange
Je m'approchais de cette femme que tous semblaient éviter. Ils ne leur venaient jamais à l'esprit d'aider autrui ? Ils me répugnaient. Comme ma mère biologique qui ne me m'avait pas aidé, alors que je n'étais qu'un bambin de deux ans. Elle devait probablement faire parti de ces gens qui ignorent cette pauvre femme, et devait à coup sur m'avoir déjà oublié. Voire refais des enfants et ne culpabilisait pas pour un sous de mon abandon dans un orphelinat.
Je me précipitai à son aide, prenant en charge l'un des sacs. La belle femme se tourna vers moi, le visage furieux. Elle devait probablement penser que j'étais un voleur, étant donné que je ne l'avais pas avertie de ma présence et de mon aide.
— Madame, je vais vous aider.
Elle me fixa, abasourdie. Elle semblait s'être perdue dans mes yeux. Et ses pupilles ne voulaient pas quitter les miens. Je devais avouer que cela me perturbait et me gênait. Je savais bien que mes iris en fascinaient beaucoup, parfois même les effrayaient, mais personne n'avait osé les fixer ainsi, sans se cacher un tant soit peu comme elle.
Sa mâchoire se décrochait petit à petit et sa tête prit un air ridicule. Elle ne semblait pas s'apercevoir que sa bouche grand ouverte et ses yeux également écarquillés fixé dans les yeux,
Je ne savais que dire face à son regard qui ne bougeait pas d'un poil.
— Madame ? tentai-je prudemment. Vous allez bien ?
Son regard revint se détacha du mien et elle sembla revenir à la réalité, comme si quelqu'un lui avait donné un coup
— Je- Oui... Merci petit, articula-t-elle doucement.
Elle se remit en mouvement, portant un des sacs de l'autre côté de la route, tandis que m'occupait du reste. Une fois sur le trottoir, je posai les deux sacs dont je m'étais occupé et lui sourit doucement. Elle détourna le regard, ne semblant pas vouloir affronter mon regard – regard dans lequel elle s'était perdue quelques secondes plus tôt.
Elle serra son poing sur sa cuisse, attrapant et froissant sa jupe. Je fixai sa main sur le vêtement, sans pouvoir rien faire contre sa soudaine anxiété. La couleur de tissu me rappelait réellement la jupe de mon souvenir, de ma mère biologique, mais ce ne pouvait pas être elle. Le monde était peut-être petit, mais pas à ce point. Et la rencontrer le jour précis où j'avais appris mon adoption ? Je n'étais pas dans film non plus.
Je ne détachai pourtant pas mes yeux du long vêtement couleur crépuscule. Je savais que ce ne pouvait pas être ma mère biologique, mais je m'imaginais, adulte, face à celle qui m'avait donné naissance. Qu'est-ce que je lui dirais ? Qu'est-ce que je ressentirais ? Y avait-il un instinct qui me forcerait à ne pas la considérer comme une énième inconnue ? M'expliquerait-elle sa raison de mon abandon ? Lui pardonnerai-je un jour ?
— Dis-moi, mon garçon, quel est ton nom ? fit la femme, me sortant de mes réflexions.
— Euh... hésitai-je.
Sa question me prit de court. Devais-je dévoiler mon prénom à une inconnue ? Je ne la connaissais pas certes, mais je l'avais aidé. Elle devait probablement vouloir connaitre le nom du jeune homme lui ayant facilité le transport de ses courses le temps du passage piéton.
Elle ne me semblait pas méchante et je ne sentais pas de mauvaise intention derrière sa demande. Et si me trompais, mon prénom n'était pas si rare, ce n'allait pas lui donner d'information trop grande sur moi.
— Romain. Je m'appelle Romain.
Elle me sourit tendrement, ses yeux levés vers moi transmettant cette même émotion. Gêné, je regardai le sol, levant ma main à ma nuque.
— Merci pour ton aide, Romain, fis-elle, visiblement la gorge nouée.
Suite à ses mots, sans attendre ma réponse, elle reprit tous ses achats et continua sa route sans un mot de plus. Bien qu'elle ne puisse probablement déjà plus m'entendre, je chuchotai un faible « De rien, madame. ».
Je restai quelques minutes, droit comme un I, fixant le coin de rue où la jeune femme avait disparue, ses longs cheveux châtains étant le dernière élément que j'avais vu d'elle.
Cette rencontre – cette femme à la jupe orange – m'avait bien perturbée. Et la voilà partie comme une fleur, envolée comme fuit une plume tombante dans le vent.
Reprenant peu à peu conscience du présent, je me remis à marcher, au hasard. Les passants me regardaient étrangement quand je me tenais sans bouger, tel un poteau en plein milieu du trottoir.
Je regardai l'écran de mon téléphone, en marchant. Les passants m'évitaient, me permettant de ne tomber sur personne. J'hésitais fort à appeler Alex, mon meilleur ami. Il était très intelligent et avait toujours les mots pour me remettre d'aplomb. Mais cette situation ne le concernait pas. Cela tournait autour de mon enfance, des mes parents – adoptifs, j'avais encore du mal à m'y faire... – et de celle dont j'héritais mes gênes et qui pourtant avait choisi d'abandonner la chair de sa chair après presque deux ans à s'être occupée de moi.
Une pensée revint me tarauder l'esprit. Et si Alex avait déjà compris ? Ce n'était pourtant pas si difficile à comprendre. Un coup d'œil et on devinait sans mal que ceux m'ayant élevés n'étaient pas ceux m'ayant mis au monde. Si de mon côté je n'avais rien vu venir, c'était j'étais aveugle, dans le déni et que je ne pouvais – voulais – pas imaginer cela. Alors sachant qu'Alex était très intelligent et perspicace... le savait-il déjà ? Et si oui, pourquoi ne pas me l'avoir dit ? Lui aussi avait choisi de me mentir pour préserver mon innocence, quitte à en subir les conséquences le jour où je découvrirais son mensonge ?
Je devais avoir des réponses. Alors qans attendre plus longtemps, d'un geste sûr, j'appuyais sur l'écran de mon téléphone et le porta à mon oreille.
Un son caractéristique me fit comprendre qu'il avait décroché immédiatement.
— Alex. Tu as cinq minutes ? Je dois te parler.
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