Chapitre 3
Comme je m'en doutais, la nuit fut courte. La favorite du roi ne m'a laissé aucun répit et m'a posé des questions quasiment toute la nuit sur quelle était le meilleur choix pour demain? Si je pouvais rajouter si? Faire ça avec plus de longueurs? En bref, beaucoup trop de questions pour si peu de temps.
Depuis mon lever tardif, ce qui n'est pas dans mes habitudes mais j'en avais réellement besoin, je sens un mal de tête pointer le bout de son nez. Les allées et venues des serviteurs dans les couloirs n'arrangent en rien mon mal. Il est midi passé et la famille royale doit déjà être en train de déjeuner. Je suis trop en retard pour m'y présenter. A la place j'embarque un plateau rempli de nourriture jusqu'à rabord, et part en direction de la bibliothèque. Ce château est un vrai labyrinthe, on peut vite s'y perdre lorsqu'on ne connaît pas bien les lieux. Encore aujourd'hui il m'arrive de découvrir de nouvelles pièces inexplorées. Ce château est encastré dans un immense arbre, le plus grand de tout le royaume et ses alentours. On dit que ce sont les ancêtres qui l'ont fait construire ainsi. Cette prouesse serait impossible à réaliser aujourd'hui, nos capacités et connaissances se sont affaiblies avec le temps. Nous avons perdu la force que nous avions auparavant. Beaucoup de nos anciens ouvrages ont été brûlés par certains royaumes Darniens qui nous voulaient du mal.
L'intérieur du château ne laisse aucunement paraître que nous sommes bel et bien dans un arbre massif et pourtant entre chaque murs se faufile des centaines de branches. On peut les entendre bruisser la nuit lorsque le calme est présent. Certains pourraient trouver cela étrange, voire même effrayant. Mais pour ma part il n'en ai rien, je trouve cela apaisant.
Aujourd'hui est une journée ensoleillée et chaude. Je regrette d'avoir mis une robe à manches longues et épaisses, mais j'aime tellement sa couleur. J'ai eu énormément de mal à obtenir cette couleur, un vert dont la carnation se situe entre celle des épines d'un sapins et la plus brillante des gemmes d'émeraude. Heureusement, il pourrait faire encore plus chaud si les branches de l'arbre du château ne nous abritaient pas. Inconvénient: moins de lumière, avantage plus de fraîcheur, sauf en hiver ou l'avantage devient un inconvénient.
Alors que je m'apprête à rentrer dans la bibliothèque, la porte s'ouvre et je tombe nez à nez avec mon père. S'il n'avait pas relevé la tête avant il me serait rentré dedans. Il faut dire qu'il à cette fâcheuse tendance à ne prêter aucune attention à ce qui l'entoure, toujours plongé dans un livre, mais pas cette fois. Il a l'air fatigué, lui aussi. Des cernes aussi longs que des poches et un regard un peu dans le vague mais pas lorsqu'il me voit. Son regard change et laisse place sa moue fatiguée fait place à un petit sourire qui réchauffe son visage
- Bonjour, Arthéna comment vas-tu? J'ai eu vent que tu as travaillé toute la nuit toi aussi. Personne ne m'appelle par mon nom complet, même pas le roi. Seul mon père le fait et j'avoue ne pas aimer ça.
- Oui, en effet. Je suis un peu fatigué mais j'ai pu me reposer. je me suis réveillé il y a peu. Il baisse la tête et comprend que j'ai l'intention de déjeuner dans la bibliothèque.
- Oh excuse-moi. Vas-y entre. Il se met sur le côté pour me laisser passer.
- Je te souhaite une bonne journée. Il s'éclipse sans même me laisser le temps de lui répondre.
J'aime mon père, cependant il faut bien l'avouer, il n'est pas le plus affectueux des pères. À chaque fois que l'on se voit nous ne nous échangeons que des banalités. Je sais qu'il essaye de faire des efforts et je fais de même mais il y a une espèce de barrière qui nous empêche d'avoir une vraie conversation. Cela aurait peut-être était différent avec ma mère biologique.
Malgré cela il reste mon père et nous partageons des traits qui ne trahissent pas, comme la couleur de ses yeux, un bleu qui tire vers le gris ou encore son attitude quelque peu solitaire.
Je marche jusqu'à une table éclairée par des bougies. Cette pièce est majestueuse par sa taille, mais lugubre par ces grands rideaux qui ne laissent filtrer que peu de jour. D'autant que le château n'est déjà pas bien éclairé à cause des branches de l'arbre qui nous confèrent que peu de lumière. Ce qui n'est pas pour déplaire aux scribes pour la bonne conservation des ouvrages de cette pièce.
J'aimerais avoir plus de temps à consacrer à la lecture mais depuis que je suis devenue la fileuse de nuage attitré du cercle royal, entre ça et les entraînements intensifs, j'ai rarement le loisir de me distraire. D'autant que les livres que je lisais étant plus jeune étaient souvent imposés par mes professeurs lors de nos cours en commun avec la famille royale.
Je savoure mon repas dans un silence apaisant. J'entends quelques pages se tourner, signe que je ne suis pas seule. Ce silence est apaisant. Même si je ne suis pas une solitaire dans l'âme, j'aime parfois me retrouver seule avec mes pensées. Et après tout, nous savourons les joies de la solitude, parce que nous savons que nous sommes entourés.
Après avoir englouti la dernière bouchée de mon repas, je me lève et emporte le bougeoir en laiton mis à disposition pour pouvoir m'éclairer. Je flâne à travers les rayons de livres en quête de ma prochaine lecture. Le bout de mes doigts effleure, chaque reliure de ces vieux livres prenant la poussière. Je m'arrête un instant, intrigué par un livre dont le cuir est dans un état impeccable. Je reconnais ce livre. Nous l'avions étudié plus jeune, Shazi, moi ainsi que les plus grands enfants de la famille royale.
Il s'agit de la mémoire de nos ancêtres, les Sidaris. Je l'attrape avec délicatesse, puis l'ouvre pour y feuilleter les premières pages. Quelques bons souvenirs me reviennent en mémoire. Une époque plus facile où nous étions plus insouciant de ce que l'avenir nous réservait.
J'aime cette histoire, elle raconte la légende de comment nous sommes apparus.
Ce peuple sans pouvoir appeler Darniens vivaient dans la peur et l'angoisse des créatures qui peuplaient leurs terres. Ils priaient chaque jours les dieux de leurs venir en aide. On raconte qu'ils ont fini par avoir pitié d'eux et on alors envoyer les Sidaris.
Venus d'une étoile, ils sont apparus, scintillant comme une nuée d'étoiles. Ils ont alors chassé les bêtes féroces qui ennuyaient tant les Darniens. Et les deux peuples s'unifièrent pour n'en former qu'un.
Mais, puisqu'il y a toujours un mais, cette légende provient des Darniens. De ce que nous disent nos ancêtres, d'après les dires des anciens, nous étions déjà, sur les terres lointaines, et ce depuis longtemps. De plus, peut-être fut un temps où nos deux peuples étaient amis, mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Même si certains ne considère comme leurs égaux, ce n'est pas le cas de la majorité, hélas.
Tendit que certains nous tolère, d'autres nous persécute. Avec le temps, certains ont fini par nous haïr. Je ne sais pas si un jour nos deux peuples pourront se réunifier, mais je garde l'espoir d'un avenir meilleur.
*
La salle du banquet, illuminée par d'immense chandelier, est déjà bien remplie, lorsque l'on m'annonce, moi et ma famille. N'étant pas princesse, j'aurais dû me présenter bien avant, mais puisque j'ai été adopté par une des reines de ce palais je me présente avec ma famille, les Duzac, c'est-à-dire, ma mère, Shazi et moi-même. J'aurais dû conserver le nom de mon père, Betillon, mais je trouvais qu'il était important de prendre celui de ma mère adoptive. Après tout, c'est elle qui m'a élevé et je lui en serai éternellement reconnaissante. Nous descendons, toutes les trois, les marches de la salle du banquet. J'ai troqué ma robe verte pour une plus légère et de couleur pourpre. Je porte ainsi les couleurs de ma famille. Un drapé s'étend de mon cou, jusqu'à mes coudes, laissant mes épaules nues. Je sens mes cheveux blancs qui ont été ondulés pour l'occasion caresser le haut de mes bras.
Shazi porte une robe rouge qui tire vers le noir. je sais que comme Maman, elle n'a pas pu renier son instinct de guerrière et doit porter une dague à sa cuisse en dessous de toutes ses couches de tissu. Ses cheveux torsadés lui tombent au creux de ses reins. Toute sa tenue fait ressortir ce qu'il y a de plus fort en elle, les plaques dorées sur sa peau.
Mère aussi est en beauté ce soir, la tête haute, ses cheveux courts et crépus elle porte sa couronne noire à 4 pics. Fidèle à elle-même , sa robe couleur rubis est agrémenté de son éternel bustier de chevalerie dans le blason de la famille Duzac y est gravé.
Arrivé en bas des marches, ma sœur et moi et nous jetons un rapide coup d'œil qui en dit long, certaines que nous allons rester près l'une de l'autre toute la soirée pour pouvoir commérer sur toutes les situations rocambolesques. Vu que la famille royale sera au complet, on peut le dire, ce bal peut prendre n'importe quelle tournure. Notre mère nous fait face, un sourire malicieux entre les lèvres.
- Ce soir, les filles, je ne veux aucun scandale. Toi Shazi, je ne veux pas que tu te lances dans un énième combat contre tes frères. Quant à toi, Théna , me lance-t-elle en se détournant de ma sœur. Tu ne parles pas aux traducteurs dans cette salle et interdiction formelle d'inventer je ne sais quelle langue.
- Depuis quand le Myilbeolekhi est une langue inventée. M'offusqué-je avec théâtralité. Tu entends ça Shazi!
- La langue de mes ancêtres ainsi bafouée. Réplique-t-elle avec une fausse émotion dans sa voix et la main sur le cœur.
- Les filles. S'impatiente ma mère, non sans une pointe d'amusement. Amusez-vous bien... mais pas trop quand même. Dit-elle, avec un sourire au coin des lèvres, avant de partir discuter avec des diplomates de royaumes alliés.
Ma sœur et moi, éclatons de rire. Bras dessus, bras dessous, nous nous dirigeons vers le point de ralliement. La salle du banquet est immense et beaucoup d'invités y sont déjà entassés. Il est donc difficile de se déplacer sans se faire accoster. Tout en essayant de me créer un passage parmi les invités, je manque de percuter un homme aux yeux jaune qui me regarde avec dédain et marche sur les longs cheveux en lianes tressés d'une courtisane du royaume de Shiva.
Après avoir bataillé pour nous frayer un chemin, nous arrivons là où une énorme racine de l'arbre se détache du mur. Je m'assois comme si il s'agissait d'un banc.
La famille Betillon est annoncée. J'aperçois mes cousines, Noélia et Anelia se faufiler jusqu'à nous, suivi de prêt par Arben, le benjamin de la famille. Les jumelles avec leurs longs cheveux noirs ondulés, portent toutes les deux des robes aux manches courtes laissant apercevoir les plumes noires corbeau qui s'étendent du dos de leurs mains jusqu'au coudes. Elles arborent, elles aussi, les couleurs de leur famille, le blanc.
Les reines de notre royaume ont chacune leurs couleurs. Pour ma mère, reine des armées, il s'agit du rouge. Pour la famille Betillon, mes cousins de par mon père, Éthel, ma tante, reine de la justice et porte pour couleur le blanc. Pour ce qui est de la reine Mélina, reine de la finance, il s'agit du bleu. Et enfin Antoinette, reine régente arbore le rose. C'est ainsi que gouverne notre roi Rudlof, chacune de ces femmes ont un pouvoir exécutif dans le royaume d'Iviador.
Mes cousines nous saluent et s'assoient de part et d'autre à côté de moi.Tandis que ma sœur, à mes côtés, est restée debout à scruter, de son regard perçant, chacun des invités de cette salle. J'aperçois Arben en train de discuter avec l'un des serveurs. Je crois bien qu'il essaye de l'amadouer pour pouvoir embarquer le plateau entier de toast en tout genre. Ce petit, dont le costume argenté lui sied à merveille, est bien malicieux. Il nous rejoint le plateau plus que rempli avec un sourire triomphant au coin des lèvres. Au loin j'entends la famille Meirel être annoncée.
- 20 pièces d'or que Maisie trébuche pour attirer l'attention. Annonce Noélia tout en nous regardant à tour de rôle, pour savoir si nous suivons le pari.
- Je t'en pari 30 que l'annonceur se trompe au moins une fois dans le prénom d'un membre des M. Surenchérir Shazi. Arben tu tiens les comptes ?
- Compte sur moi, dit-il en joignant les deux doigts sur sa tête brune ébouriffée pour lui faire un salut.
Du haut des escaliers, l'annonceur, un grand monsieur fin, la peau verdâtre, prend une grande respiration.
- Veuillez accueillir notre représentante de la finance, la Reine Meirel Mélina. Princesse Meirel Mevna. Prince Meirel Mark. Princesse Meirel Maria. Princesse Meirel Maisie. Dit-il avec difficulté en écorchant son prénom. Et la princesse Meirel Marinel. Il finit donc ainsi sa longue tirade à bout de souffle.
Voilà donc pourquoi nous les appelons les M. Reine Mélina est très proche de notre reine régente. Elle est aussi très influençable, notamment par celle-ci, elle n'a donc eu aucun mal à la convaincre que c'était une bonne idée de nommer tous ses enfants par la première lettre M et renforcer ainsi la puissance de leurs noms de famille.
Personnellement, je suis mitigé. D'un côté, j'ai toujours aimé la façon dont ils signent chaques lettres royales, un double M, mais d'un autre côté ce choix a déjà fait preuve de moquerie par le passé. surtout étant plus jeune, les enfants sont souvent plus prompts à se moquer.
À mes côtés, je sens Anelia se trémousser. Elle semble mal à l'aise. Je la questionne:
- tout va bien ? Elle marque un temps pour répondre.
- Il faut que je te parle de quelque chose ? Me chuchote-t-elle, On m'a demandé de garder le secret, mais je pense qu'il faut que tu saches ce qu'il va arriver ce soir.
- Anelia! Gronde sa sœur.
Noelia fronce les sourcils à l'intention de sa sœur. Je ne comprends pas de quoi il en retourne. J'essaye d'obtenir du soutien de la part de ma sœur, mais elle aussi a l'air dans la confidence et fait mine de ne pas me voir. Mes yeux lancent des éclairs. On me cache quelque chose.
- Que se passe-t-il ? Pourquoi êtes-vous muettes d'un seul coup ? ma voix est plus éraillée que ce que je voudrais.
- C'est à propos de Rhory. Lance Shazi d'un ton excédé. Mais elle n'en dit pas plus.
- Eh bien quoi? qu'est-ce qu'il a Rhory ?
- Il va annoncer ses fiançailles ce soir.
Je sens mes organes dans mon ventre se tordre à l'annonce de cette nouvelle. Mes cousines se disputent, mais je n'entends rien. Tous les sons se mélangent, mes oreilles semblent remplies de coton. En haut des marches de la salle de bal, la reine régente s'apprête à être présentée, ainsi que toute sa famille. J'aimerais détourner le regard, mais mes yeux ne sont focalisés que sur une seule personne: Rhory, mon ex fiancé.
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