🍄Back to black🍄

Perdu sans l'être. Gagnant déchu. Il venait de tout perdre ! Soldats, amis, familles, il les voyait, gisant sur le duvet froid, peindre la neige écarlate. Il rampait, il marchait, il courait s'accrochant à la vie, une vie qui lui glissait entre les doigts. Il laissait, tel Le Petit Poucet, la trace de son passage à la seule différence qu'il s'éteignait à petit feu comme la petite fille aux allumettes. Le long du chemin qui le ramènerait au domaine Hilton. Le visage méconnaissable. La vision trouble. Il se devait de continuer... seul survivant de cette embuscade déloyale ! Il ne devait pas abandonner leur mémoire.

Bientôt, il put entrevoir, caché entre les arbres morts, le manoir de son enfance. Une vague d'espoir le transperça. Son fusil percuta le manteau blanc, le canon planté dans la neige. Il se précipita vers la porte. Scellée. Clouée. Bétonnée. Il y tambourina, espérant qu'elle le laisse entrer. Un coup de feu fendit l'air. Il s'écroula lourdement sur le sol glacial. Incapable de bouger. Incapable de parler. Paralysé, il ne put que fixer la diablesse. Ses iris bleus tombèrent sur sa paupière inférieure. Il ne pouvait s'empêcher de regarder ce que la femme tenait dans sa main droite. Les doigts délicats de la rouquine pressaient ce qui ressemblait à un cœur. Celui-ci se vidait de son liquide vital et venait se mélanger au sang du jeune homme.

— Tu n'aimeras jamais une autre personne que moi, sinon je révèle ton secret.

La tête de Guillaume frappa le sol. Que fut la vision d'horreur lorsqu'il vit le corps dépecé d'une fillette à ses côtés.

*•*•*

Sueur froide. Poumons inexistants. Son cœur frappait les os de sa cage thoracique. Il passa une main sur son front perlé et suivit sa cicatrice de l'index. Il aurait préféré que son cauchemar vienne uniquement de son imagination, mais il y avait une once de vérité. Pourquoi ne l'avait-il pas dénoncé ? Cette sorcière lui avait tout enlever ; sa dignité, sa liberté, sa vie. Il ne pouvait que mettre la faute sur son manque de courage. Et, au moment où il reprenait un train de vie des plus normaux, on l'embarquait dans la folie des mariages arrangés.

Le jeune homme soupira et tira la couverture, afin de cacher seulement son sexe. Ses yeux azur fixaient ardemment la peinture devant lui. Il était préoccupé par tout ce cirque. Le jeune Hilton avait l'impression que cet engagement était de mauvais augure. À peine avait-il réussi à se reprendre en main et à retrouver un semblant de liberté qu'on lui coupait les ailes. Il s'en voyait malheureux. Anabeth n'était pas une laideur, mais quelque chose sur elle le dérangeait, il ne savait dire quoi.

Guillaume porta une attention particulière à la fenêtre par où sa maîtresse avait pris la fuite, dès les petites heures du matin. Le futur Duc soupira. Une journée abominable l'attendait ! Pour le plaisir de son père, il devait faire grâce devant Lady Crawford. Il se leva et s'approcha de sa commode. Anabeth lui avait voler sa bonne, il se retrouvait à présent seul devant une pile de vêtements. Que devait-il mettre ?  

Guillaume enfila ses vêtements, qu'il avait choisi sans grande minutie, et se contempla dans le miroir. Voyant sa mine sombre, il haussa les épaules. Des cernes creusaient ses paupières inférieures, tandis que son visage restaient figée dans une expression meurtrière. Si cela pouvait convaincre son père de lui laisser sa liberté, il ne demandait rien de mieux.
Le jeune homme ébouriffa ses cheveux et tourna les talons tout en sortant de sa chambre.

— Bon matin, Sir. Hilton, fit une femme en passant à côté de lui.

Le jeune homme, intrigué, se retourna et aperçu qu'il s'agissait de sa futur femme. Il ne lui accorda pas plus d'attention et continua sa route vers la cuisine. Il poussa les doubles portes et se dirigea vers le comptoir où se trouvait un bol de fruits. Guillaume n'hésita pas à le voler et il s'assit sur un fauteuil, devant une grande fenêtre qui lui offrait la vue sur l'océan qui se trouvait derrière le manoir.

— Elle a l'air ravissante. Je ne comprends pas pourquoi vous n'aimez pas votre future femme.

Edmund était caché derrière un journal. Ses yeux se baladaient sur les mots, voulant savoir les nouvelles du jour. N'ayant aucune réponse de son frère, il plia sa gazette et fixa celui-ci de ses iris ébène.

— La liberté mon frère. Vous avez de la chance d'être le deuxième né. Il vous reste encore quelques années.

— Si j'étais vous, je l'aurais épousé sur le champ !

Edmund se leva, lança son journal sur son aîné, que celui-ci peina à rattraper. Il regarda Guillaume froidement, avant de cacher à son tour son visage derrière le Hilton Adventure.

•*•*•

Les rayons du soleil caressaient son visage. Une douce chaleur la parcourut, celle-ci, si réconfortante eut pour effet de la tirer de ses songes. Ses yeux s'ouvrirent et se refermèrent de si tôt. Pourquoi ne pouvait-elle pas faire la grâce matinée ? Anabeth se redressa, son corps toujours emmitouflé d'une épaisse couverture de coton. Ses yeux ardoises restèrent hypnotisés sur la peinture accrochée au mur devant elle. Quelle magnifique rêve ! Tout comme la toile, son imagination l'avait guidée au pied d'un chêne perdu dans une clairière. Cette endroit ne lui était guère inconnu, plus jeune, elle y passait ses journées assise à ses racines en feuilletant les pages de ses bouquins. Que de bon souvenirs, mais elle chassa vite cette pensée ! Aujourd'hui, s'avérait être une journée mouvementée. Anabeth devait faire plus humble connaissance avec la famille Hilton. Lady Crawford ferma les yeux et soupira. Elle souhaitait être à la hauteur de cette famille honorable. Ne pas leur faire honte s'agissait déjà d'un grand défi. Sa nervosité lui jouait parfois des tours.

   La jeune femme déposa ses pieds nus sur le sol. Une sensation de froid lui monta de la tête aux plantes de ceux-ci. En ce mois d'avril, à peine entamé, la température ambiante agissait sur le plancher qui s'était refroidi. Anabeth s'empressa d'enfiler ses chaussons et tirer les draps. Si elle pouvait aider le personnel, elle s'en voyait ravie. Elle se considérait assez autonome pour effectuer certaines tâches, par contre, cuisiner ça elle ne savait pas.

   D'un pas feutré, elle s'approcha de sa commode. Elle tira le premier tiroir et y plongea les mains, celles-ci à la recherche d'accessoires discrets, se mélangeaient aux multiples bouts de tissu. Anabeth en ressortit une paire de gants blancs. La jeune femme les déposa sur son meuble. Tout en effectuant ce geste, elle croisa son reflet dans le miroir. Elle poussa un soupire lourd de regrets. Elle aurait t'en voulut recevoir un exemple maternel, afin de la préparer à cette événement. Elle n'avait jamais connu sa mère et son père n'avait jamais daigné se remarier. Anabeth chassa cette pensée de sa tête et étira les commissures de ses lèvres en un fin sourire.

— C'est avec un grand honneur que je prendrais pour époux votre fils, monsieur Hilton, tenta-t-elle de prononcer.

Un son roque et gras sortit de sa bouche, sa voix du matin se trouvait très peu convaincante, pour persuader son futur beau-père. Elle posa une main sur sa gorge et essaya d'enlever le mottons qui l'empêchait de s'exprimer convenablement. Son sourire s'élargit, Anabeth replaça une mèche derrière son oreille et fixa, de nouveau, ses yeux ardoise.

— C'est avec un grand honneur que je...

Elle arrêta subitement de parler et fit dos à son reflet. Elle avait l'impression d'être stupide à faire la discussion à elle-même devant un miroir. Elle s'assit sur le bout du lit et croisa ses bras autour de sa taille. Elle croyait être heureuse d'accomplir enfin son devoir, mais ce n'était que si près du but qu'elle commençait à angoisser. Plusieurs questions se bousculaient dans sa tête : était-elle à la hauteur ? Allait-elle être appréciée par son mari ? Allait-elle lui offrir un héritier ? Tant de questions, dont elle ne connaissait pas la réponse en avance. Elle se ravisa, elle se convainquit que ce n'était qu'un mariage. Ce sentiment d'angoisse n'était-il pas naturel après tout ?

Trois coups retentirent à la porte. Anabeth, perdue dans ses réflexions depuis déjà un long moment, sursauta. Elle se leva d'un bond et replaça ses cheveux derrière ses épaules. À pas de loup, elle s'approcha de celle-ci et déposa sa main sur la poignée. La porte s'ouvrit et une femme entra dans la pièce. Elle avait des cheveux bruns ramenés en un chignon dépeigné, ses grands yeux marrons regardait la future duchesse, attendant un ordre.

— Mademoiselle Reihana Salvador, c'est ça ?

   Anabeth tentait au mieux de se rappeler du nom de sa servante, mais à l'expression que lui tirait l'espagnole, elle voyait bien que ce n'était guère cela.

— Rebecca, votre grâce.

Anabeth afficha un sourire niais. Elle n'aimait pas se tromper ou avoir tort, mais elle n'avait pas le choix d'accepter sa défaite. Elle s'était trompée !

— Mille excuses, j'espère que vous allez me pardonner de vous avoir débaptisé.

— Ce n'est rien Milady. Je viens vous apporter votre robe pour la journée.

Anabeth hocha la tête, encore confuse et frustrée par elle-même. Elle avait une facilité à retenir les noms et voilà qu'elle se trompait. Le stress, se ravisa-t-elle.

*•*•*

Anabeth attendait devant une cheminée, que le Duc Hilton fasse son apparition dans le bureau. Un feu ardent crépitait devant ses yeux. Les flammes orangées dansaient devant ses yeux, l'hypnotisant au passage. Il éclairait et réchauffait la salle du mieux qu'il le pouvait. Une grande fenêtre se trouvait derrière le bureau, donnant une vision de la forêt. Un tapis rouge recouvrait le sol. Deux fauteuil de cuir reposaient devant le bureau de bois. Une immense bibliothèque prenait l'espace entier d'un des quatre murs, plusieurs livres de multiples couleurs la comblaient.

Anabeth avait fait le tour du manoir. Toutes les pièces qu'elle avait visité comportait de grandes fenêtres, afin de donner une vue exceptionnelle sur la forêt qui les entourait.

— J'espère que ce domaine vous plaît. Cela sera bientôt votre demeure.

Charles Hilton entra dans la pièce, ayant apporté une coupe de vin rouge, qu'il déposa sur la tablette de la cheminée.

— C'est ravissant. Il me tarde de faire mes valises et de m'installer ici. Votre fils m'a l'air d'un homme d'honneur et de foi.

— Plaît-il ? fit-il surpris. Ou... oui, mon fils est un homme qui fait preuve d'un grand sens des responsabilités et du devoir, menti-t-il.

Le Duc prit une grande gorgée de son vin. Son fils en était le contraire, mais brisé les espoirs d'une jeune femme, d'avoir un mariage sérieux, ne se retrouvait pas dans ses valeurs.

— Avez-vous faim ? Le déjeuner est servi. Vous pourrez faire plus humble connaissance avec mon fils.

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