Un jour ordinaire. Un garçon ordinaire. Une chambre ordinaire. Une vie ordinaire. Sa fenêtre donne sur la rue. Quel problème le jour de l'emménagement !
Autrefois, ses parents avaient eu l'idée de mettre un autocollant miroir afin de préserver sa vie privée.
Il aime bien regarder par sa fenêtre. Il invite pas beaucoup de gens chez lui, alors il a du temps à consacrer à ses observations.
Dans la rue, personne ne stoppe jamais sa course.

Sauf qu'aujourd'hui, là, tout de suite, une fille s'est arrêtée devant sa fenêtre. Jamais ça ne lui était arrivé !
Elle se jette un œil critique dans la glace improvisée. Puis fait la moue, pour finalement laisser échapper un soupir.

Tétanisé, le garçon a pour réflexe de s'éloigner précipitamment de la fenêtre, puis de se figer, hors du champ de vue de l'inconnue. Il fronce les sourcils. "Que fait-elle là? Elle essaye de regarder derrière l'autocollant ou quoi?" "Non." "Elle a rien de mieux à faire?" "Pas apparemment.", lui répond la voix de sa conscience.
Ses questions résonnent en arrière plan tandis qu'il s'approche courageusement, mais lentement, de la vitre. Arrivé, il est tenu immobile par le regard de la fille. Elle le fixe sans le fixer. Elle croit se regarder mais elle regarde quelqu'un d'autre. Ils font la même taille, remarque-t-il.
Elle tente un sourire à la vitre.

Le garçon, tiré de son engourdissement, s'agace. Elle se recoiffait à présent ! "Mais pourquoi ici?" se demanda-t-il en fronçant davantage ses sourcils. C'est qu'il commençait à s'impatienter.
Durant un très court instant; une pensée lui traverse l'esprit : et si il en profitait pour lui faire des grimaces? Non. Ce n'est pas décent. Et puis il se l'avoue volontiers, il n'est pas assez téméraire pour ça. Cette pensée écartée, il se rend compte d'une chose : Il en a franchement marre, il veut qu'elle parte.

Alors il met de la musique. Une musique énergique, violente, à un volume fort. Il allume la lumière au plus fort et commence a danser en faisant des grands gestes, une lampe torche à la main.
Il se dit que comme ça, elle comprendra que la chambre était occupée et partirai vite fait bien fait.
Son plan fonctionna à merveille : elle sursauta avant de partir en jetant un dernier coup d'œil, inquisiteur cette fois-ci.

Maintenant qu'elle était partie, il avait éteint la musique. Un rire nerveux lui échappa. Venait-il vraiment de danser, une lampe torche à la main sur un style de musique qu'il détestait ? Il se sentait engourdi, comme si tout ce qui venait de se passer n'était pas réel.
Il ne pouvait s'empêcher d'être déçu. Ça a duré, quoi?, cinq minutes maximum. Enfin un événement qui le sortait de son quotidien. Qu'il adorait... Mais qui se révélait lassant à la longue. Il se lassait de sa solitude, se rendit-il compte.

Sans plus de délai, il contacta des amis pour une sortie dans les jours à venir. Et si il avait peur de ne pas se faire accepter tel qu'il était, préférant se murer dans une solitude pesante? Plus il y songeait, plus cela prenait sens.

    Le soir, ce serait mentir de dire qu'il n'avait pas songé à la fille-miroir. Il la prit comme un signe. Il se sentirait mieux, grâce à elle... 
...Et elle ne le saurait jamais.