Chapitre 9

Il neige ! J'attendais ce moment avec tant d'impatience : nous sommes une semaine après la rentrée, et la météo ne s'est pas trompée - pour une fois. Incapable de me coucher, je regarde par la fenêtre de ma chambre, en cette nuit de janvier, les flocons tomber mollement un part un sur le sol froid de la rue. Cette vue, si douce et si calme, annonce la suppression des bus de demain. Nul doute que beaucoup d'élèves seront absents. Pour ma part, je sais que je me rendrai au collège ; il n'est qu'à dix minutes de marche. Et surtout, comme j'ai cours d'Histoire, j'ai hâte de voir la cour enneigée du haut de ma fenêtre.

Je continue de regarder le doux manteau blanc se déposer peu à peu sur le macadam froid de la rue. Minuit est passée lorsque je décide enfin de me coucher.

Quelques heures passent, déjà mon réveil m'ordonne de me lever. Fatiguée, je me prépare à me rendre au collège. Une douche rapide et deux tartines plus tard, je franchis le seuil de la porte. Mon père, que la neige contraint de rester à la maison, me souhaite une bonne journée. Je lui renvoie un "merci" furtif.

Le vent est glacial dehors. Mes pieds s'enfoncent sous la masse blanche et me font frissonner à chaque pas. Devant moi, une famille de bonhommes de neige se baladent. Plus je les observe, et plus grimpe mon envie de voir ma fenêtre du cours d'Histoire. La grille rouge, ou plutôt blanche aujourd'hui, se dessine devant moi. Je ne l'ai qu'à peine passée que la sonnerie retentit. Vite ! Je m'active pour rejoindre ma classe. Nous sommes six élèves : aucune chance que nos professeurs fassent cours.

Théo et Hugo sont parmi nous. Je ne suis pas surprise de voir le premier, je sais qu'il habite proche du collège. En revanche, j'ignore où le second habite. J'aimerais le lui demander, mais je ne veux pas risquer de l'embêter. Et Louise, où se trouve sa maison ? Elle doit être immense. En tout cas, ma camarade n'est pas là aujourd'hui.

Alors que d'habitude, ils se contentent tous de me saluer de loin le matin, cette fois-ci le châtain tire son ami du bras pour s'avancer vers moi. Certainement car je les fixe depuis tout à l'heure. Je devrais vraiment lutter contre cette effrayante habitude.

— Salut Léa, me lance Théo. C'est cool que tu sois venue.

— Salut. Louise n'est pas là ?

— Elle habite trop loin, m'informe Hugo. La neige la bloque, même si rater les cours la stresse toujours autant. On a beau lui dire que de toute façon on ne va pas travailler de la journée, il n'y a rien à faire. Elle est angoissée !

Effectivement, Louise n'a pas à s'inquiéter : que ce soit en cours d'anglais ou de français, notre matinée n'est rien d'autre qu'une suite de films interminable. Les professeurs ne font décidément preuve d'aucune imagination pour nous occuper. Placée devant son bureau, je remarque celui de musique qui se gratte le crâne chauve, les lèvres pincées en un rictus insatisfait et les yeux rivés sur son portable. A tous les coups, il est encore en train de jouer à Candy Cruch.

Moi aussi, j'aimerais bien m'amuser un peu. Heureusement, le cours que j'attendais arrive enfin. Je pars m'installer à ma place habituelle, au fond de la salle. Monsieur Cardot me propose de me rapprocher, mais je refuse. C'est que je suis venue pour ma fenêtre, moi ! Théo, quant à lui, s'avance au premier rang. J'aurais préféré qu'il reste à mes côtés, je l'avoue. Pas pour lui parler ; c'est juste que le savoir proche de moi est, je trouve, rassurant.

La cour toute blanche est magnifique aujourd'hui. J'essaye d'en profiter un maximum, car je sais que ce spectacle ne durera pas. Dans quelques jours, la neige disparaitra complètement. Je n'ai qu'à peine eu le temps d'admirer que notre professeur propose :

— J'ai amené pour vous un jeu de société, sur l'Histoire évidemment. Qui veut jouer ?

Hugo, Théo et Mila acceptent avec joie, tandis que deux autres filles de la classe préfèrent rester dans un coin pour discuter. Pour ma part, je ne bouge pas de ma fenêtre. J'ai bien répété vouloir en profiter au maximum !

Pendant que j'entends quelqu'un distribuer les cartes, j'observe Murasaki et Midori. La première est magnifique, sur son préau enneigé. Elle fixe le sol de son regard mélancolique que je connais bien. Sans doute aime-t-elle autant la neige que moi. Sa grande sœur, elle, est debout sur le sol blanc de la cour, émerveillée par le paysage que cette nuit nous a offerte. Tout est si paisible.

Sans trop comprendre, je vois Murasaki s'avancer au bord du toit, son regard toujours aussi vide. Elle s'avance même un peu trop à mon goût. Elle marche, doucement, très doucement... Soudain, je manque de bondir de ma chaise : la petite fille vient de sauter ! Son petit corps tombe en direction du sol, bien plus vite que les doux flocons de cette nuit. Je la regarde sans pouvoir agir. Murasaki, Non ! Pourquoi ? Si tu tombes, tu vas...

— Tu veux venir jouer avec nous ?

Je me retourne, presque en sursaut tant je suis surprise. Mais je reconnais nettement cette voix désormais : celle de Théo. Tourmentée, je ne peux m'empêcher de jeter un regard furtif à ma fenêtre avant de lui répondre. Là, Midori s'élance pour attraper sa petite sœur avant qu'elle ne touche le sol. Murasaki reste dans ses bras quelques instants à la regarder, incrédule. Elle est sauvée !

Certaine que la petite fille va bien, je me retourne vers Théo. Le pauvre attend toujours sa réponse. Sans le faire plus attendre, j'accepte avec un naturel qui ne me ressemble pas. Sans doute le soulagement de voir Murasaki indemne. En tout cas, Théo se montre ravi. Nous rejoignons Mila et Hugo à la table du premier rang. A son bureau, Monsieur Cardot semble satisfait de me voir avec eux. Je me demande pourquoi il s'en réjouit tant.

Le jeu est plus amusant que je ne l'aurais pensé. Il reste basé sur l'Histoire, mais les règles sont ludiques. Théo apprécie beaucoup en tout cas ; rien d'étonnant quand on connait sa passion pour la matière. D'un coup, il se met à rire. Hugo vient de s'exclamer que Jules César aurait pu utiliser sa voiture pour se déplacer plus vite.

Le grand blond passe son temps à faire des vannes depuis que nous jouons. Je dois avouer qu'il est vraiment doué pour savoir quelle remarque faire au bon moment. C'est une fille n'a pas pour habitude d'apprécier les personnes qui ne se prennent jamais au sérieux qui le dit ! Hugo est plutôt amusant. Il semble toujours de bonne humeur, c'est vraiment agréable.

Mila aussi me semble attachante. Étrange ; jamais je n'aurais imaginé le penser d'elle voilà à peine quelques mois. Avec sa petite tête blonde, on pourrait la croire faible et naïve au premier abord. Pourtant, elle se montre très réfléchie. Dans tous les cas, la petite blonde reste vraiment mignonne. J'ai un peu l'impression qu'elle remplace Louise aujourd'hui, c'est perturbant.

Le jeu vient de s'achever. Mila fait la moue, déçue. Théo, lui, me regarde les yeux remplis d'admiration. Quant à moi, je reste un instant figée avant de réagir.

— Oh, j'ai gagné !

— Bravo Léa ! me félicite Hugo. On refait une partie ?

— Bien sûr, dis-je, avec plaisir ! 

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