Chapitre 8

Les vacances de Noël sont terminées. Déjà ! Les cours reprennent en cette nouvelle année. Parmi toutes les personnes qui profitent du mois de janvier pour annoncer leurs bonnes résolutions, je n'en choisis aucune. Je n'aime pas l'idée d'attendre une date précise pour enfin se décider à changer.

Tout comme avant les vacances, je continue de rejoindre Théo, Louise et Hugo à la cantine. Ce lundi, nous nous dirigeons ensemble vers le réfectoire. Heureux de se retrouver, tous les trois ne cesse de discuter. Théo s'exclame que nous lui avons manqué. Je ne sais pas dire si moi aussi j'ai eu ce sentiment à leur égard. Il est vrai, cependant, que j'ai ressenti quelque chose de particulier durant ces vacances. Comme une sorte de vide... J'avais hâte de les revoir. C'est peut-être vrai finalement ; ils m'ont manqué. Un peu.

Sans attendre, les trois amis se racontent leur Noël. Théo demande quels cadeaux nous avons reçu. Impatient, Hugo est le premier à répondre.

— J'ai eu une nouvelle console. Je suis trop content ! Et vous ?

— Moi, j'ai reçu une tablette, annonce Louise à son tour. Et puis aussi un nouveau justaucorps pour mes compétitions de gym, une paire de chaussures, des places pour un concert, des jouets pour mon chat, un carnet à dessin, ...

Sa liste va-t-elle s'arrêter un jour ? On sait bien que sa famille est riche, nul besoin de le prouver. Mais bon, elle ne fait que répondre à la question, rien de plus. Il lui a simplement semblé plus juste de paraître orgueilleuse plutôt que de mentir.

Au tour de Théo : lui a découvert une place de concert au pied du sapin. C'est vrai qu'il parle parfois de ce groupe pop. Je n'ai pas pour habitude de me tourner vers ce que je ne connais pas, pourtant moi qui n'écoute pas beaucoup de musique, je serais curieuse de découvrir.

— Et toi Léa, me lance soudain Louise, qu'est-ce que tu as reçu ?

La question me fige sur place. Ce n'est guère la première fois que ma camarade m'adresse la parole, mais cela m'étonne toujours autant. Que Théo s'intéresse à moi, je peux l'envisager - et encore. En revanche, que la brillante Louise s'y mette à son tour, c'est au-delà de l'imaginaire.

— J'ai eu des figurines et des mangas, répondis-je.

— Tu aimes les mangas ? Je ne savais pas. Moi aussi, j'adore ! Il faut que je te présente mes préférés.

Je n'ai qu'à peine le temps de mettre le point au bout de ma phrase qu'Hugo rebondit dessus. Ils parlent tous trop vite ! Ce n'est pas facile de suivre lorsque l'habitude nous manque. Quoi qu'il en soit, je suis ravie que nous découvrir un passe-temps commun. Moi qui n'avais jamais personne avec qui échanger dessus. Enfin, encore faut-il que nous aillions l'occasion d'en discuter.

Le dessert arrive. J'avale une cuillère de mon yaourt, une oreille attentive à Théo.

— J'ai pu voir mon filleul à Noël. Il a beaucoup grandi en deux mois, c'est impressionnant.

— Bah profite tant qu'il est petit, lui conseille Hugo. Moi, ma petite sœur est vite devenue casse-pied ! En fait, elle l'a toujours été.

— C'est parce que tu exagères toujours, remarque Théo. Je suis sûr qu'en vrai, elle est adorable !

La discussion se poursuit au sujet de nos familles respectives. Théo a des cœurs à la place des yeux dès qu'il évoque la sienne. J'apprends qu'il chérie ses proches plus que tout au monde. Après lui, je n'ose pas évoquer mon détachement vis à vis des miens. C'est que toute ma famille habite en Bretagne. Je ne les vois plus que très peu depuis que j'ai déménagé ici.

Quand Théo entend "grands-parents", il se voit aider de bon cœur sa chère mamie à faire ses courses. Quand Louise entend "parents", elle a en tête ses disputes endiablées, qui finissent le lendemain par des "je t'aime". Moi, je ne vois rien. Je ne sens rien. Même pas ce sentiment de manque que j'ai eu pour eux trois durant ces vacances.

— Vous avez de la chance d'être proche de votre famille. La mienne habite loin, alors j'ai très peu d'attache. Je me sens un peu ridicule de dire ça...

Je n'y crois pas : je viens de me confier ? Mais quelle abrutie je fais ! A mon grand soulagement, au lieu des jugements que je pensais subir, Théo me rassure :

— C'est normal si vous habitez loin, me dit-il. Tu peux essayer de les contacter plus souvent si tu veux. Mais tu n'as pas à te sentir obligée.

Ces paroles me font du bien. Pourquoi est-il à ce point gentil ? Cependant, je me garde de leur dire que j'ai le même problème avec mes parents. J'habite sous le même toit qu'eux : l'excuse de la distance n'est pas de mise.

Au fil de la discussion, j'apprends que Louise a une grande sœur, tout comme moi. Avec ses indignations et ses grands mots, j'ai tout de suite compris qu'elle ne l'apprécie pas beaucoup. En tout cas, ses exagérations amusent Théo.

"Sœur" lui évoque pour sûr hostilité et mépris. Dès l'emploi de ce mot, je me vois quant à moi jouer avec la mienne dans notre grand jardin de Bretagne. Lorsque nous étions petites, nous fabriquions des avions en papier pour les lancer le plus loin possible. Nous nous disions même que, une fois adulte, nous prendrions ensemble un vrai avion, pour parcourir le monde.

— Toi aussi Léa, me demande Théo entre deux rires, c'est la guerre avec ta sœur ?

— Non, ça va, dis-je extirpée de mes pensées. Au contraire, on s'entend bien. Mais depuis qu'elle est rentrée au lycée, et maintenant à la fac, on ne se voit presque plus.

— Et vous ne vous parlez jamais par message ?

— Un peu, au début. Maintenant c'est devenu rare. Même quand on se retrouve à Noël, on ne se parle plus comme avant. J'avoue que ça me manque un peu...

Oui, cette fois-ci j'en suis certaine, c'est bien un sentiment de manque que ressens quand je pense à ma grande sœur.

Louise propose de quitter la cantine. Après notre passage à la plonge, je m'éloigne de mon côté pour les laisser tous les trois. C'est une habitude désormais. Aujourd'hui la sonnerie arrive vite. Il faut dire que nous avons beaucoup discuté à la cantine. Je crois même ne jamais avoir autant parlé.

Le cours d'Histoire arrive à son tour. Monsieur Cardot ne manque pas de nous réciter son discours de bonne année. Je l'ai déjà entendu suffisamment depuis ce matin, stop ! Au lieu d'écouter, je jette un œil à ma fenêtre. Elle m'a manqué durant ces deux semaines. Dans la cour, sept chevaux sont placés dernière une même ligne. Ils semblent se préparer à courir, comme lors de paris. Je n'aime pas cela : beaucoup se voient ruinés à force de miser toutes leurs économies sur des chevaux.

Mais comme ici je n'ai pas d'argent en jeu, je me décide à deviner lequel pourrait l'emporter. Les sept chevaux ne sont pas différenciés par des numéros, mais par une couleur, différente pour chacun. Sans aucune hésitation, je choisis de miser sur le bleu.

Monsieur Cardot commence à nous distribuer une activité à réaliser, lorsque qu'un coup de feu annonce le début de la course. Très vite, le cheval vert ainsi que le bleu distancent les cinq autres, mais c'est sans compter le jaune qui s'approche d'eux de plus en plus. La cour de récréation me paraît tout de même petite pour une course de chevaux, elle risque de se passer très vite.

Rapidement, les participants en tête ralentissent, épuisés. C'est alors que le cheval rouge dépasse le jaune, puis le vert. Rien n'est perdu pour mon favori, toujours devant les autres. Cependant il faiblit beaucoup plus vite. L'écart entre lui et le rouge se rétrécit à une vitesse prodigieuse. Le cheval vert revient à la charge... Le rouge ralentit un court instant, mais parvient à puiser suffisamment de force pour accélérer de nouveau. Courage, cheval bleu ! Tu peux y arriver !

La ligne d'arrivée est toute proche... Et je vois le premier cheval à la traverser : le rouge. Le vert arrive deuxième, suivit du bleu. Puis, c'est au tour du violet, qui venait tout juste de dépasser le jaune. Je suis déçue d'avoir perdu... Mais bon, le bleu est tout de même sur le podium. Le vert est deuxième : Midori doit être ravie ! Soudain, Théo m'extirpe de ma rêverie :

— T'as répondu à aucune question, Léa... On peut le faire à deux si tu veux que je t'aide. Le prof nous a dit qu'on pouvait travailler en binôme.

Il parle de l'activité que le professeur nous a distribuée. Mince ! J'étais tant absorbée par la course que j'en ai oublié de la réaliser.

— Non t'inquiète pas, j'avais juste la tête ailleurs. Je vais y arriver toute seule.

Il acquiesce et se concentre à nouveau sur sa feuille. J'ai tant l'habitude de tout faire toute seule que je lui ai répondu sans même réfléchir. J'espère au moins qu'il ne m'en veut pas trop...

Je le regarde discrètement. Il continue son activité d'Histoire, sans que je puisse déceler quoi que ce soit sur son visage. Alors, je me retourne vers ma propre fiche et commence à répondre aux questions. Je suis tout de même déçue de ne pas le faire avec lui. 

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