Chapitre 23

Je le dis sans y croire moi-même, et pourtant c'est vrai : le dernier jour de l'année scolaire est arrivé. Mon dernier jour en tant que collégienne. En septembre je devrais quitter cet endroit, pour entrer dans un autre monde bien plus grand et inquiétant : le lycée.

En début d'année, je ne pensais pas y porter importance. Pour moi, seule mon incertitude liée à mon avenir me ferait regretter ce doux cocon qu'est le collège. Seulement maintenant, s'ajoute la tristesse de devoir quitter mes amis.

Nous avons tous les quatre décidé de venir au collège aujourd'hui. Même Louise, qui habite loin, n'a pas hésité. Je n'ai moi-même pas pour habitude de rester jusqu'au dernier cours, mais cette dernière année peut faire exception. En tout, nous sommes sept à être venus dans notre classe.

Mila n'est pas des nôtres, Anaïs non plus. La première m'a prévenue de leur absence durant notre dernier dimanche au stade. Ce jour-là, elle m'a d'ailleurs proposé un match avec ses amies de son club. Elle est si enthousiaste de me voir progresser ! Ce que je comprends mieux depuis qu'Hugo vient chez moi apprendre le japonais. Moi qui pensais déranger les autres, j'ai désormais des amis ravis de me voir. Qu'ils sont fous d'aimer une fille comme moi ! Surtout Louise.

Dès que nous sommes ensemble, elle et moi, nous n'hésitons plus à nous tenir la main. Nous avons annoncé la nouvelle à Hugo et Théo mercredi dernier. Tandis que le premier semblait surpris, le second s'est exclamé qu'il l'avait compris depuis longtemps. Je me demande comment il a pu deviner. Théo est vraiment exceptionnel. En tout cas, tous les deux l'ont sans souci accepté. Je n'y ai jamais douté de toute manière.

Ma sœur est, bien entendu, également au courant. C'est à se demander si elle ne serait pas plus ravie que moi. Sacrée Margaux ! Je n'ai en revanche rien dit à mes parents. Louise non plus. Ils n'attendent qu'une chose d'elle : qu'elle amène un beau garçon intelligent à la maison, m'a-t-elle dit. Pour le coup, je ne réponds qu'à peu de leurs critères.

Peu à peu, je dois me rendre à l'évidence : ma relation divise, et un jour les problèmes me tomberont sur la tête. Comme si l'amour ne se montrait pas assez impitoyable tout seul. Si seulement tout le monde pensait comme Margaux.

La journée se passe, calme et fluide. L'ambiance est assez particulière. Je sens très nettement qu'une page se tourne, c'est presque émouvant. Je grave dans ma tête les affiches sur les murs de classes, que je n'avais jusque-là qu'à peine regardées. Tour à tour, nous souhaitons de bonnes vacances à nos professeurs de français et de mathématiques. Même lui à faire l'effort de nous souhaiter le meilleur pour l'année prochaine.

C'est maintenant à Monsieur Cardot de nous accueillir dans sa salle. Tous mes professeurs vont me manquer aussi, c'est indéniable. En Histoire, Monsieur nous propose le même jeu que lors du jour de janvier, où la neige recouvrait la rue. Nous acceptons tous les sept sans hésiter.

Il nous faut expliquer les règles à ceux qui ne les connaissent pas, mais ils comprennent tous très vite. Louise parvient même à gagner la première partie. Sa victoire me réjouit presque plus que la mienne.

Nous commençons ensuite une seconde partie. Alors qu'Hugo distribue les cartes, Théo se tourne vers Monsieur Cardot, qui fixe son écran d'ordinateur. Je me demande ce qu'il y fait. Rien de passionnant, à en croire ses bâillements réguliers.

Théo le remarque et me fait un signe de la tête. Oh, je comprends son intention ! Comme il me le demande, je propose à sa place à notre professeur :

— Vous voulez jouer avec nous, Monsieur ?

Le concerné refuse dans un premier temps. Hugo insiste, puis Théo, puis nous tous. Enfin, notre professeur finit par céder et quitte son bureau pour prendre une chaise avec nous. Quand je pense que je ne le verrai plus l'année prochaine, je suis ravie de pouvoir partager cette partie avec lui. Mais par-dessus tout, je profite au maximum de ce dernier jour pour passer de bons moments avec mes amis. Nous nous sommes promis de nous revoir pendant les vacances, même si aucun de nous n'est dupe : nous ne pourrons pas rester ensemble aussi souvent que si nous étions dans la même classe.

Quelques parties plus tard, la sonnerie nous ordonne de sortir de classe. Personne ne se précipite dehors, une première depuis septembre. Pendant que les autres se préparent à partir, je décide de me rendre une dernière fois à ma place, proche de la fenêtre. Il va falloir que je lui dise au revoir à elle aussi. Je m'avance au fond de la classe, sans me soucier des autres. La table est inondée par les rayons du soleil, elle en devient brûlante. Je me penche pour observer l'extérieur. Dans la cour sont installées Murasaki et Midori, l'une sur le toit du préau, l'autre au milieu de la cour. La plus petite garde à côté d'elle un adorable lapin blanc, tandis que sa grande sœur tient un élégant chat d'une couleur presque dorée.

Ils sont trop mignons ! Je ne peux m'empêcher de leur donner un nom. Ce sera « Shiro » pour le lapin, et « Kin » pour le chat. « Blanc » et « Or » ... Je n'ai toujours aucune originalité pour les prénoms.

Midori est enjouée comme à son habitude. Murasaki, quant à elle, a un discret sourire sur le visage. Je la sens plus épanouie qu'elle a pu l'être et la voir ainsi me fait chaud au cœur. Prends bien soin de ta petite sœur, Midori. Elle a tout de même encore besoin de toi.

— Qu'est-ce que tu regardes ? T'es toujours penchée vers la fenêtre en Histoire, j'ai remarqué.

C'est Théo qui est venu m'interpeler. Je lui réponds que ce n'est rien, et détourne mon regard de la cour. Je ne leur ai jamais parlé de Murasaki, de Midori, ni de quoi que ce soit lié à mon imagination. Je préfère garder mes histoires pour moi, comme un jardin secret dans lequel je peux me retrouver seule lorsque j'en ressens le besoin. Un jour, peut-être, j'aurais suffisamment confiance pour leur partager ce secret.

Quoi qu'il en soit, je me dois de partir. Alors, je vous dire au revoir. Au revoir Murasaki. Au revoir Midori. J'espère vous retrouver à d'autres occasions. Et surtout, prenez soin de vous ! De Kin et de Shiro également. Pour ma part, dès l'année prochaine, je me rendrai au lycée. Une nouvelle vie commence pour moi, avec de nouveaux professeurs, de nouveaux amis. Avec vous, j'ai beaucoup rêvé, mais j'ai désormais compris que s'enfermer dans son monde n'est pas une solution. Ce n'est pas ce qui me permet d'être vraiment heureuse.

Oui, j'ai beaucoup rêvé, et maintenant je vais vivre.

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