Chapitre 20

— Mais puisque je te dis que c'est fichu ! Elle m'a avoué par message aimer quelqu'un.

— Justement, c'est classique la technique du SMS !

— Je ne comprends pas ce que tu veux dire.

— Ah là la... Tu me surprendras toujours, petite sœur ! Tu sais quoi, je ne te dis rien. Tu découvriras par toi-même. Bon, on m'attend, je te laisse. Tiens-moi au courant, surtout !

— Margaux ! Attends...

Elle a raccroché. Je déteste lorsque ma sœur joue ainsi la mystérieuse ! Le reste du chemin vers le collège se poursuit donc en silence. Du moins, si je fais abstraction de la fille et du garçon aux lunettes de soleil qui me suivent et me narguent depuis hier.

Une fois la grille rouge du collège en vue, je cours vers Théo, Hugo et Louise. Revoir ses fines joues pâles contre lesquelles titubent ses bouclettes me remplit de joie et de peine à la fois. Oh, Louise ! Si tu savais ce que je pense de toi. En fait, je crois que je l'ignore moi-même.

Ce dont je suis sûre, en revanche, c'est que mes amis sont enfin revenus de leur voyage. Quel plaisir de les voir à nouveau ! Dès le mois de juillet, nos journées aux collèges seront finies...

— Tu nous a manqué, Léa !

— Ah bon ? Vous aussi, vous m'avez manqué.

Si quelque chose n'a pas changé après cette semaine sans eux, ce sont bien mes réactions ridicules. Personne ne répond "Ah bon" à une telle exclamation, voyons ! Pour rattraper le coup, je demande des anecdotes sur leur voyage. Ils n'ont malheureusement pas le temps d'en raconter que notre professeur d'anglais débarque pour nous faire cours. Attendre jusque midi me paraît long...

Le déjeuner arrive enfin, et nous nous pressons vers la cantine. Je commence à m'installer, lorsque je croise du regard Mila, assise en face d'Anaïs. Elle m'offre son habituel sourire à pleines dents que je lui rends sans hésiter. Le mien est tout de même plus discret.

Avec Mila, j'ai appris des tas de choses dimanche dernier. Courir après un ballon est loin d'être aussi facile que je l'imaginais. Pour le coup, ma coach personnelle m'impressionne : même avec ses petites jambes, elle court nettement plus vite que moi. Tout est question d'entraînement, finalement. Quand je pense à Louise qui s'investit énormément pour ses concours de gymnastique, j'ai hâte de lui montrer de quoi moi aussi je suis capable.

A ma table, Hugo est le premier à s'exprimer sur leur voyage. Une fois les anecdotes d'Angleterre racontées, c'est à mon tour de partager ma semaine. Elle est clairement moins intéressante que la leur, mais mes amis ont grandement insisté pour avoir des détails. Je leur explique le match de foot, la cantine avec Mila, et aussi...

— Anaïs ! s'exclame Louise. La dernière fois que je lui ai parlé, elle était très désagréable. Elle ne t'a pas embêtée, j'espère ?

— J'avoue que j'avais un peu peur au début, mais même si elle est intimidante, elle est sympa. Je t'assure !

— Mouais, à condition d'être d'accord avec elle.

La dernière remarque de Louise amuse Hugo, qui lui rappelle sa propre susceptibilité. Elle riposte, puis le garçon réagit à nouveau, jusqu'à ce que Théo change de sujet. Même si leurs gamineries leur permettent surtout de s'amuser, il supporte mal de voir ses amis se parler ainsi.

J'y pense : il est courant de se chamailler avec la personne que nous aimions, n'est-ce pas ? Peut-être que c'est Hugo que Louise... Non, n'y pense plus Léa !

Mieux vaut profiter à nouveau de nos bonnes habitudes à quatre. Avec eux, la journée passe très vite. Je quitte le collège pour retourner chez moi, accompagnée de Théo. Depuis ce jour pluvieux, il nous arrive de rentrer à deux lorsque l'envie nous prend.

— Tu sais, lui dis-je, Mila m'a proposé de m'apprendre à jouer au foot. On a fait un entraînement ce dimanche matin. Depuis le temps que je voulais essayer !

— C'est génial, je suis content pour toi ! Mila est quelqu'un de bien, c'est la coach idéale. Tu penses t'inscrire dans un club ?

— Oh non, pas tout de suite ! Je ne fais que découvrir. Et puis, je ne suis pour l'instant pas à l'aise dans un grand groupe.

Théo m'offre un sourire en guise de réponse. Il baisse légèrement la tête pour croiser mon regard, avant de se tourner à nouveau devant lui. Je me souviens de la première fois qu'il m'a souri de cette façon, en début d'année. A ce moment-là, il n'était qu'à peine plus grand que moi. Il laissait ses cheveux plus longs aussi. Comme beaucoup, il a bien changé en presque un an. Je suis loin d'être la seule.

Pourtant, malgré cette année passée avec Théo, il me reste une part d'inconnu sur mon ami. Je profite du trajet qu'il nous reste pour lui poser une question qui me trotte dans la tête :

— Dis-moi, j'aimerais te demander quelque chose. Je sais que Louise passe son samedi à son cours de gym, ou même parfois le dimanche à la salle de sport, et qu'Hugo profite de son week-end pour cuisiner et jouer à sa console. Mais toi, tu fais quoi de ton temps libre ?

— Et bien, souvent, je garde mon filleul le mercredi après-midi, ou alors je joue avec mon chien. Sinon... Je sais que ça fait un peu coincé, mais j'adore lire.

— Comment ça coincé ? Pas du tout ! On dirait moi, à vouloir te rabaisser ! Moi aussi, j'adore lire. Je discute pas mal de mes lectures avec ma sœur d'ailleurs.

— Oh, tu t'es rapprochée de ta sœur ? C'est bien ! On m'a souvent dit que je ne savais pas m'amuser, tu sais... Si tu veux, nous aussi on peut discuter de nos lectures.

— Avec plaisir, Théo !

Parler avec lui me permet de faire abstraction des rayons brûlants du soleil qui me tapent le visage. Lorsque nous nous séparons, j'ai en tête les titres des livres historiques cités par Théo, sans oublier deux ou trois de ses auteurs préférés.

Sur mon lit, je cherche sur internet les résumés qu'il m'a conseillés, quand soudain mon portable vibre contre mon matelas. Un message de Louise apparait sur mon écran. Pourquoi m'a-t-elle écrit ? J'ai fait quelque chose de mal ce midi, c'est ça ? Elle m'en veut sûrement pour avoir défendu Anaïs. Je savais que j'aurais dû me taire.

Ma main tremblante déverrouille mon portable. Je lis son message : « Salut Léa, j'étais en train de réviser pour le brevet, quand je me suis dit que ce serait sympa si on travaillait toutes les deux au CDI. T'en penses quoi ? »

J'en reste bouche-bée. J'ignore ce qu'il lui prend, mais peu importe. Margaux m'a appris à toujours saisir une occasion qui se présente. Je cherche la bonne formulation pour lui répondre : contente, mais pas excessive non plus.

Debout contre le mur bleu de ma chambre, le garçon et la fille à lunettes baissent la tête. Tout de suite, vous rigolez moins !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top