Chapitre 18
Mes trois amis sont partis à leur voyage scolaire en Angleterre depuis hier. Après quelques hésitations, je leur ai envoyé un message le soir, et nous avons un peu discuté. Je suis soulagée de lire qu'ils se portent bien.
Tout comme la veille, je m'installe sur une table recluse à la cantine ce midi. Manger seule ne m'était pas arrivé depuis un moment. Le brouhaha est toujours aussi oppressant, mais j'ai appris à y faire abstraction. Tous les trois me manquent quand même...
Je ne tarde pas à avaler la dernière cuillère de mon yaourt. Une fois mon plateau déposé à la plonge, je pars dans la cour. Le CDI était ouvert lundi midi, mais pas aujourd'hui, alors je m'installe sur le banc le plus proche du préau, et attends la sonnerie. Je me demande ce qu'ils sont en train de faire, en Angleterre...
L'ennui commence à m'envahir. Pour m'occuper, j'observe le match de football dont le préau sert de terrain. Un garçon aux cheveux décolorés réclame un penalty. Je ne comprends pas grand-chose aux règles, mais elles ne semblent tout de même pas trop compliquées.
C'est incroyable ce qu'un ballon peut attirer les garçons. Je le vois rouler sur le macadam, se faire frapper par un pied qui passait par là. Il est ensuite entrainé dans un demi-tour et reprend sa course vers le camp adverse. Soudain, la balle arrive jusqu'aux pieds d'une camarade de classe : Mila. Tient, c'est la première fois que je la vois jouer au football. Elle a attaché ses longs cheveux blonds pour l'occasion, mettant davantage en avant ses grands yeux et ses joues toutes mignonnes. Mila a un vrai visage d'enfant, on lui donnerait aisément deux ans de moins. Je suis étonnée qu'une fille comme elle s'intéresse au football...
Non, cette pensée est stupide. Evidemment qu'elle a le droit d'y jouer !
Suivre le ballon rouler dans tous les sens commence à me lasser. Fatiguée, mon regard se tourne vers le toit du collège. Je ne suis pas surprise d'y voir Murasaki installée, sa sœur à ses côtés. Elle se met souvent sur ce toit-là quand je suis dans la cour, car puisque je suis juste en dessous de celui du préau, je ne la verrais pas très bien si elle s'y mettait. Elle et Midori discutent toutes les deux. Enfin, c'est surtout Midori qui parle. J'aimerais entendre ce qu'elles se disent. Soudain, toutes les deux me remarquent et me sourient. Je fais de même, sans oublier d'être la plus discrète possible.
Midori me salue de la main, mais je dois me retenir de le lui rendre. Je passe suffisamment pour quelqu'un de bizarre, pas besoin d'attirer davantage l'attention. Puis, elle tend le bras, pour m'indiquer quelque chose du doigt. Le préau ? Je me retourne pour comprendre plus clairement ce qu'elle veut me montrer. Le match de football ? C'est cela ? Je la regarde à nouveau. Elle insiste. Attends... tu veux que je joue avec eux ? C'est vrai que cela m'occuperait. Et puis, je joue tellement peu au football que cela m'intrigue. Le ballon, il attire tout le monde en fait.
Sauf que jamais ils n'accepteraient que je les rejoigne. Je ne sais même pas jouer. Cependant, Midori insiste encore. La têtue pointe du doigt le préau, d'un air enjoué. A force de réfléchir, une idée me vient : Mila. J'ai joué avec elle lorsqu'il avait neigé en janvier. Nous nous étions bien entendues, et il nous arrive même de se saluer de temps en temps depuis. Si je lui demande pour les rejoindre, elle pourrait accepter.
Pour autant, Midori à beau insister, la peur du rejet revient m'envahir sans cesse. Je regarde rapidement ma montre : les minutes sont encore nombreuses avant la sonnerie. Je vais sérieusement m'ennuyer à rester sur mon banc sans rien faire...
Bon, c'est décidé. Je me lève, et avance mes jambes tremblantes vers le préau. J'essaye de garder le corps détendu, la tête haute. J'essaye. En vérité, ma démarche ressemble plutôt à celle d'une proie qui s'approcherait de ses chasseurs.
J'arrive enfin jusqu'au terrain. Je ne perds pas Mila des yeux, et m'avance pour la rejoindre.
— Tu fais quoi, Léa ?
Mince ! Maxime est planté devant moi, le ballon sous le coude. C'est sûr, il ne m'acceptera jamais. Il m'a l'air désagréable celui-là... Stop, je chasse vite cette pensée de mon esprit. Après tout, Louise aussi me paraissait exécrable avant de la connaître. Non sans ruminer ma déception de ne pas parler à Mila, je lui demande d'une voix qui peine à s'affirmer si je peux me joindre à eux.
— Ça tombe bien, me répond-il avec le visage qui s'illumine, on est un nombre impair. Tu sais bien jouer ?
— Honnêtement, pas trop...
— Ok, tu peux aller dans l'équipe de Mila alors. Ils sont plus forts que nous, au moins, ce sera plus équilibré.
Maxime appelle ensuite tous les joueurs à se rassembler pour reformer les équipes. Mes jambes toujours tremblantes manquent de me lâcher. Je suis si soulagée d'être acceptée que je m'en écroulerais par terre.
Personne ne semble trop embêté de ma venue. Après mes jambes, ce doit être mes yeux qui ne fonctionnent plus ! Une fois les équipes reformées, nous commençons à jouer.
Au début, les garçons gardent souvent le ballon avec eux, jusqu'à ce que Mila le leur fasse remarquer. Suite à sa demande, certains se décident de faire un - petit - effort. Ce n'est finalement pas aussi facile de courir après un ballon. Mes gestes sont à l'apogée de la maladresse. Malgré tout je m'amuse bien. Sur le toit du collège, Midori et Murasaki m'encouragent.
La sonnerie nous stoppe soudain. Je ne cache pas ma déception. Il nous faut nous rendre en cours d'anglais, Mila, Maxime et moi. Le garçon nous énumère ses buts de ce midi, sans même essayer de cacher sa fierté.
Mila rit de bon cœur à son allure de comique. Je trouve quant à moi Maxime beaucoup moins drôle qu'Hugo, même si ces remarques quelques fois lourdes ne l'empêchent pas d'être sympa. Je ne m'entends pas avec lui sur tout mais lui parler n'est pas déplaisant. Nos discussions sont différentes de celles avec Théo et les autres ; ce n'est pas si mal de changer. Je pourrais sans doute me faire facilement de nouveaux amis au lycée, en fin de compte. C'est à se demander ce qui m'a tant empêché jusque-là de m'ouvrir aux autres.
Je passe les prochaines heures de cours à me remémorer le match du midi. Pouvoir me défouler ainsi m'a fait un bien fou. Le contact de l'air qui me fouettait le visage dès que je courais attraper le ballon, les chocs de celui-ci contre mon pied : ces sensations me manquent déjà. Ce stupide sport populaire réservé aux garçons : j'ai envie d'y rejouer.
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