Bonus #4 ⋅ Familia
Touya.
L'appel de l'hiver.
Les cinq lettres tracées dans le glaçage pastel se reflétaient dans le regard ébahi du bambin. Il avait les joues roses, parsemées de taches de rousseur, et de grands iris mordorés qui ne se détournaient pas des deux flammes scintillant sur le gâteau. Une main s'agita juste au-dessus pour attirer son attention. Il leva le nez vers son père, tout souriant derrière l'objectif de son téléphone portable, puis vers sa mère juste à côté. C'était surtout elle qu'il cherchait. Il croisa ses yeux remplis d'amour, ses grands yeux bleu acier qu'il voyait en triple avec ses frères aînés qui l'entouraient eux aussi. Et puis Oikawa Touya fondit en larmes.
— Qu'est-ce qu'il a ?
— Pourquoi il pleure ?
— C'est son anniversaire, il devrait être content !
— En plus, il a pas encore ouvert ses regalos.
Les questions de Miro et Noa, rythmées par des mots espagnols qui témoignaient de leur bilinguisme naissant, se perdirent dans les pleurs de leur petit frère de quatre ans leur cadet. Ils l'avaient tant voulu, ce petit frère. Ils avaient même fait rougir leur mère jusqu'à la pointe des cheveux et pleurer de rire leur père, quand ils leur avaient demandé, d'une même voix et avec toute la politesse qu'un enfant de trois ans peut avoir, de leur donner un petit frère ou une petite sœur. Une chance que l'idée leur était venue avant d'arriver dans la tête de leurs fils, ou bien ils se seraient trouvés au pied du mur.
Fusae se précipita de l'autre côté de la table afin de sortir son benjamin de sa chaise haute. Il se cramponna à elle comme un naufragé à une bouée de sauvetage, tandis qu'elle le berçait entre ses bras et lui murmurait des mots rassurant à l'oreille.
— La flamme des bougies lui a fait peur, entendit-elle Tooru expliquer aux deux aînés qui lâchaient des « oh » de stupéfaction.
— Ça va aller, mon chéri, les flammes ne vont rien te faire.
Le petit corps de Touya était parcouru de hoquets, comme il peinait à retrouver son calme. Il avait niché son visage sous la chevelure corbeau de sa mère, celle-là même dont il avait hérité – même si la sienne était plus bouclée, comme celle de son père.
— Tooru, je crois qu'on va devoir faire sans les bougies, murmura Fusae en se tournant vers son mari qui, sans lâcher les épaules de ses fils, avait gardé le regard rivé sur elle.
— Ah, tu crois ? Même si on souffle avec lui ?
L'artiste haussa les épaules, incertaine, et baissa un regard inquiet sur les bougies, dont la cire commençait à goutter sous la chaleur. Il vaudrait mieux les éteindre avant que ça ne tombe sur le gâteau. Au moment où elle tendit le bras pour le faire, cependant, la petite tête de Noa se faufila sous son bras pour se blottir contre son flanc, tandis qu'il articulait d'une voix qui se voulait rassurante.
— Yaya, fit-il à l'intention de son frère qui baissa la tête sur lui, ça va aller, tu sais ? Le fuego, c'est juste un petit bout de soleil.
— C'est vrai ! s'exclama Miro de dessous la table, qu'il avait préféré traverser par en-dessous plutôt que de la contourner. Et puis on est là, nous !
— On est tes hermanos !
— On va te protéger !
Cette fois, Touya avait levé la tête de l'épaule de sa mère pour suivre du regard les deux petites tornades qui s'agitaient autour de Fusae et lui. Elles furent bientôt rejointe par une troisième, beaucoup plus grande et un peu plus tendre, qui se referma entièrement sur leur deux silhouettes de sorte à les plaquer contre un torse chaud et musclé – enfin, surtout pour Fusae qui rosissait déjà.
— Je crois, Touya, qu'ils te proposent de souffler les bougies avec toi, susurra Tooru en faisant du bout de l'index une pichenette sur le front de son dernier-né qui cligna des yeux.
— Exactemente ! renchérit Miro avant de rejoindre bon dernier le câlin groupé. Allez, viens Yaya !
— On va souffler les bougies ensemble !
De curiosité, le bambin avait oublié ses dernières larmes pour se pencher vers ses aînés. Il saisit de sa menotte potelée les doigts de Noa, puis après un coup d'œil perdu à ses deux parents et à leur sourire encourageant, il glissa sur le sol pour le suivre d'un pas titubant.
Fusae se laissant aller contre le torse chaud qui l'avait accueillie, sans quitter des yeux ses fils qui s'en allaient bras dessus bras dessous. Bien sûr, elle faillit bien les rejoindre en voyant les jumeaux galérer à faire monter leur cadet sur une chaise, mais Tooru la retint en arrière.
— Laisse, chuchota-t-il contre son oreille, laisse les se débrouiller.
— T'es sûr ? On devrait peut-être...
— Ils sont contents de s'occuper de leur frère.
La justesse de sa réponse étouffa ses maigres protestations. Elle s'abandonna à ses bras protecteurs dont l'étreinte se resserra subtilement autour d'elle – et un frisson ivre lui échappa en retour. Elle soupira d'aise :
— T'es vachement doué pour rassurer, n'empêche.
— Ouais, c'est un talent chez moi de rassurer les gens, gloussa-t-il fièrement. Surtout les jolies artistes qui manquent de confiance en elles ~
— Te moque pas, marmonna-t-elle en faisant la moue.
— Et toi, ne me regarde pas comme ça ou bien on devra fêter un autre deuxième anniversaire d'ici deux ans et neuf mois.
— Non merci.
Elle pouffa de rire, guettant du coin de l'œil le visage ébahi de Touya à mesure qu'il se tournait tantôt vers Miro, tantôt vers Noa. C'était un enfant calme, un peu effacé par rapport aux deux boules d'énergie qu'étaient ses grands frères, et toujours dans la lune. Pour autant, il n'y avait pas meilleur public que lui.
— Il tient beaucoup de toi, susurra Tooru, dont la voix se fit un peu plus tendre à ce constat.
— Il te ressemble aussi. Il a la même manie de rester collé à moi.
— La différence, c'est que moi, j'étais là le premier héhé ~
La suffisance dansait dans cet aveu. Tout adulte qu'il était, avec ses trente-trois ans dont huit de mariage, et ses trois morveux qui lui ressemblaient de plus en plus, Tooru n'en restait pas moins Tooru. Fier à frôler l'arrogance, un poil enfantin sur les bords, et surtout toujours aussi charmeur et jaloux qu'au premier jour. Y compris de sa propre descendance, parfois.
Fusae ne retint pas un sourire niais, parfaitement consciente qu'il en jouait à l'excès. Si son mariage était sa plus grande fierté, ses fils le talonnaient de près, avec leurs grands yeux ronds et leur visage en cœur, leurs boucles de petits princes, ainsi que leurs sourires ravageurs. Les dignes fils d'Oikawa Tooru.
— Ils sont quand même beaux, tous les trois, fit remarquer Fusae, l'esprit déjà à la peinture de cette scène.
— T'es sûre que t'en veux pas un quatrième ? tenta la voix contre son oreille, et elle rit.
— Tooru...
— On est à la moitié de l'équipe de volley, je dis ça, je dis rien.
Un nouveau rire se bouscula sur ses lèvres, attirant un court instant sur elle l'attention des garçonnets attablés, qui retournèrent bien vite à leur discussion de bougies et de fuego à éteindre de toutes ses forces.
— C'est vrai mais... Mais bon, je sais pas si... enfin...
— T'en fais pas, l'interrompit-il d'un baiser sur la tempe qui fit pétiller son cœur. Après deux accouchements, ça avait beau être ta décision, je compte vraiment pas t'en faire vivre un troisième.
— Tu... déglutit Fusae en réalisant le ton protecteur qui colorait ses mots. T'es le meilleur des maris, tu le sais ça ?
Son bégaiement attisa le feu de ses joues, même si ce n'était pas la première fois – et certainement pas la dernière – qu'il la déroutait à ce point. Or là où elle s'attendait à voir Tooru s'enorgueillir à son compliment, confirmer qu'il était le meilleur et lui l'utiliser à son avantage, il la dérouta une nouvelle fois :
— Alors t'es la meilleure des Sae-chan.
Oh, c'était redoutable. Ils avaient beau être ensemble depuis seize ans, mariés depuis deux fois moins et parents depuis six – la flamme n'avait pas besoin de grandes étincelles pour être entretenue. Pas que Tooru soit avare en affections, se surpassant à chaque occasion avec des cadeaux ou des idées de rendez-vous aussi attentionnés les uns que les autres. Or il n'y avait rien qui faisait plus d'effet à sa Sae-chan que ses petits compliments du quotidien.
Celui-là n'échappait pas à la règle. Fusae sentit le feu lui monter aux joues à la chaleur qui s'emparait de sa peau au moins autant qu'à la course des yeux de son cher, si cher époux sur ses pommettes où s'étalaient ses taches de rousseur. Et quand il en eut perdu le compte dans ses rougeurs, le regard de Tooru effleura le sien le temps d'une très courte seconde, un bref éclat d'acier contre airain, avant qu'il ne se penche pour l'embrasser.
Boum de mille sensations colorées, comme au tout premier baiser sous la lune de Sendai.
— Maman, papa, vous avez raté les bougies !
L'exclamation de Miro les sépara dans un sursaut, et Fusae réprima difficilement un sourire en entendant le soupir de Tooru lui échapper à l'idée d'être interrompu. Son rire le rattrapa bien vite, cependant, notamment lorsque Noa fit la grimace.
— En plus, c'est dégoûtant de vous embrasser sur la boca comme ça,
— J'avoue, beurk ! approuva Miro, vite suivi par un Touya extatique.
— Beurk, beurk, beurk !
Leur père ricana doucement contre son oreille, puis ajouta à voix basse, de sorte à ce qu'elle seule puisse l'entendre :
— Si seulement ils savaient comment ils ont été conçus...
— Tooru, le réprimanda-t-elle sans trop y croire elle-même, et ça aurait été impossible avec ses lèvres qui repartaient déjà à l'assaut des siennes. Ils nous attendent, en plus...
L'argument ne convainquit pas le volleyeur, qui en rajouta une couche en entendant les rire et beuglements enfantins dans le dos de sa Sae-chan, les lèvres incurvées dans un sourire irrépressiblement narquois quand il s'empara des siennes. Elle ne s'en plaignit pas non plus, s'abandonnant à l'étreinte comme un assoiffé à un torrent d'eau fraîche – et le tressaillement de ses bras autour d'elle lui indiqua que c'était tout ce qu'il attendait. Et s'il fut bref, aussi insignifiant dans le temps qu'un rossignol prenant son envol, ce baiser reflétait tout un pan de leur vie.
— C'est realmente très dégoûtant, répéta Miro une fois qu'ils furent séparés, et le souffle chaud de Tooru lui balaya le visage quand il pouffa de rire.
— Et puis on aimerait souffler les bougies ! ajouta Noa dans une moue qui ressemblait un peu trop à celle de son père.
— Les bougies ! répéta sans réfléchir Touya.
— C'est bon, finalement, pas besoin de quatrième.
La résignation de son mari arracha un rire nerveux à Fusae, qui tira sur sa grande main de volleyeur afin de l'attirer à sa suite vers leurs trois fils. Il ne lui opposa pas de grande résistance, sa moue boudeuse s'effaçant déjà dans un sourire, et c'est lui qui se chargea de rallumer les bougies éteintes à l'aide d'une allumette. La flamme illumina les pupilles des garçonnets dans un « woah » ébloui ; il n'en fallut guère plus pour que la petite famille ne se mette à chanter – faux, bien sûr – le traditionnel air des anniversaires. Et quand, une fois les bougies soufflées par un Touya extatique, Fusae se pencha pour plaquer un baiser sur sa joue pour lui murmurer un « feliz cumpleaños, mi amor » à peine audible, la voix de Tooru ne tarda pas à retentir.
— Hé, c'est moi ton amour, Sae-chan !
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